21° D TO A. Nous sommes toujours dans une partie de l’Évangile où Matthieu nous présente Jésus comme Pasteur de son Église (les deux multiplications des pains), et où il met en avant la figure de Pierre (marche sur les eaux, profession de foi). Après un débat avec les scribes et les pharisiens sur la pureté, et la réponse positive de Jésus à la demande opiniâtre d’une étrangère considérée comme impure, Jésus établit Pierre à la tête du groupe des Douze, avec à la clé (!) des promesses essentielles. Cet évangile est en deux parties : aujourd’hui, la profession de foi de Pierre et les promesses de Jésus. Dimanche prochain : l’annonce de la Passion et le refus de Pierre.
Le décor de la montagne et de la source
+ Jésus est en marche avec les disciples vers Césarée de Philippe, au Nord de la Galilée, près du Mont Hermon et des sources du Jourdain. Un chemin « synodal », une marche ensemble, au cours de laquelle on parle et on réfléchit.
+ Toute la région sud du Liban constituait, à l’époque du Christ, les provinces de Syro-Phénicie sur la côte, et d’Iturée à l’intérieur, depuis la rive nord du lac de Tibériade jusqu’aux deux versants est et ouest de l’Hermon. Après la mort d’Hérode le Grand, les Romains avaient donné cette province en partage à Philippe son fils, le frère d’Hérode Antipas (qui avait fait décapiter Jean-Baptiste). Celui-ci construisit sa capitale aux eaux de Banyas, l’une des plus belles sources du Jourdain, près du vieux sanctuaire païen du dieu Pan. Il l’appela Césarée, en l’honneur de l’empereur Auguste. Mais, pour la distinguer de Césarée Maritime, il y ajouta son propre nom. Et ce fut Césarée de Philippe.
+ C’est donc là, dans ce décor voulu par Jésus, au pied du Grand Hermon enneigé (2800 m), sur les ruines d’un sanctuaire du paganisme, au bord des eaux jaillissantes qui portent la vie à toute la Terre Sainte, que Jésus révèle pour la première fois et déclare ouvertement qu’il est bien le Christ, le Messie, Fils de Dieu, et qu’en cette qualité, il pose sur Pierre et ses compagnons les assises de son Église.
La profession de foi de Pierre
+ Jésus interroge les Douze. Sa pédagogie du sondage a pour but de faire le point avec eux, de leur faire dire les rumeurs et leur propre opinion. C’est Pierre qui va parler au nom des Douze, et poser un acte de foi en la messianité de Jésus : « « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! »
+ L’échange des paroles a une tonalité araméenne évidente. À commencer par le nom de « Képhas », qui sera traduit par « Pierre » en grec. C’est seulement dans la traduction française que le jeu de mots est rétabli : « Tu es Roc et sur ce roc, je bâtirai mon Église… » S’ajoutent d’autres sémitismes : « portes de l’Hadès » pour signifier « puissances de mort », et « chair et sang », et « lier et délier »… Ces deux termes, et le pouvoir des clés, plongent leurs racines dans l’A. T., en particulier en Is 22, 20-22 (1° lecture).
+ Pierre a exprimé sa foi sous l’impulsion de l’Esprit Saint, conduit par le Père. Jésus le lui dit : « ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux ». Pour proclamer notre foi, nous avons besoin de l’Esprit Saint, et de nous rendre disponible à son impulsion. Plutôt que de regarder les circonstances défavorables, il faut nous laisser conduire : ni prosélytisme fatigant, ni mutisme gêné, mais une parole prononcée à bon escient
Les promesses de Jésus
+ À la parole d Pierre « Tu es le Messie », répond la parole de Jésus : « tu es Roc, et sur ce roc, je bâtirai mon église ». En entendant ce dernier mot, Simon, en bon Juif qu’il était, savait ce que véhiculait le mot araméen, qehilla, ainsi traduit par « église ».
+ Il s’agit d’une assemblée, d’une communauté comme Jésus, ses Apôtres, ses disciples et les saintes femmes en formaient une. Kephas, surnommé Roc, doit être le fondement du groupe réuni autour de Jésus, qu’il vient de confesser Messie. Recevant les clefs, il exercera une certaine responsabilité au sein de cette communauté nouvelle. « Lier et délier » signifiait dans le judaïsme interdire ou permettre et, en définitive, exclure ou réintroduire dans la communauté religieuse.
+ Parce que l’institution Église, à notre époque, est devenue pesante, nous ne mesurons pas la grâce contenue dans ces paroles de Jésus :
- « Je bâtirai mon église » : il s’agit de celle de Jésus et non de Pierre, lequel prend des visages forts différents au cours de l’histoire ;
- « La puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle » : l’Église est malmenée de l’intérieur par le péché de ses membres, persécutée de l’extérieur par des pouvoirs totalitaires et athées, restera en vie ;
- « Je te donnerai les clés du royaume des Cieux » : le rapport entre le ciel et la terre sera constant au cours de l’histoire.
Ayons confiance en Jésus, qui continue à « marcher » (Ap 2, 1) au cœur de son Église.