Sainte Marie, mère du bel amour
L’AMOUR EST UN dans le cœur de Marie, et dans notre cœur. C’est pourquoi “le second commandement est semblable au premier” (Mt 22,38). Cette unicité de l’amour sera l’axe de notre méditation aujourd’hui, et à l’eucharistie, nous prierons avec la messe “Marie, mère du Bel amour” (n° 36 dans le missel marial)
L’expression « mère du bel amour », que l’on trouve dans le livre de Ben Sirac (l’Ecclésiastique) dans un verset célèbre mais considéré comme une glose : « Je suis la mère du bel amour, de la crainte, de la connaissance et de la sainte espérance » (24, 18), a été utilisée depuis le Xe siècle dans des messes en l’honneur de la Vierge Marie. Ce qui est dit de la Sagesse divine est ainsi appliqué à Marie.
Dans cette messe, l’Église, selon la tradition de l’Orient comme de l’Occident, en célébrant le mystère et le rôle de Marie, contemple avec joie sa beauté spirituelle. Sa beauté est en effet le reflet de la sainteté et de la vérité de Dieu, « source de toute beauté », et l’image de la bonté et de la fidélité du Christ, « le plus beau des enfants des hommes » (Ps 44, 3).
Les textes de cette messe reconnaissent une triple raison d’appliquer à Marie le terme de beauté : elle est belle,- parce que « pleine de grâce » (Lc 1, 28) et comblée des dons de l’Esprit Saint, elle « resplendit de la gloire de son fils » (oraison 2) ;- parce qu’elle a aimé du plus bel amour Dieu, son Fils et tous les hommes, comme vierge, épouse et mère ;- parce que sa participation au mystère de la conception du Christ, de sa naissance, de sa mort et de sa résurrection fut belle, en ce sens qu’elle a adhéré au dessein du salut de Dieu avec force et douceur, avec grâce et fidélité.
Pour célébrer la beauté spirituelle de la Vierge Marie, cette messe reprend des figures et les images bibliques et patristiques, employées dans la liturgie. En Marie, la « toute belle » et « sans tache » (Ct 4, 7), se rencontrent, au plus haut degré, les belles vertus des femmes de l’Ancien Testament : la beauté de l’Épouse amoureuse du Cantique (cf. Ct 6, l) ; la beauté de la sage Judith (cf. Jdt 11, 21) ; la beauté gracieuse de la reine, épouse du Roi messianique (cf. Pr 44, 3).
Le chemin de la beauté est un chemin de perfection chrétienne, car les fidèles qui le parcourent avec la Vierge Marie s’efforcent de « marcher sur le chemin de la sainteté » et demandent à Dieu d’être éloignés « de la laideur du péché et (d’) aimer la beauté de vivre de (sa) vie ». (or. 3)
Oraisons d’ouverture
* Dans ta sagesse admirable, Seigneur, tu as fait naître du sein de la Vierge Marie le plus beau des enfants des hommes, Jésus Christ ; par l’intercession de sa mère, accorde à tous les peuples la joie et la paix et fais briller en nos cœurs la splendeur de ta sainteté.
* Seigneur Dieu, devant qui l’humble Vierge Marie resplendit de la gloire de son fils, nous t’en prions : fais-nous toujours rechercher, comme elle, ce qui est juste et vrai, et parvenir jusqu’à toi, source de toute beauté et auteur du véritable amour.
* Seigneur, la Vierge Marie, que ton Esprit Saint a comblée de ses dons, a trouvé grâce devant toi et nous a donné ton Fils unique, le plus beau des enfants des hommes ; puissions-nous, par son intercession, nous éloigner de la laideur du péché et aimer la beauté de vivre de ta vie.
Extraits de la Préface
En ce jour où nous vénérons la Vierge Marie,c’est toi que nous exaltons, toi que nous bénissons. Car tu manifestes sa beauté dans sa conception immaculée, alors que, préservée de tout péché, elle resplendit des rayons de ta grâce ; tu manifestes sa beauté lorsqu’elle enfante ton Fils, splendeur de ta gloire,notre sauveur et notre frère ;tu manifestes sa beauté dans la passion de ton Fils, lorsqu’en s’unissant à ses souffrances, elle reçoit une nouvelle charge de mère ;tu manifestes sa beauté dans la résurrection du Christ, en la faisant participer à sa victoire, et en la faisant régner dans la gloire avec son fils, comme mère du bel amour.
