Le 17 octobre 2014 Sur le site de l’Aide à l’Église en détresse
Alors que Daech approchait, il prit le Saint Sacrement de l’église, et s’enfuit. Martin Baani, séminariste irakien, aujourd’hui réfugié à Ankawa près d’Erbil, raconte à l’AED comment il a dû quitter précipitament Karamlesh (30 km de Mossoul) la nuit du 6 août et pourquoi il veut rester en Irak.
Les bombes tombent et le bruit de la déflagration atteint et effraie les cœurs de la population. Au milieu des bruits, des pleurs et de la frénésie, les gens emballent les affaires qu’ils peuvent emporter, et se sauvent dans la nuit. Martin Baani, un séminariste de 24 ans, se trouve parmi eux. Il réalise soudain que c’est le dernier combat de Karamlesh.
Pendant 1.800 ans, le christianisme a été dans les cœurs et les esprits de la population de ce village, témoin de l’antiquité. Aujourd’hui, cette époque est sur le point de parvenir à une fin catastrophique ; l’État islamique progresse. Le téléphone portable de Martin sonne : un ami balbutie la nouvelle que la ville voisine de Telkaif est passée à « Daech » – le nom arabe de l’Etat islamique. Karamlesh sera certainement la prochaine.
Martin quitte précipitamment la maison et se dirige vers l’église St Addai toute proche. Il prend le Saint Sacrement, quelques papiers officiels, et sort de l’église. Dehors, une voiture l’attend – son curé, le Père Thabet, et trois autres prêtres sont déjà à l’intérieur. Martin s’y engouffre et la voiture démarre en trombe. Ils quittent Karamlesh et les derniers vestiges de la présence chrétienne dans le village s’en vont avec eux.
En parlant à Martin dans le calme du séminaire Saint Pierre d’Ankawa, il est difficile d’imaginer qu’il décrit autre chose qu’un mauvais rêve. Mais il n’y a rien d’onirique dans le témoignage de Martin. « Jusqu’à la toute dernière minute, les Peshmerga [les forces armées kurdes qui protègent le village] nous disaient que le village était sûr. Mais ensuite, nous avons entendu qu’ils installaient de gros canons sur la colline Sainte Barbe [en bordure du village] et nous avons alors compris que la situation était très dangereuse. »
« Nous devons défendre nos droits ; nous ne devons pas avoir peur »
Faisant le bilan de cette terrible nuit du 6 au 7 août, la confiance de Martin est renforcée par la présence de 27 autres séminaristes au séminaire Saint Pierre, beaucoup d’entre eux racontant comment ils avaient eux-mêmes échappé aux griffes des militants islamiques.
Martin et ses camarades séminaristes savent que l’avenir du christianisme en Irak est sombre. Alors qu’ils formaient une communauté de 1,5 millions de chrétiens avant 2003, ils sont désormais moins de 300.000. Et parmi ceux qui sont restés, il y a plus d’un tiers de déplacés. Beaucoup, sinon la plupart, veulent une nouvelle vie dans un nouveau pays.
Cependant, ce n’est pas le cas de Martin. « Je pourrais facilement partir, explique-t-il. Ma famille vit désormais en Californie. J’ai déjà reçu un visa pour aller en Amérique et leur rendre visite. Mais je veux rester. Je ne veux pas fuir le problème ».
Martin a déjà fait le choix caractéristique des prêtres qui ont décidé de rester en Irak ; sa vocation est de servir la population, quoi qu’il arrive.
« Nous devons défendre nos droits ; nous ne devons pas avoir peur ». Il explique. Décrivant en détail le travail de secours d’urgence qui a occupé une grande partie de son temps, il est clair qu’il sent que sa place est d’être auprès de la population.
Martin est déjà sous-diacre. Maintenant qu’il fait sa dernière année de théologie, l’ordination sacerdotale n’est plus qu’à quelques mois – si Dieu le veut.
« Je vous remercie pour vos prières, nous comptons sur votre soutien. » conclut Martin,
L’Aide à l’Eglise en Détresse s’est engagée à soutenir Martin et tous les séminaristes du séminaire Saint Pierre d’Ankawa (photo ci-dessous) alors qu’ils s’avancent vers l’autel de Dieu et se préparent à devenir prêtres pour servir Dieu et son peuple qui souffre.