Lettre pastorale des évêques de l’Alabama et du Mississipi [1]
La recherche du bonheur est, dans l’histoire humaine, une force puissante qui touche les individus et, par leur intermédiaire, toute la société. Nos succès et nos échecs, tout au long des générations, montrent qu’on ne peut trouver le bonheur en dehors de l’ordre et de l’harmonie. De bien des manières, l’ordre et l’harmonie apparaissent comme des besoins naturels pour tous. Vivre une vie en harmonie avec ceux qui nous entourent, en étant libérés de la peur et des changements imprévisibles, tels sont le rêve et l’aspiration de toute personne. Mais, alors que nous, qui vivons ici en Alabama et au Mississippi, nous approchons d’un nouveau millénaire, trop souvent il semble que nous fassions tous l’expérience de tout sauf du calme et de la stabilité.
Certainement, les changements rapides en de très nombreux domaines de notre vie contribuent le plus à ces sentiments de perturbation. Évêques catholiques de l’Alabama et du Mississippi, nous souhaitons saisir l’occasion qui nous est donnée de partager avec vous quelques observations sur notre époque, et vous présenter quelques aperçus historiques et vues de foi sur divers mouvements qui ont cherché à relever le défi du changement. Nous désirons aussi réfléchir avec vous sur la richesse de notre tradition catholique. Finalement, nous voudrions indiquer quelques directions que, selon nous, l’Église peut prendre pour nous aider à marcher vers le XXIe siècle dans une vision d’espérance.
Un climat d’incertitude dans la société et dans l’Église
A propos des nombreuses et merveilleuses avancées dans les domaines de la science, de la technologie et de la médecine au cours du siècle dernier, il nous faut aussi remarquer qu’elles ont aussi suscité certaines menaces dans notre pays et dans le monde, qui ont affecté le peuple de manière défavorable. Aujourd’hui les jeunes nous disent qu’ils ressentent la contrainte de vivre sous la menace d’un holocauste nucléaire. Ils peuvent bien crier : « Plus jamais la guerre », ils doivent encore vivre avec la présence, partout dans le monde, d’armes nucléaires prêtes à détruire. Les bouleversements sociaux et économiques sont souvent arrivés trop rapidement pour l’individu pour qu’il puisse s’adapter à eux convenablement. Pour beaucoup, la vie en général semble si complexe qu’ils sentent qu’ils en ont perdu le contrôle. Bref, beaucoup ressentent de plus en plus le sentiment de l’absence d’un ferme ancrage de leur vie dans la sécurité.
Nous voyons les symptômes de cette pression partout autour de nous : affaiblissement de la vie de famille, qui menace à la fois la sécurité personnelle et la stabilité du mariage lui-même ; méfiance croissante envers l’autorité civile et manque de respect à son égard ; recherche non de la réalisation durable mais de l’instant gratifiant. Cela a pour résultat de nous replier sur nous-mêmes, de nous encourager toujours davantage à être égoïstes et repliés sur nous-mêmes pour « nous occuper de nos affaires ». Même dans notre ancienne et sûre ancre de sécurité, l’Église, beaucoup craignent une érosion de l’autorité, suspectent une érosion de la doctrine et discernent un affaiblissement de la fermeté Morale : La vérité elle-même semble être devenue relative et changeante, de sorte que bien des personnes se demandent ce qui est encore vrai. Il y a, dans l’esprit de beaucoup, peu ou pas du tout de certitude quant aux valeurs morales absolues. Cela s’exprime par des clichés comme : « Si je pense que c’est O.K., c’est O.K. pour moi », ou encore : « Si tu ressens que c’est bon, fais-le. » Trop de gens n’ont plus le sens des réponses en noir et blanc… Juste une vaste mer, effrayante, toute grise.
L’inconfort de se sentir ainsi à la dérive amène tout naturellement à la surface un ardent désir religieux et politique. Nous souhaitons faire partie d’une nation qui soit puissante et résolue. Nous avons besoin d’une autorité politique ferme pour qu’elle puisse nous protéger du chaos économique et de la violence sociale. Nous avons besoin de la claire autorité de la religion pour nous donner la certitude de notre pardon et de notre salut, la certitude de la volonté de Dieu. Nous avons besoin d’être certains de la vérité de l’Écriture sainte.Environnés par un monde complexe et souvent déroutant, nous désirons des réponses simples et claires même si nos problèmes et nos questions sont difficiles. Mais, comme nous l’enseignent l’histoire et notre expérience personnelle, il n’y a pas de réponses simples à des problèmes complexes.