Marie, carrefour de vocations
Paul VI, dans son exhortation apostolique sur le Culte Marial (1974, n° 35) nous dit : « La Vierge Marie a toujours été proposée par l’Église à l’imitation des fidèles, non point précisément pour le genre de vie qu’elle a expérimenté, d’autant moins que le milieu socioculturel dans lequel elle s’est déroulée est aujourd’hui presque partout dépassé, mais parce que, dans les conditions concrètes de sa vie, elle a adhéré totalement et librement à la volonté de Dieu (cf. Lc 1, 38), elle a accueilli la parole et l’a mise en pratique, elle a été inspirée dans son action par la charité et l’esprit de service : en résumé, elle fut la première et la plus parfaite disciple du Christ. Tout cela a une valeur exemplaire universelle et permanente. »
Il distingue bien le « genre de vie » de Marie (elle était mariée à Joseph, d’une union conjugale et virginale tout à la fois, en vue de la naissance et de l’éducation du Fils de Dieu dans le mystère de son Incarnation), et les « conditions concrètes de sa vie », qui ont été multiples :* du point de vue de l’état de vie : vierge, épouse, mère, veuve ;* du point de vue de sa mission : mère du Rédempteur, son disciple, et enfin son associée ;* et l’on pourrait aussi parler, géographiquement, de l’exil en Égypte au début de son aventure, de la vie à Nazareth, pendant près de trente ans ; de ses allées et venues auprès de Jésus pendant le temps de son ministère public ; et de sa vie ailleurs, peut-être à Éphèse, où l’on vénère une maison de Marie.
Toujours en considération de cette diversité, Paul VI écrit : « la figure de la Vierge ne déçoit aucune des attentes profondes des hommes de notre temps, et leur offre un modèle achevé du disciple du Seigneur : artisan de la cité terrestre et temporelle, mais pèlerin qui se hâte vers la cité céleste et éternelle ; promoteur de la justice qui délivre l’opprimé et de la charité qui porte secours au nécessiteux, – mais par-dessus tout témoin actif de l’amour qui édifie le Christ dans les cœurs. »
Nous allons, ici, nous attacher au premier aspect : Marie, carrefour de vocations : elle est à la fois vierge, épouse, mère, veuve ; et en tout cela, engagée pour la vie de l’Église.
1. Marie, Vierge toute donnée à Dieu
La toute première parole que prononce Marie : « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? » (Lc 1,34) est une question adressée à l’ange Gabriel. Elle témoigne bien de son cheminement spirituel.
« L’évangéliste parle de Marie comme “d’une jeune fille accordée en mariage à un homme nommé Joseph” (Lc 1,27). (…) Selon la coutume du peuple hébreu, le mariage se concluait en deux étapes : on célébrait d’abord le mariage légal (vrai mariage), et c’est seulement après un certain temps que l’époux faisait venir l’épouse chez lui. Avant de vivre avec Marie, Joseph était donc déjà son “époux” ; toutefois, Marie gardait au fond d’elle-même le désir de réserver exclusivement à Dieu le don total de soi. On pourrait se demander de quelle manière ce désir se conciliait avec le “mariage”. La réponse ne vient que du déroulement des événements du salut, c’est-à-dire de l’action spéciale de Dieu même. Depuis l’Annonciation, Marie sait qu’elle doit réaliser son désir virginal de se donner à Dieu de façon exclusive et totale précisément en devenant mère du Fils de Dieu. La maternité par le fait de l’Esprit Saint est la forme de don que Dieu lui-même attend de la Vierge “accordée en mariage” à Joseph. Marie prononce son fiat. » (Jean-Paul II, La vie et la mission de saint Joseph n° 18).
Marie est toute à Dieu et Dieu est tout à elle, au point qu’elle a déjà décidé en son cœur de n’être qu’à lui sans connaître d’homme. Ce n’est pas mépris du mariage, mais son cœur se situe au-delà des noces humaines, dans un don irréversible, total et radical, à Dieu seul. Comme le souligne Paul VI : « On se rendra compte que le choix par Marie de l’état virginal, qui dans le plan de Dieu la préparait au mystère de l’Incarnation, ne fut point fait de fermeture aux valeurs de l’état conjugal, mais constitua un choix courageux, accompli pour se consacrer totalement à l’amour de Dieu. » (M.C. n° 37).
