Fête de la Sainte Famille

Les évangiles disent peu

Si l’Église a établi une dévotion autour de la Sainte Famille, celle-ci a du mal à se fonder sur les Évangiles qui sont particulièrement discrets, voire mutiques sur l’enfance de Jésus et la manière dont il a été élevé. Trois passages dans les Évangiles constituent l’ensemble des textes qui sont donnés à entendre lors de la fête liturgique de la Sainte Famille : l’épisode de la fuite en Égypte, la présentation de Jésus au temple et enfin le recouvrement de Jésus par Marie et Joseph. C’est dans ce dernier extrait que l’on en apprend le plus sur la famille terrestre de Jésus. Les deux premiers sont des épisodes qui inscrivent Jésus dans la grande histoire du peuple d’Israël. Et dans le 3è, Luc se contente de préciser pour décrire son enfance que Jésus « grandissait en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes » (2, 40). Ces propos généraux semblent suffire aux évangélistes. L’intérêt du début de l’Évangile tient à l’incarnation de Jésus comme homme. À ce titre, l’évangile montre que Jésus a eu une naissance, et une enfance ordinaire.

Une dévotion récente

De nos jours, la dévotion à la Sainte Famille est largement répandue. Le pape François lui-même invite dans son exhortation apostolique Amoris laetitia à la prendre comme modèle. En France, un sanctuaire comme celui de Cotignac dans le Var lui est dédié. Après les apparitions reconnues de la Vierge à l’Enfant il y a cinq cents ans puis de Joseph, cent cinquante ans plus tard, Cotignac est devenue un lieu de dévotion populaire où de nombreux pères et mères de famille se rendent pour demander des grâces à la Sainte Famille et la prendre comme modèle.

C’est au milieu du XVIIe siècle qu’est née cette dévotion, précisément au Canada. Ayant entendu les miracles rapportés de Cotignac, le religieux saint François de Laval décide de fonder la première paroisse à porter le nom de la Sainte Famille sur l’île d’Orléans, dans la région de Québec, en 1684. Quelques années plus tôt, il avait fondé la Confrérie de la Sainte-Famille. À sa suite, ce culte s’est développé en plusieurs endroits de la chrétienté. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle, avec le pape Léon XIII que la Sainte Famille est réellement instituée comme un modèle à suivre. Pie XI, en 1921, a rendu cette fête obligatoire dans toute l’Église.

Une dévotion chahutée

Il ne faut pas ignorer les débats contemporains… Dans un article polémique de février 2013 intitulé « La saine famille », publié dans la revue Études, le philosophe Michel Serres soulignait à quel point, biologiquement, elle n’était pas tout à fait semblable au modèle prôné par l’Église catholique, notamment au début du XXe siècle. En effet, les liens de sang de Jésus avec Joseph sont inexistants et Jésus est un enfant unique. Et il n’est pas rare aujourd’hui de constater que les milieux féministes cherchent à montrer que La Ste Famille est bien loin de l’image d’un papa, d’une maman, de leurs enfants biologiques, et de leurs relations nécessairement idylliques1. Ainsi Marie serait cette femme libre et forte qui refuse les lois dominantes, en acceptant d’être enceinte en dehors du mariage avec son futur époux. À l’heure où sont enfin dénoncées les violences conjugales et les féminicides, Joseph serait un puissant témoignage du refus, de la part d’un homme, d’exercer des violences patriarcales en refusant de lapider Marie. Jésus, parce qu’il est né de Dieu, nous aiderait à découvrir que notre véritable identité n’est pas d’être la fille de cette femme et de cet homme qui nous ont donné biologiquement la vie…

Jésus a vécu au cœur d’une vraie et sainte famille

« Quand ils analysent la nature du mariage, saint Augustin comme saint Thomas considèrent constamment qu’elle réside dans « l’union indivisible des esprits », dans « l’union des cœurs », dans le « consentement » (St Augustin), tous éléments qui se sont manifestés d’une manière exemplaire dans ce mariage. Au point culminant de l’histoire du salut, quand Dieu révèle son amour pour l’humanité par le don du Verbe, c’est précisément le mariage de Marie et de Joseph qui réalise en pleine liberté le don sponsal de soi en accueillant et en exprimant un tel amour. Dans cette grande entreprise du renouvellement de toutes choses dans le Christ, le mariage, lui aussi purifié et renouvelé, devient une réalité nouvelle, un sacrement de la Nouvelle Alliance. Et voici qu’au seuil du Nouveau Testament comme à l’entrée de l’Ancien se dresse un couple. Mais, tandis que celui d’Adam et Ève fut la source du mal qui a déferlé sur le monde, celui de Joseph et de Marie est le sommet d’où la sainteté se répand sur toute la terre. Le Sauveur a commencé l’œuvre du salut par cette union virginale et sainte où se manifeste sa toute-puissante volonté de purifier et sanctifier la famille, ce sanctuaire de l’amour et ce berceau de la vie2 ».

1https://artemise74.fr/2020/01/15/homelie-sur-la-sainte-famille-dimanche-29-decembre-2019/

2Paul VI, allocution aux Équipes Notre-Dame, 1970, n°7.