A notre époque même, de telles leçons sont bien enracinées dans la mémoire de beaucoup qui lisent ces lignes. Après la Première Guerre mondiale, les nations ont été contraintes de réviser leur ligne. Un fragile effort pour établir une communauté mondiale ne pouvait pas rivaliser avec un nationalisme protectionniste. L’économie mondiale était secouée par la faillite des banques et l’effondrement des marchés. La dépression et l’insécurité étaient la marque de l’époque. C’est alors que se leva un homme qui offrait la sécurité comme résultat d’une autorité inflexible, la pureté raciale par la manipulation génétique, la certitude fondée sur la supériorité teutonique. Ainsi, le nazisme naquit grâce à Adolf Hitler. Diverses organisations terroristes, partout dans le monde, ont de temps à autre cherché à corriger les maux évidents de leur pays ou, plus largement, du globe, par une méthode simple : la violence. Même certains mouvements religieux radicaux aujourd’hui, comme celui qui mobilise les partisans de l’ayatollah Khomeini, garantissent le salut si l’on embrasse les exigences fanatiques de leur cause, ne laissant aucune place aux questions, aux doutes et au désaccord. Bien qu’ils soient quelque peu différents, ces trois exemples ont tous une chose en commun : l’assurance qu’il y a une solution simple et particulière à ce qui est complexe, une solution qui prête l’oreille au passé et à une époque supposée moins compliquée.
Pour le meilleur ou pour le pire, nous avons le privilège de vivre à une de ces époques complexes et importantes de l’histoire humaine : une époque de grands changements. Comme évêques de l’Alabama et du Mississippi, nous tenons à affirmer que ce n’est pas l’époque actuelle qui est mauvaise. Elle peut être une occasion de bien ou de mal, mais l’important est la manière dont nous répondons à cette époque. Après tout, la même époque qui a produit un Khomeini a aussi produit une Mère Teresa de Calcutta. Des époques semblables se sont déjà produites et sans doute se produiront encore. C’est afin de faire en sorte que nous, catholiques, fassions de l’époque qui est la nôtre une bonne époque, un temps de bénédiction et de possibilités spirituelles, que nous, vos évêques, traitons d’un mouvement qui, à notre avis, offre une fausse sécurité à notre peuple : le fondamentalisme,
La réponse simpliste des fondamentalistes
Pour comprendre le fondamentalisme de notre temps, il est nécessaire de se reporter à ses débuts [2]. Vers le tournant de ce siècle, un mouvement protestant naquit dans notre pays, qui encourageait un retour aux bases réelles du christianisme, un retour au « bon vieux temps », quand il y avait des réponses simples et assurées. Ce fut dans une large mesure une réaction au libéralisme qui, en partie, cherchait à briser le joug des théories scientifiques et de la pensée religieuse structurées de manière rigide.
Au siècle dernier, Charles Darwin avait proposé sa théorie de l’évolution. Bien qu’elle poursuivît un but scientifique, la théorie semblait aux personnes religieuses une attaque contre le cœur même de certaines de leurs croyances les plus fermes. Cette nouvelle « vérité » semblait totalement en opposition avec le récit biblique de la création. Une nouvelle compréhension de l’Écriture, venant en grande partie des écoles allemandes de critique biblique, menaçait l’interprétation scripturaire traditionnelle. Les théories de Sigmund Freud sur la psychanalyse avaient suggéré que certains comportements humains étaient dus à l’inconscient plus qu’au libre choix. Le mouvement de l’Évangile social appelait les Églises à un nouveau programme. Certains voyaient la réponse que l’Église apportait aux maux humains et sociaux d’une société nouvellement urbanisée et industrielle comme un retrait dangereux par rapport à sa mission. Beaucoup de responsables protestants cherchaient à accommoder l’enseignement religieux à ces vues « nouvelles », donnant ainsi naissance au libéralisme.