Voici donc que Marie va vivre avec Joseph une union à la fois conjugale et virginale, et que sa maternité divine pourra être qualifiée de « maternité virginale ». Et bien sûr, Marie sera considérée dans l’Église comme le modèle de la vie consacrée :
« En considérant Marie avec attention, nous découvrons également en elle le modèle de la virginité vécue pour le Royaume. Vierge par excellence, elle a mûri dans son cœur le désir de vivre de cette façon afin d’atteindre une intimité toujours plus profonde avec Dieu. Pour les femmes appelées à la chasteté virginale, en révélant le sens élevé d’une vocation aussi particulière, Marie attire l’attention sur la fécondité spirituelle qu’elle comporte dans le plan divin : une maternité d’ordre supérieur, une maternité selon l’Esprit. » (Jean-Paul II, AG 6 janvier 1995)
2. Marie, Épouse de Joseph
L’état de vie conjugal de Marie, regardons-le à travers la démarche de Joseph. La parole adressée à Joseph par l’ange est celle-ci : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (Mt 1,20). Marie est déjà son épouse ; mais pour accueillir Marie chez lui, il doit la recevoir de Dieu, à travers toute une conversion.
« Au moment des fiançailles, Joseph fait l’expérience de l’amour réel d’une femme, et cet amour de sa fiancée l’enrichit comme seul l’amour d’une femme peut combler un homme. À la lumière de cet amour il voit devant lui la vie qu’une fois marié il aura à organiser pour sa famille. Il a choisi le mariage en toute liberté et responsabilité, et c’est le mariage qu’il recevra de Dieu, non l’état religieux. Et au sein de ce mariage, Dieu lui imposera la continence. Il n’est pas pour autant mis au couvent. Il vit dans sa maison avec femme et enfant, semblable en apparence à tout autre époux. C’est dans le monde qu’il doit exercer la continence.
Il est chaste et le restera toujours. Mais il se prépare à un mariage humain ordinaire. Aussi lui faudra-t-il revenir sur ses plans et ses attentes. En disant oui à l’ange, Marie ne fera pas de pas en arrière. Son oui ne fera que davantage préciser ce qui est resté ouvert en elle, mettre mieux en lumière ce qui était en train de poindre. Joseph, lui, doit modifier sa manière de voir. Il a fait son choix, il a choisi le mariage, il s’est réservé Marie comme épouse, il possède une sorte de vue humaine anticipative de son mariage prochain, cette assurance que lui procurent son choix et la promesse contenue dans le oui des fiançailles.
La perspective de ce chemin est, il est vrai, sans convoitise, car la présence de Marie le préserve de celle-ci. Mais elle ne manque pas de tout son amour humain. Il n’est pas un châtré et il est au service de Dieu avec tout son corps. Son amour pour Marie est un amour pleinement humain en Dieu. Et quand il va devoir s’effacer devant le miracle de l’Esprit Saint, ce sera pour lui un renoncement. Un renoncement, non une déception, car la déception supposerait la convoitise. Mais son renoncement lui rendra tout agrandi. L’épreuve sera difficile mais jamais amère ; elle l’ouvrira au contraire aux mystères de Dieu. » (Adrienne von Speyr, La servante du Seigneur, Lethielleux, 1979, pp. 63-65).
Mais, dira-t-on, en quoi le mariage de Joseph et Marie peut-il être un exemple pour les époux, puisqu’il est si particulier ? Et d’abord, est-il un vrai mariage ?
