La parole nourrissante du berger

(16° D. TO. B — Mc 6, 30-34) C’est le moment du retour de mission pour les Douze. Sans s’attarder sur les résultats, Marc souligne tout d’abord la prévenance de Jésus envers les siens ; ensuite, il met en relief les appels profonds que Jésus perçoit dans une situation nouvelle où la faim spirituelle remet la mission en pole position.

L’invitation à se reposer, se restaurer

Les Apôtres sont tellement assaillis et sollicités qu’ils en sont comme dévorés… par la foule affamée. Il faut alors toute l’autorité de Jésus pour les amener à prendre du recul et du repos. L’impression donnée par le récit est celle d’une certaine pagaille : la difficulté de manger est mise en relation avec le grand nombre, à la fois les disciples et les foules. Jésus les invite à venir à l’écart pour se reposer « dans un endroit désert ». Ce lieu où il se rendait habituellement seul pour prier (1,12.13.35.45). Bien sûr, ils en avaient besoin ; mais le plus important est ailleurs : tout apostolat doit se nourrir de méditation et de contemplation.

Au milieu des engagements les plus prenants et des activités les plus absorbantes, il est nécessaire de s’arrêter, de prendre distance par rapport à ce qui sollicite et mobilise toute notre énergie afin de laisser respirer l’homme intérieur. Le retrait sera de courte durée, le temps d’une traversée en barque…

Il fut saisi de pitié envers eux parce qu’ils étaient des brebis sans berger

Et Marc porte son attention sur les brebi1, associés à une foule nombreuse (et non à un peuple). Ces brebis désorientées ne correspondent à aucune sorte de troupeau, un mot que Marc n’emploiera jamais à leur sujet, privilégiant ainsi la pluralité des sujets personnels.

Pour exprimer ce sentiment de pitié qui fait vibrer le Cœur de Jésus, Marc utilise un mot grec qui exprime une souffrance presque physique devant la misère d’autrui. S’il est ainsi affecté, c’est parce qu’il aime, c’est parce qu’il considère cette foule comme sa famille. Le verbe « être ému aux entrailles » (σπλαγχνίζομαι, splankhnizomai) l’atteste : l’esseulement des gens affecte Jésus jusque dans sa chair — comme avant eux il fut ému du lépreux (1,41), puis de la foule sans nourriture (8,2) et enfin d’un père suppliant pour son enfant (9,22).

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Il se mit à les enseigner longuement

Touché par l’humanité de toutes ces personnes (en quête, affamées, malheureuses), Jésus répond par un geste miraculeux qui prend ici la forme d’un enseignement. Voilà comment les brebis, richesses du berger, peuvent poursuivre leur chemin : en se nourrissant au pâturage qui fait croître. « Jésus commença à les enseigner beaucoup (…) » jusqu’à une heure « avancée » et « tardive » (6,34-35). Ce temps LONG d’enseignement est à souligner. Cela montre qu’il n’y a pas de continuité immédiate entre ce que les foules attendent de Jésus (6,32) et ce qu’il donne. Ce que les foules connaissent ne leur est d’aucune aide, la parole qui vient à elles est nouvelle et nécessite un enseignement qui les fasse croître.

Car il n’y a qu’un berger dont la parole soit sûre, libératrice, et que l’on puisse suivre sans risque d’erreur : c’est Jésus le Seigneur. Aujourd’hui comme il y a deux mille ans, a pitié de nous ; nous qui si souvent ne savons pas où nous en sommes et où va notre vie ; nous qui, dans ce monde désorienté, stressant, doutons d’une espérance possible. C’est Lui qui nous interpelle : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. » (Mt 11, 28-30). Son enseignement est long et il est fait pour nous transformer. Ainsi, il nous réoriente et nous redonne le sens profond de notre vie. Combien de temps donnons-nous à la lecture et à la méditation de l’Évangile ?

Tu prépares la table pour moi… ma coupe est débordante… (Ps 22)


1Le motif des brebis sans berger transhume depuis les vastes étendues de la littérature juive. Vous pouvez lire Nombres 27,17 ; Ézéchiel 34,5- 8 ; Zacharie 10,2 ; 2 Chroniques 18,16 ou encore Jérémie 11,19. Il pâture maintenant pour la première fois en territoire évangélique.

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