Tous ces changements complexes dans bien des domaines posaient des questions qui étaient des défis. La Bible est-elle vraie ? Suis-je responsable de mes actes ou est-ce mon inconscient qui détermine mon comportement, affaiblissant ainsi ou détruisant ma volonté libre ? Dans un environnement d’incertitude et de doute, nombre de théologiens protestants du « Theological Seminary » de Princeton [3] et les participants aux diverses « Niagara Bible Conferences [4] » établirent la liste de ce qu’ils considéraient être les éléments fondamentaux, non négociables, de la foi chrétienne. Bien que le nombre de ces éléments fondamentaux ait parfois varié, la liste comprenait communément : a) l’inspiration et l’inerrance absolue de l’Écriture (souvent envisagée comme une interprétation littérale de l’Écriture) ; b) la naissance virginale et la divinité du Christ ; c) la mort expiatoire, par substitution, de Jésus ; d) la résurrection corporelle de Jésus ; e) la seconde venue de Jésus, qui régnera, au sens littéral, sur la terre.
Au cœur même du fondamentalisme, il y a l’interprétation stricte, littérale et individuelle, de l’Écriture, et l’inerrance absolue de chaque mot de la Bible. Pour ceux qui se nomment eux-mêmes désormais fondamentalistes, c’est là la clef pour défendre ce qu’ils perçoivent comme la vérité orthodoxe traditionnelle contre toute menace dirigée contre elle. En exposant les principes de base absolus du christianisme tels qu’ils les voyaient et en insistant sur eux, les fondamentalistes cherchaient des solutions simples aux problèmes toujours plus complexes de la vie.
Écriture et communauté sont indissociables
Nous ne disons pas qu’il n’y a pas beaucoup de choses bonnes dans certains de ces principes, ni que, en tant que catholiques, nous ne partageons pas certaines de ces croyances. Après tout, nous sommes une Église qui repose sur des éléments essentiels, croyances de base enracinées dans l’Écriture et dans notre Tradition qui s’est développée pendant près de 20 siècles. Mais nous jugeons certains principes du fondamentalisme comme contraires à la foi catholique. Alors que nous avons toujours été une Église reposant sur des éléments fondamentaux, nous ne sommes pas une Église du fondamentalisme. En tant qu’évêques des diocèses du « Sud profond », nous remarquons qu’alors que le fondamentalisme moderne est d’origine plutôt récente, ses racines font partie de notre expérience religieuse américaine, spécialement dans la « Bible Belt » du Sud.
Ces racines du fondamentalisme moderne sont-elles une tentation et un danger pour notre peuple ? Nous le croyons. Car la position fondamentaliste de l’interprétation littérale de l’Écriture par chaque croyant viole l’histoire et la tradition de l’Écriture elle-même. C’est là le danger. Nous croyons aussi que le fondamentalisme constitue une grave tentation dans nos deux États, car il offre :
a) Une certitude déraisonnable quant au sens de textes scripturaires sans tenir compte de leur contexte ;
b) Une certitude exagérément simpliste du salut, auquel on parviendrait sur-le-champ par l’acceptation du Christ, comme Sauveur ;
c) Un sentiment profond de sécurité personnelle, souvent en identifiant le « style de vie américain » avec l’appel et la volonté de Dieu ;
d) L’intimité avec Dieu dans une relation si personnelle qu’effectivement elle exclut les autres.
Ces attitudes sont trop fréquemment acceptées par ceux qui mettent sur le même pied « style de vie américain » et individualisme farouche et autosuffisance.
Si notre histoire nous aide à comprendre les requêtes du fondamentalisme, son danger doit être évalué à la lumière de la foi. Pour les catholiques, la vraie compréhension fondamentale de l’Écriture est que l’Écriture ne peut pas être située à l’écart de la communauté. A l’époque de l’Ancien puis du Nouveau Testament, Dieu a appelé à lui le peuple et s’est révélé à chaque génération : « Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé autrefois aux pères dans les prophètes, Dieu, en la période finale où nous sommes, nous a parlé à nous en un Fils qu’il a établi héritier de tout, par qui aussi il a créé l’univers [5]. » Ce fut la mission de la communauté d’accueillir de Dieu cette sainte révélation, à chaque période de l’histoire. Ils l’ont fait avec des langues et des idées humaines, des manières d’être et des coutumes humaines. Parfois la communauté a parlé ; à d’autres époques elle a écrit, et toujours la communauté a eu le souci de transmettre la Parole qu’elle avait reçue.