« Le type de mariage vers lequel l’Esprit Saint oriente Marie et Joseph n’est compréhensible que dans le cadre du plan salvifique et dans le cadre d’une haute spiritualité. La réalisation concrète du mystère de l’Incarnation exigeait une naissance virginale qui soulignait la filiation divine et, en même temps, une famille qui puisse assurer le développement normal de la personnalité de l’Enfant. C’est précisément en vue de leur contribution au mystère de l’Incarnation du Verbe que Joseph et Marie ont reçu la grâce de vivre ensemble le charisme de la virginité et le don du mariage. La communion d’amour virginal de Marie et de Joseph, bien que constituant un cas tout à fait particulier, lié à la réalisation concrète du mystère de l’Incarnation, a toutefois été un véritable mariage. » (Jean-Paul II, A.G. 21 août 1996)
Et Paul VI soulignait déjà comment le mariage de Joseph et de Marie manifestait ce qui est l’essentiel de l’amour humain vécu dans le mariage :
« Quand ils analysent la nature du mariage, saint Augustin comme saint Thomas considèrent constamment qu’elle réside dans “l’union indivisible des esprits”, dans “l’union des cœurs”, dans le “consentement” (St Augustin), tous éléments qui se sont manifestés d’une manière exemplaire dans ce mariage. Au point culminant de l’histoire du salut, quand Dieu révèle son amour pour l’humanité par le don du Verbe, c’est précisément le mariage de Marie et de Joseph qui réalise en pleine liberté le don sponsal de soi en accueillant et en exprimant un tel amour.
Dans cette grande entreprise du renouvellement de toutes choses dans le Christ, le mariage, lui aussi purifié et renouvelé, devient une réalité nouvelle, un sacrement de la Nouvelle Alliance. (…) Le Sauveur a commencé l’œuvre du salut par cette union virginale et sainte où se manifeste sa toute puissante volonté de purifier et sanctifier la famille, ce sanctuaire de l’amour et ce berceau de la vie. » (Paul VI, allocution aux Équipes Notre-Dame, 1970, n° 7).
3. Marie, Mère de Jésus, Mère de Dieu
« L’ange dit aux bergers : « Ceci vous servira de signe : vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche. » (…) Ils vinrent donc en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la crèche. » (Lc 2,12… 16).
C’est une véritable famille que forment maintenant Joseph, Marie et Jésus ; la Sainte Famille. Si Marie est modèle pour la vie consacrée, si Marie et Joseph sont aussi un modèle de vie conjugale, la Sainte Famille est également un modèle pour toutes les familles.
« Que d’enseignements en découlent aujourd’hui pour la famille ! Puisque, “en définitive, l’essence de la famille et ses devoirs sont définis par l’amour” et que “la famille reçoit la mission de garder, de révéler et de communiquer l’amour, reflet vivant et participation réelle de l’amour de Dieu pour l’humanité et de l’amour du Christ Seigneur pour l’Église son Épouse” (JP II, F.C.n° 17), c’est dans la Sainte Famille, cette “Église en miniature” par excellence, que toutes les familles chrétiennes doivent trouver leur reflet. » (Jean-Paul II, Joseph, le gardien du Rédempteur, 1989, n° 7).
« En elle, par un mystérieux dessein de Dieu le Fils de Dieu a vécu caché durant de longues années. Elle est donc le prototype et l’exemple de toutes les familles chrétiennes. Regardons cette Famille, unique au monde, elle qui a vécu de façon anonyme et silencieuse dans un petit bourg de Palestine, elle qui a été éprouvée par la pauvreté, par la persécution, par l’exil, elle qui a glorifié Dieu d’une manière incomparablement élevée et pure : elle ne manquera pas d’assister les familles chrétiennes, et même toutes les familles du monde, dans la fidélité à leurs devoirs quotidiens, dans la façon de supporter les inquiétudes et les tribulations de la vie, dans l’ouverture généreuse aux besoins des autres, dans l’accomplissement joyeux du plan de Dieu sur elles. » (Jean-Paul II, Exhortation apostolique sur la Famille, 1981, n° 86)
Mère au cœur de la Sainte Famille, Marie est, avec Joseph, éducatrice du Fils de Dieu tout au long de la vie cachée à Nazareth.
