La ville d’Antioche, berceau du christianisme primitif, largement détruite

Anne-Quitterie Jozeau, La Croix, 10 février 2023

La ville d’Antakya - Antioche - en Turquie, a été en grande partie détruite par le séisme survenu lundi 6 février. Cette ville est connue pour être l’un des berceaux du christianisme des premiers siècles, là où les chrétiens ont été désignés comme tels pour la première fois.

« Antioche vit un énorme désastre ». Contacté par La Croix, le jésuite Paolo Bizzeti, vicaire apostolique de l’Anatolie (Turquie) est effondré.

Depuis lundi 6 février, jour du séisme survenu en Syrie et en Turquie, les habitants de l’antique Antioche tentent de sauver leurs ultimes rescapés. Les deux prêtres latins de la ville sont en vie, ainsi que les quelque 60 familles de fidèles mais environ 70 % de la ville a été rasée et « quelques parents de nos amis sont morts sous les décombres, a expliqué le père Paolo Bizzeti. Malheureusement nous n’avons pas encore le nombre totalde victimes ».

Difficile d’imaginer cette ville multiséculaire en ruines – Antakya aujourd’hui – pour ses habitants ainsi que pour les chrétiens du pays, qui ne représentent que 0,1 % de la population turque. Antioche a accueilli dès le Ier siècle saint Paul et saint Barnabé, qui suivant l’appel du Christ, partent évangéliser les régions avoisinantes.

« Barnabé partit alors à Tarse chercher Saul. L’ayant trouvé, il l’amena à Antioche. Pendant toute une année, ils participèrent aux assemblées de l’Église, ils instruisirent une foule considérable. Et c’est à Antioche que, pour la première fois, les disciples reçurent le nom de « chrétiens ». En ces jours-là, des prophètes descendirent de Jérusalem à Antioche », lit-on dans les Actes des Apôtres(11,25-27).

«L’Église telle qu’on la connaît aujourd’hui, est née à Antioche », explique le père Jean-Marie Humeau, vicaire épiscopal de l’ordinariat des catholiques des Églises orientales résidant en France. En effet, Antioche est l’un des premiers patriarcats établis au Ier siècle, avec Rome et Alexandrie. Saint Ignace d’Antioche, troisième évêque du lieu, en est l’initiateur.

Centre du christianisme helléniste

Au Ier siècle, Antioche, lieu où Grecs et Syriens se côtoient, devient rapidement le centre du christianisme helléniste, tout en se tournant vers l’Orient. C’est à Antioche que Paul s’établit pendant plusieurs années, séjour entrecoupé de voyages. Selon la tradition de l’Église, Pierre le rejoint et devient le premier évêque d’Antioche avant de rejoindre Rome. Une de leurs querelles est par ailleurs relatée dans la lettre de Paul aux Galates (2,11) : « Mais quand Pierre est venu à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, parce qu’il était dans son tort. »

Pour des raisons historiques, politiques et religieuses, plusieurs Églises ont vu le jour, à des siècles différents. Aujourd’hui, Antioche compte cinq patriarcats différents : l’Église orthodoxe d’Antioche, l’Église syrienne orthodoxe, l’Église grecque-catholique melkite, l’Église catholique syrienne, l’Église maronite. Toutefois, aucun ne possède son siège à Antioche-même.

Malgré des rites différents, un œcuménisme fort est vécu entre grecs-orthodoxes et les catholiques latins. Certains habitants grecs-orthodoxes fréquentent même parfois l’église latine Saints Pierre-et-Paul d’Antioche, qui a subi de graves dommages le 6 février, selon Paolo Bizzeti.

En revanche, le quartier historique juif de la ville anatolienne, dans lequel ont vécu les apôtres et où ont eu lieu les principaux récits figurant dans le Nouveau Testament, a été épargné par le séisme. C’était déjà le cas lors des principaux tremblements de terre qu’Antioche a connus, l’un en 115 et en 528.