Cette communauté, l’Église, a toujours reconnu l’autorité divine de la Bible et le rôle central, dirigé divinement, qu’elle a joué dans sa vie. Mais il est important de se souvenir que l’Église a existé avant qu’il y eût un Nouveau Testament. Avant que le Nouveau Testament eût été composé et assemblé, des générations de chrétiens ont vécu des vies héroïques de foi et de zèle missionnaire, et ont même donné le suprême témoignage de leur foi, jusqu’au martyre. Dieu a inspiré aux membres de l’Église chrétienne primitive de produire le Nouveau Testament. Ce furent ces communautés chrétiennes primitives qui préservèrent le texte sacré, le copièrent à la main et le transmirent aux générations successives de chrétiens. Sous la direction de l’Esprit Saint, ceux qui dirigeaient l’Église statuèrent sur les 27 livres du Nouveau Testament [6]. Nous ne pouvons que demander à ceux qui revendiquent l’autorité de l’Écriture seule comme expression de la volonté de Dieu, qui veulent seulement une « religion du Livre », où se trouve dans la Bible la liste de ses livres inspirés ? Cette liste n’existe pas. Ce fut une religion enseignante, l’Église, qui décida, sous la direction de l’Esprit-Saint, quels livres étaient inspirés et lesquels ne faisaient pas partie de la Bible. Ce même enseignement s’est poursuivi avec le Concile Vatican II :
« La Sainte Écriture est la parole de Dieu en tant que, sous l’inspiration de l’Esprit divin, elle est consignée par écrit. Quant à la sainte Tradition, elle porte la parole de Dieu confiée par le Christ Seigneur et par l’Esprit-Saint aux apôtres, et la transmet intégralement à leurs successeurs pour que, illuminés par l’Esprit de vérité, en la prêchant ils la gardent, l’exposent et la répandent avec fidélité. Il en résulte que l’Église ne tire pas de la seule Écriture sainte sa certitude sur tous les points de la Révélation. C’est pourquoi l’une et l’autre doivent être reçues et vénérées avec un égal sentiment d’amour et de respect. La sainte Tradition et la Sainte Écriture constituent un unique dépôt sacré de la parole de Dieu [7]. »
Puisque l’Écriture est la possession de la communauté de l’Église, nous saisissons cette occasion pour louer les membres de l’Église qui ont redécouvert ou découvert pour la première fois ce fondement essentiel de notre foi. Parce que Dieu a exprimé sa parole sacrée non seulement dans un langage humain mais l’a confiée au contexte vivant d’une communauté croyante, nous avons toujours reconnu que c’est la vocation de l’Église, conduite par l’Esprit-Saint, de proclamer avec confiance la vraie signification de l’Écriture sainte. La Bible n’est pas simplement « mienne » ; par sa nature et son origine, elle est « nôtre ». L’inerrance de la Bible vient du fait que l’Esprit-Saint a conduit l’Église dans la production de l’Écriture pour qu’elle prenne son essor, et qu’il continue à guider de nouvelles générations de chrétiens dans la compréhension du sens en guidant les responsables de la communauté – comme cela s’est produit dans le passé – dans son interprétation.
C’est à partir de nos 20 siècles d’expérience d’une vie menée sous la conduite de l’Esprit-Saint, et en union avec l’Église universelle, que nous, vos évêques, vous présentons « la voie, la vérité et la vie » du Christ pour notre époque. Notre position avantageuse nous permet d’accepter les nombreuses choses qui sont bonnes dans le « style de vie américain » mais de rejeter les valeurs exagérées et égoïstes. C’est pourquoi, au cours des années récentes, notre Conférence nationale des évêques catholiques des Etats-Unis a publié des déclarations claires et réfléchies sur le racisme [8], la paix [9] et l’économie [10]. C’est cette expérience qui a conduit l’Église en Amérique et à l’étranger à condamner les injustices dans la société et à parler en faveur de ceux qui n’ont pas le droit de prendre la parole, à chercher un monde de vérité, de justice, d’amour et de paix. L’Église a toujours cherché à tenir compte de l’avertissement de saint Paul de ne pas nous conformer à ce monde mais plutôt d’être transformés par le renouvellement de notre intelligence dans le Christ Jésus, de sorte que nous « puissions discerner quelle est la volonté de Dieu ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait [11] ».