« La figure de Marie rappelle aux femmes d’aujourd’hui la valeur de la maternité. Dans le monde contemporain, on n’accorde pas toujours à cette valeur l’importance normale qui lui est due. Dans certains cas, la nécessité du travail de la femme afin de pourvoir aux exigences accrues de la famille, ainsi qu’un concept erroné de liberté, qui voit dans le soin des enfants un obstacle à l’autonomie et aux possibilités d’affirmation de la femme, ont affaibli le sens de la maternité dans le développement de la personnalité de la femme. (…)
En Marie, il nous est donné de comprendre la véritable signification de la maternité qui, dans le dessein de salut divin, atteint sa dimension la plus élevée. Pour elle, être mère ne confère pas seulement à la personnalité féminine, fondamentalement orientée vers le don de la vie, son plein épanouissement, mais constitue également une réponse de foi à la vocation propre de la femme, qui n’assume sa valeur la plus authentique qu’à la lumière de l’alliance avec Dieu. » (Jean-Paul II, AG 6 janvier 1995)
4. Marie, témoin privilégié de Jésus
Les évangiles nous proposent, par la façon dont sont disposés les textes qui nous parlent de Marie, comme trois étapes dans son cheminement. La première étape en Lc 1-2 va de l’annonciation du Seigneur jusqu’à la perte de l’enfant Jésus dans le Temple. La seconde, en Jean, va des noces de Cana à la crucifixion du Seigneur. La troisième, dans les Actes, part de la prière au Cénacle et s’achève dans le dogme de l’Assomption proclamé par l’Église au siècle dernier, en 1950. En cette troisième étape, Marie se situe au cœur de l’Église naissante comme Mère et témoin privilégié de Jésus. C’est le pape Jean-Paul II qui utilise plusieurs fois cette expression dans son encyclique « Marie, Mère du rédempteur » :
« Au milieu d’eux, Marie était « assidue à la prière » en tant que «Mère de Jésus » (cf. Ac 1, 13-14), c’est-à-dire du Christ crucifié et ressuscité. Et le premier noyau de ceux qui regardaient « avec la foi vers Jésus auteur du salut » savait bien que Jésus était le Fils de Marie et qu’elle était sa Mère, et que, comme telle, elle était depuis le moment de la conception et de la naissance, un témoin unique du mystère de Jésus, de ce mystère qui s’était dévoilé et confirmé sous leurs yeux par la Croix et la Résurrection. Dès le premier moment, l’Église « regardait » donc Marie à travers Jésus, comme elle « regardait » Jésus à travers Marie. Celle-ci fut pour l’Église d’alors et de toujours un témoin unique des années de l’enfance de Jésus et de sa vie cachée à Nazareth, alors qu’« elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur » (Lc 2, 19 ; cf. Lc 2, 51).
À l’aube de l’Église, au commencement du long cheminement dans la foi qui s’ouvrait par la Pentecôte à Jérusalem, Marie était avec tous ceux qui constituaient le germe du « nouvel Israël ». Elle était présente au milieu d’eux comme un témoin exceptionnel du mystère du Christ. Et l’Église était assidue dans la prière avec elle et, en même temps, «la contemplait dans la lumière du Verbe fait homme ». Et il en serait toujours ainsi. » (Jean-Paul II, Marie, Mère du Rédempteur, 1987, n° 26-27)
Sa mission de Mère, Marie la remplit avec un souci tout particulier de la communion et de la mission. Cela est déjà perceptible dans l’épisode des noces de Cana : elle est celle qui déjà unit le groupe des disciples et le groupe des frères et sœurs de Jésus, deux groupes qui étaient arrivés à Cana séparément et qui repartent ensemble : « Tel fut le premier des signes de Jésus, il l’accomplit à Cana de Galilée et il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. Après quoi, il descendit à Capharnaüm, lui, ainsi que sa mère et ses frères et ses disciples, et ils n’y demeurèrent que peu de jours. » (Jn 2,11-12). Elle est aussi celle qui favorise la naissance de la foi des disciples, comme le souligne Paul VI : elle n’apparaît pas « comme une Mère jalousement repliée sur son divin Fils, mais comme la femme qui, par son action, favorisa la foi au Christ de la communauté apostolique (cf. Jn 2,1-12), et dont le rôle maternel s’étendit en prenant au Calvaire des dimensions universelles. » (Paul VI, MC 37).
Cette œuvre de communion et de mission, qui constituent les deux pôles de la vie de l’Église, Marie ne cesse de la promouvoir par sa présence de Mère au cœur de l’Église et du monde.
