« Ils sont laissés seuls et sans défense comme les juifs », accuse un rabbin qui fait autorité. Avec l’illusion que cela va favoriser la paix avec les musulmans. Une description de la situation par un expert jésuite israélien
ROME, le 20 janvier 2015 – Du voyage du pape François en Asie on gardera en mémoire ses propos concernant les massacres qui ont eu lieu à Paris. Ce qu’il a dit a montré qu’il comprenait que des gens qui voient leur foi insultée et tournée en dérision réagissent avec violence : « Si un ami me dit un gros mot contre ma mère, il peut s’attendre à recevoir un coup de poing ! C’est normal ! C’est normal ! ».
Cette déclaration a fait le tour du monde et elles ont été perçues comme une musique agréable par une très grande partie du monde musulman, qui se sent solidaire de l’assassinat des caricaturistes impies de « Charlie Hebdo ».
Toutefois, au cours de la même conférence de presse, François a également dit d’autres choses : « Selon moi, le meilleur moyen de répondre est toujours la douceur. Il faut être doux, humble comme le pain, ne pas se livrer à des agressions ».
Et ces phrases-là ont été perçues comme un commandement pour les chrétiens qui vivent en terre musulmane : ils doivent tendre l’autre joue l’autre joue, même lorsque l’ennemi ne se limite pas à les offenser et à les tourner en dérision, mais qu’il les assassine au nom d’Allah.
Dans un vibrant commentaire que l’on a pu lire dans le « Corriere della Sera » du 13 janvier, un rabbin italien des plus estimés, Giuseppe Laras, 79 ans, qui fut naguère un ami fraternel du cardinal Carlo Maria Martini, a lancé une mise en garde contre la « stratégie désastreuse » de ceux qui croient « faciliter une paix culturelle et religieuse avec l’islam politique », d’abord en « laissant les juifs et l’état d’Israël seuls » et ensuite en laissant les chrétiens sans défense :
« C’est une stratégie désastreuse, que les chrétiens arabes ont expérimentée avec le panarabisme et l’antisionisme. Les résultats en sont bien connus. Presque tous les pays musulmans, une fois qu’ils ont été débarrassés de leurs juifs, se sont concentrés sur leurs minorités chrétiennes, qui constituaient des populations nombreuses ; ils leur ont fait subir des violences et ils les ont massacrées. C’est une histoire qui se répète, allant des Arméniens qui ont été victimes d’un génocide (il y a de cela un siècle) aux chrétiens coptes d’Égypte, des chrétiens d’Éthiopie et du Nigéria jusqu’à Mossoul. Et beaucoup de pays européens, toute une série d’intellectuels et beaucoup de chrétiens d’Occident ont les mains ruisselantes du sang des chrétiens d’Orient, parce qu’ils ont été disposés à sacrifier ces derniers sur les autels du pacifisme, de l’opportunité politique, d’une conception mal comprise de la tolérance, de la culture bien-pensante et “radicale chic”, et de la bonne conscience ».
D’après le rabbin Laras, c’est dans l’éclipse du judéo-christianisme que cette abdication trouve son origine :
« La crise que nous traversons n’est pas seulement économique et démographique : c’est une crise de la culture et des valeurs, elle est liée à la crise du christianisme et, en un certain sens, à celle de la connaissance de la Bible, cette dernière étant le pivot de toute notre culture. Carlo Maria Martini avait raison lorsqu’il disait que la Bible est le livre de l’avenir de l’Europe et de l’Occident, mais il n’a pas été écouté. Benoît XVI avait raison quand il a prononcé sa célèbre conférence de Ratisbonne, mais il a été victime d’un discrédit médiatique et culturel. Faire en sorte que la Bible soit de nouveau une des bases de la culture et de l’éthique est un engagement religieux possible, d’une extraordinaire fécondité, qui pourrait être partagé par les juifs et les chrétiens ».
Mais revenons-en aux chrétiens qui vivent en terre musulmane et en particulier au Moyen-Orient. Leur situation dramatique a fait l’objet d’une présentation faisant autorité et bien à jour qui a été publiée dans le premier numéro de cette année de « La Civiltà Cattolica », la revue des jésuites de Rome qui fait l’objet, avant d’être imprimée, d’un contrôle effectué par les autorités vaticanes.
Son auteur est un juif israélien qui s’est converti au christianisme et est entré dans la Compagnie de Jésus, David Neuhaus, vicaire du patriarcat latin de Jérusalem pour les catholiques d’expression hébraïque.
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L’AVENIR DES CHRÉTIENS AU MOYEN-ORIENT
par David Neuhaus S.J.
Actuellement, lorsque l’on veut parler de la situation des chrétiens au Moyen-Orient, il faut dans tous les cas commencer par prendre acte de la peur qui a saisi ces communautés lorsqu’elles ont vu les horribles scènes qui étaient diffusées en provenance de l’Irak et de la Syrie. […]