L’Esprit Saint est donné à la communauté et à ses guides
Les fondamentalistes, à cause de leur esprit littéraliste, ont souvent amené les autres, en employant de brèves citations de l’Écriture prises en dehors de leur contexte, à des vues sur le monde et des jugements très opposés à notre compréhension catholique. Ils établissent un contraste exagéré entre le monde (le mal) et le Royaume (le bien). Alors qu’il est vrai que l’Écriture parle d’un antagonisme entre le monde et le Royaume, elle ne condamne pas la création. La Bible enseigne que nous utilisons souvent les bonnes choses que Dieu a créées pour en faire un mauvais usage. C’est nous qui pouvons être mauvais, non pas l’univers. Pour les catholiques, l’enseignement biblique a toujours maintenu que notre monde est bon et a été confié à nos soins par Dieu. Nous ne le voyons pas comme quelque chose de mauvais à quoi il faut échapper, mais nous embrassons plutôt notre monde sans embrasser le péché qui est en lui.
L’approche fondamentaliste mène souvent à une spiritualité qui manque d’équilibre. La sainteté, selon cette vision, vient de la fuite du monde : la sainteté parfaite ne sera atteinte que lorsque le monde aura été détruit. Cela est en contradiction avec l’Incarnation. Le Christ Jésus est venu dans le monde et a commencé le processus de sa conversion et de sa transformation. Ce qu’Adam a défait par le péché, le Christ le refait, et fait bien davantage, par la grâce de sa mort rédemptrice et de sa résurrection.
Dès le commencement, le Christ a promis qu’il serait avec nous tous les jours et il nous a envoyé le Saint-Esprit pour nous instruire et nous guider [12] : Nous avons reconnu que ce n’est pas seulement en tant qu’individus mais tout spécialement comme communauté de croyants que nous rendons présent son Royaume [13]. C’est comme communauté que le Christ nous nourrit à la fois de sa parole et de son corps et de son sang dans l’Eucharistie. Nous professons que, par le baptême, nous sommes adoptés par Dieu comme ses enfants et que nous sommes greffés sur le Corps vivant du Christ, l’Église. Nous professons que c’est de la personne même du Christ toujours présent parmi nous par son Esprit-Saint que découlent notre vie de communauté et notre nourriture spirituelle. Nous vivons avec confiance dans notre Église enseignante et dans l’espérance, car nous savons que notre Seigneur est venu pour que nous ayons la vie en plénitude et que nous puissions partager sa joie ici et maintenant comme à jamais au ciel [14].
Comme communauté, nous avons compris que la Bible n’est pas un pur livre de réponses à tous les problèmes. Elle est plutôt le mémorial de la présence aimante et salvatrice de Dieu parmi son peuple. Elle est l’appel qu’il nous adresse à devenir une présence aimante, salvatrice, les uns pour les autres, dans la communauté qu’est l’Église. Nous sommes appelés par l’Église et la Parole de Dieu à une plénitude de vie qui développe la communauté et ses membres comme Peuple de Dieu. C’est pourquoi nous aimons tellement les sacrements et les célébrons avec une joie sans pareille. C’est pourquoi l’Eucharistie, le signe le plus grand de notre unité dans le partage de la vie de Dieu, est le soleil et le centre de notre vie.
La présence de l’incertitude et du doute, des difficultés et de la souffrance humaine, ne signifie pas que Dieu n’est pas avec nous. Alors que souvent il nous mène au désert, il nous nourrit aussi et nous mène vers la terre promise. Avec le Christ, nous faisons l’expérience du Vendredi-Saint, avec le Christ nous ressuscitons le dimanche de Pâques. Il est notre Dieu, nous sommes son peuple. C’est pourquoi nous sommes un peuple d’espérance qui ne craint pas la complexité ou l’insécurité d’être disciples de Jésus. Cela fait partie de notre pèlerinage de foi.