« Marie, fille de Sion par excellence, aide tous ses fils — où qu’ils vivent et de quelque manière que ce soit — à trouver dans le Christ la route qui conduit à la maison du Père. L’Église, dans toute sa vie, maintient donc avec la Mère de Dieu un lien qui inclut, dans le mystère du salut, le passé, le présent et l’avenir, et elle la vénère comme la Mère spirituelle de l’humanité et celle qui nous obtient la grâce. » (Jean-Paul II, Marie, Mère du Rédempteur, 1987, n° 47)
Ainsi, on le voit, Marie est carrefour de vocations : tout le peuple de Dieu peut trouver en elle un modèle pour tel ou tel aspect d’une vocation. Cet aspect multiforme et synthétique de la vie de Marie complète bien par ailleurs le rôle universel de Mère que lui a dévolu Jésus : « Femme, voici ton fils » (Jn 19,27), que Jean-Paul II traduisait ainsi : « Femme, voici tes fils » (8 oct. 2000).
Marie, miroir reflétant les espérances des hommes de notre temps
Paul VI, dans son beau document sur le Culte Marial de 1974, cherche à distinguer, dans l’image donnée de Marie, celle qui provient de la piété, et celle qui provient de l’Évangile. Et il cible cet aspect essentiel de l’image évangélique de Marie : “Dans les conditions concrètes de sa vie, elle a adhéré totalement et librement à la volonté de Dieu (cf. Lc 1, 38), elle a accueilli la parole et l’a mise en pratique, elle a été inspirée dans son action par la charité et l’esprit de service : en résumé, elle fut la première et la plus parfaite disciple du Christ. Tout cela a une valeur exemplaire universelle et permanente.” (MC 35)
C’est pourquoi il va mettre cet aspect essentiel en résonance avec la culture de notre époque. MC 37. La lecture des divines Écritures, faite sous l’influence de l’Esprit Saint et sans oublier les acquisitions des sciences humaines et les situations variées du monde contemporain, conduira à découvrir que Marie peut être considérée comme le miroir reflétant les espérances des hommes de notre temps.
Participation au pouvoir de décision* Ainsi, pour donner quelques exemples, la femme d’aujourd’hui, désireuse de prendre part au pouvoir de décision et aux choix de la communauté contemplera avec une joie intime Marie qui, dans son dialogue avec Dieu, donne son consentement actif et libre non pas à la solution d’un problème contingent, mais à « l’événement des siècles », comme a été justement dénommée l’Incarnation du Verbe.
Une consécration à Dieu ouverte sur la valeur du mariage* On se rendra compte que le choix par Marie de l’état virginal, qui dans le plan de Dieu la préparait au mystère de l’Incarnation, ne fut point fait de fermeture aux valeurs de l’état conjugal, mais constitua un choix courageux, accompli pour se consacrer totalement à l’amour de Dieu.
Une foi engagée et responsable* On constatera avec une joyeuse surprise que Marie de Nazareth, tout en étant totalement abandonnée à la volonté du Seigneur, ne fut pas du tout une femme passivement soumise ou d’une religiosité aliénante, mais la femme qui ne craignit pas de proclamer que Dieu est celui qui relève les humbles et les opprimés et renverse de leur trône les puissants du monde (cf. Lc 1, 51-53).
Une femme forte dans des situations difficiles* On reconnaîtra en Marie, « qui occupe la première place parmi les humbles et les pauvres du Seigneur » une femme forte qui connut la pauvreté et la souffrance, la fuite et l’exil (cf. Mt 2, 13-23) : situations qui ne peuvent échapper à l’attention de celui qui veut seconder, par esprit évangélique, les forces de libération contenues dans l’homme et dans la société.
Un dynamisme évangélisateur* Ainsi Marie n’apparaîtra pas comme une Mère jalousement repliée sur son divin Fils, mais comme la femme qui, par son action, favorisa la foi au Christ de la communauté apostolique (cf. Jn 2,1-12), et dont le rôle maternel s’étendit en prenant au Calvaire des dimensions universelles.
