La fête de la famille, de la lumière et de la paix a été visée

MICHAELA BORRMANN, LUTHÉRIENNE ALLEMANDE, RESPONSABLE DE LA COMMUNAUTÉ DU CHEMIN-NEUF À BERLIN EN S’ATTAQUANT À UN MARCHÉ DE NOËL, LE TERRORISTE A VISÉ UN SYMBOLE FORT DE LA CULTURE ALLEMANDE.  Dans La Croix du 21 décembre 2016, par Céline Hoyeau.

Noël semble garder en Allemagne un sens religieux plus fort qu’en France. Est-ce le cas ?

Michaela Borrmann : Ayant vécu en France et ailleurs à l’étranger, je vois bien en effet qu’en Allemagne, Noël et l’Avent sont beaucoup plus préparés, fêtés par des coutumes et des démarches particulières.

Ainsi, dès le premier dimanche de l’Avent, des étoiles sont suspendues partout, dans les maisons, dans les rues. La place de la lumière dans la nuit est plus importante qu’en France par exemple, pour donner une atmosphère particulière de silence, de paix. Chaque famille allemande possède une couronne d’Avent dont elle allume les bougies au fil des semaines. Dans chaque entreprise, une fête de l’Avent est organisée entre collègues. Même les personnes qui n’ont plus de lien avec l’Église essaient de se réserver une soirée de l’Avent pour être plus au calme… Dans l’Église catholique, les fidèles n’hésitent pas à participer aux Rorate, messes célébrées à la lueur des bougies à 5 heures du matin. Et l’on a aussi hérité du protestantisme des chants très connus que l’on entonne dans les crèches, les écoles…

Sans oublier, bien évidemment, notre grande tradition des marchés de Noël : une soixantaine rien qu’à Berlin, où les Allemands ont coutume de se promener, même si beaucoup s’en détournent au motif que cette tradition est devenue trop commerciale. De fait, notre pays est gagné par la sécularisation et perd de plus en plus le lien avec les racines religieuses de cette fête.

Dans ce contexte, quel est l’impact, pour les Allemands, de cette attaque perpétrée sur un marché de Noël, proche d’une église ?

Michaela Borrmann : Cet attentat est terriblement douloureux, indépendamment de sa période et de son lieu. Mais c’est vrai qu’il n’est pas neutre d’avoir choisi le centre de Berlin-Ouest, près de l’une des églises les plus célèbres. C’est la fête de l’harmonie, de la famille, de la lumière, de la paix qui a été visée, détruite. Pour l’heure, les personnes que j’ai croisées ne veulent pas réagir par la peur en renonçant aux célébrations de Noël et en restant chez elles, mais ces événements vont marquer les célébrations, c’est sûr.

Quelle peut être la réponse des Églises ?

Michaela Borrmann : D’une part, il est très important que les églises restent des lieux où l’on peut exprimer ce qu’on ressent, même si l’on n’a pas de mots. D’autre part, c’est maintenant que Noël prend tout son sens : le peuple marche dans les ténèbres, la lumière survient avec la naissance du Messie, nous dit le prophète Isaïe. C’est précisément l’espérance de Noël pour nous : nous avons vécu les ténèbres lundi soir, nous sommes en deuil, mais nous attendons la lumière.