Ces réflexions nous poussent à proposer quelques recommandations à tous ceux qui prennent au sérieux leur pèlerinage de foi. Nous croyons que ceux qui les suivront éviteront les tentations et les dangers du fondamentalisme et, en même temps, découvriront cette confiance et cette espérance à laquelle le Seigneur appelle tous ses vrais disciples. « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et je vous soulagerai. Prenez sur vous mon joug et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. [15]. »
Nous appelons chacun à devenir familier de la Parole de Dieu telle qu’elle est incarnée dans la richesse de notre Tradition catholique. Nous encourageons chacun à la lire journellement. Nous recommandons que l’on établisse des cours d’étude biblique dans chaque paroisse ou groupe de paroisses dans nos diocèses afin que tous, et spécialement les adultes, puissent devenir plus familiers avec l’Écriture sainte.
Nous nous examinons nous-mêmes en tant qu’évêques, et nous rappelons aux prêtres et aux diacres l’appel reçu lors de notre ordination à être des enseignants de la Parole de Dieu. C’est là un de nos ministères les plus importants que de préparer des homélies bien rédigées et solides bibliquement. Nous appelons aussi les fidèles à être des auditeurs attentifs de la foi biblique qui est communiquée quand l’Écriture est proclamée et la Parole de Dieu prêchée.
Nous encourageons toutes les initiatives qui pourront mener nos fidèles à un développement spirituel découlant de l’Écriture et de la communauté. Nous appelons nos paroisses à devenir de plus en plus des communautés de l’amour de Dieu. Nous devons travailler à cela en utilisant divers programmes et processus centrés sur la Bible qui pourront susciter et soutenir cette atmosphère. Nous recommandons, par exemple, le rite de l’initiation chrétienne des adultes, les « Cursillos », les groupes de prière, les retraites, le ministère social.
Nous donnons notre appui, en particulier, au travail du mouvement charismatique catholique. Évitant le fondamentalisme biblique dont nous avons parlé, il a souvent fourni les responsables dont on avait grand besoin dans les études bibliques, la construction de la communauté et le service.
Nous souvenant que c’est la communauté de l’Église, avec son enseignement, ses sacrements, ses signes et ses symboles, qui nous élève au-dessus de nous-mêmes et nous nourrit, nous présentons aux catholiques de nos deux États le défi qui consiste à devenir plus concernés dans nos paroisses, dans la vie et les programmes des diocèses. Enfin, nous ne trouverons pas la paix et la joie dans une manipulation simpliste des textes bibliques ou dans une quelconque expérience religieuse soudaine et émotionnelle. Bien plutôt, nous sommes assurés de la paix du Christ quand nous prenons sur nous le joug léger de ceux qui sont disciples du Christ, joug qui repose sur le mystère pascal : le Seigneur est mort et ressuscité pour notre salut. A notre tour, notre mort à nous-mêmes, au péché et aux conséquences du péché telles que le racisme, le matérialisme et l’usage immodéré des biens, fera naître en nous, et autour de nous, cette joie que le monde ne peut donner. Puissent notre mort et notre nouvelle naissance dans le Christ montrer que nous sommes vraiment la lumière du monde. Alors, à cause de notre marche à la suite du Christ loyale et persévérante, le Seigneur nous trouvera en train de l’attendre au jour de son retour.
[2] Bill J. Leonard, « The Origin and Character of Fundamentalism », The Rewiew and Expositor : A Baptist Theological Journal, 79 (1982), p. 5-17. Pour une présentation plus populaire, voir Anthony E. Gilles, Fundamentalism : What Every Catholic Needs te Know (Cincinnati : St. Anthony Messenger Press, 1984).
[3] Eric W. Gritsch, Born Againism : Perspectives on a Movement (Philadelphie, Fortress Press, 1982), p. 37-38.
[4] Leonard, p. 5.
[5] He 1, 1-2.
[6] Ceci fut finalement fixé avec fermeté au Concile de Trente en 1546, bien que les conciles de l’époque primitive d’Hippone en 393 et de Carthage en 397 aient pris des décisions semblables.
[7] Constitution dogmatique sur la Révélation divine, n. 9-10.
[8] « Frères et sœurs aux Etats-Unis », 1979.
[9] « Le défi de la paix : La promesse de Dieu et notre réponse », 1983 (DC 1983, n° 1856, p. 715-762).
[10] « Justice économique pour tous », 1986 (DC 1987, n° 1942, p. 617-681).
[11] Rm 12, 2.
[12] Mt 28, 20 ; Jn 16, 13.
[13] Jn 18, 20-26 ; Mt 18, 20.
[14] Jn 10, 10 ; 15, 11.
[15] Mt 11, 28-29