Un modèle équilibré de vie chrétienne* Ce ne sont que des exemples. Ils manifestent cependant de façon claire que la figure de la Vierge ne déçoit aucune des attentes profondes des hommes de notre temps, et leur offre un modèle achevé du disciple du Seigneur : artisan de la cité terrestre et temporelle, mais pèlerin qui se hâte vers la cité céleste et éternelle ; promoteur de la justice qui délivre l’opprimé et de la charité qui porte secours au nécessiteux, – mais par-dessus tout témoin actif de l’amour qui édifie le Christ dans les cœurs.
Marie indique la façon dont la femme doit concrétiser sa mission
Jean-Paul II, dans une audience du 6 janvier 1995, “le rôle de la femme à la lumière de Marie”, souligne que “l’identité de la femme ne peut consister à être une copie de l’homme, car elle est dotée de qualités et de prérogatives qui lui sont propres et qui lui confèrent une spécificité propre, qu’il faut sans cesse promouvoir et encourager.” Il va en souligner quatre.
> Service humble
Face à l’annonce de l’ange, la Vierge ne manifeste aucune attitude de revendication orgueilleuse, et ne cherche pas non plus à satisfaire des ambitions personnelles. Luc nous la présente comme désireuse d’offrir seulement son humble service dans une disponibilité totale et confiante envers le dessein de salut divin. C’est le sens de la réponse : « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole ! » (Lc 1, 38).
En effet, il ne s’agit pas d’un accueil purement passif, dans la mesure où son accord n’est donné qu’après avoir manifesté la difficulté qui naît de son vœu de virginité, inspiré par la volonté d’appartenir de la façon la plus totale au Seigneur.
Après la réponse de l’ange, Marie exprime immédiatement sa disponibilité conservant une attitude de service humble. C’est le service humble et précieux que tant de femmes, à l’exemple de Marie, ont offert et continuent d’offrir dans l’Église pour l’expansion du royaume du Christ.
> Valeur de la maternité
La figure de Marie rappelle aux femmes d’aujourd’hui la valeur de la maternité. Dans le monde contemporain, on n’accorde pas toujours à cette valeur l’importance normale qui lui est due… (voir le texte complet déjà cité page 4 en bas de la 1° colonne et en haut de la seconde)
> Modèle de la virginité pour le Royaume
Pour les femmes appelées à la chasteté virginale, en révélant le sens élevé d’une vocation aussi particulière, Marie attire l’attention sur la fécondité spirituelle qu’elle comporte dans le plan divin : une maternité d’ordre supérieur, une maternité selon l’Esprit (cf. MD, n° 21).
> Engagement dans la charité
Le cœur maternel de Marie, ouvert à toutes les douleurs humaines, rappelle également aux femmes que l’épanouissement de la personnalité féminine exige l’engagement dans la charité. Plus sensible aux valeurs du cœur, la femme montre une grande capacité de don personnel.
À tous ceux qui, à notre époque, proposent des modèles égoïstes d’affirmation de la personnalité féminine, la figure lumineuse et sainte de la Mère du Seigneur montre que ce n’est que dans le don et l’oubli de soi pour les autres qu’il est possible d’atteindre l’accomplissement authentique du projet divin sur sa vie.
La présence de Marie encourage donc chez les femmes les sentiments de miséricorde et de solidarité pour les situations humaines douloureuses, et suscite la volonté d’alléger les peines de ceux qui souffrent : les pauvres, les infirmes et ceux qui ont besoin d’aide.
En vertu du lien particulier avec Marie, la femme a souvent représenté au cours de l’histoire la proximité de Dieu aux attentes de bonté et de tendresse de l’humanité blessée par la haine et le péché, en semant dans le monde les germes d’une civilisation qui sache répondre à la violence par l’amour.
Pour introduire notre temps de solitude
Le partage de la Vierge est d’être en silence et d’écouter.C’est son état, c’est sa voie, c’est sa vie.Sa vie est une vie de silence qui adore la Parole éternelle.En voyant devant ses yeux, en son sein, en ses bras,cette même Parole, la Parole substantielle du Père,être muette et réduite au silence par l’état de son enfance,elle entre en un nouveau silence et y est transformée à l’exemple du Verbe incarné,qui est son fils, son Dieu et son unique Amour.Et sa vie se passe ainsi de silence en silence,de silence d’adoration en silence de transformation. ( … ) (Pierre de Bérulle + 1629)