Le don d’organe, point de vue des églises chrétiennes

1 – Église catholique

Une vision de l’être humain

« La nature [humaine] est en même temps corporelle et spirituelle. En raison de son union substantielle avec une âme spirituelle, le corps humain ne peut pas être considéré seulement comme un ensemble de tissus, d’organes et de fonctions; (…) Il est partie constitutive de la personne qui se manifeste et s’exprime à travers lui. Dans le corps et par le corps, on touche la personne humaine dans sa réalité concrète. » (Instruction « Donum vitae »)

« Le corps de chaque personne, avec l’esprit qui est donné de façon singulière à chacun, constitue une unité indissociable sur laquelle est inscrite l’image de Dieu même. »

« Le corps ne pourra jamais être considéré comme un simple objet; la logique du marché, sans cela, aurait le dessus. » (Benoit XVI, Discours aux participants au congrés international sur le don d’organes, 7 novembre 2008)

Le corps mérite donc respect, mais il n’est pas « sacré » (intouchable)

Les greffes de tissus et d’organes représentent une grande conquête de la science médicale et sont certainement un signe d’espérance pour de nombreuses personnes.

Don entre personnes vivantes :

– Consentement éclairé.

– On ne peut donner que si sa santé n’est pas et ne sera jamais mise en danger, ainsi que sa propre identité, et toujours pour des raisons moralement valides et proportionnées.

– Gratuité du don : refus du commerce des organes et des critères discriminatoires ou utilitaristes

Don post mortem :

– L’acte d’amour qui s’exprime par le don de ses organes demeure un témoignage authentique de charité qui sait regarder au-delà de la mort pour que la vie gagne toujours.

– Celui qui le reçoit devrait être bien conscient de la valeur de ce geste; il est le destinataire d’un don qui va au-delà du bénéfice thérapeutique.

– Ce qu’il reçoit, en effet, avant même d’être un organe est un témoignage d’amour qui doit susciter une réponse tout aussi généreuse, afin de développer la culture du don et de la gratuité.

– Consentement assumé plutôt que présumé

Don post mortem – établissement de la mort du patient.

– Il faut que les résultats obtenus reçoivent le consentement de toute la communauté scientifique, afin de favoriser la recherche de solutions qui donnent une certitude à tous.

– Il ne peut y avoir le moindre soupçon d’arbitraire et le principe de précaution doit prévaloir là où l’on n’est encore arrivé à aucune certitude.

– Que l’opinion publique elle-même soit placée devant la vérité la plus transparente sur les implications (…) de la pratique des greffes.

– Le critère principal qui vaut est le respect de la vie du donneur afin que le prélèvement d’organes soit permis seulement en présence de son décès réel.

 

2 – Protestantisme

1. Le respect des convictions philosophiques et spirituelles de la personne donneuse quelle que soit leur nationalité. Nul ne peut réellement donner son corps car personne n’en est propriétaire. En revanche, accepter qu’après sa mort ou de son vivant, les organes destinés à sauver un tiers soient prélevés, manifeste une solidarité.

2. Le consentement présumé devrait théoriquement suffire au prélèvement en l’absence d’inscription sur le registre des refus ; mais de fait, le recueil de l’avis de la famille sur les intentions du défunt introduit un biais majeur. Les protestants sont favorables au maintien du consentement présumé mais souhaiteraient en plus, la manifestation d’un voeu explicite sur un document courant (carte vitale par exemple) qui pourrait simplifier les interrogations familiales. L’objectif en effet n’est ni le prélèvement qui profiterait d’un « qui ne dit mot consent », ni la soumission totale à un avis du tiers, incapable de donner un consentement éclairé.

3. Le respect des convictions concernant l’état de « mort encéphalique ». La mort encéphalique peut ne pas être considérée par certaines personnes ou cultures comme la vraie mort. Elle est un événement avant d’être un fait ; d’où l’importance d’une information non culpabilisante à partir d’interrogations légitimes, et le respect de convictions inébranlables.

Le respect de la contradiction existant entre l’accompagnement de fin de vie, moment de réduction des gestes actifs, et les prélèvements sur personne à coeur arrêté, qui bénéficient d’une réanimation destinée non à la personne morte mais au receveur d’organes. Cette contradiction peut être source de souffrance pour la famille du donneur.

4. Le respect de l’existence de contraintes qui peuvent peser sur le donneur vivant. Si l’augmentation des donneurs vivants dans le monde facilite grandement la greffe d’organes, son recours est très hétérogène. Autant il est évident, pour des parents à un de leurs enfants voire à un conjoint pour l’autre, le don pour des membres collatéraux de la famille reste plus problématique. Il ne faudrait pas que l’altruisme du don évolue vers une sorte d’obligation morale excessive.

La greffe d’organe souffre d’un double déficit non dit, celui des connaissances anthropologiques sur le corps et l’autre, celui des conditions techniques de prélèvement qui devraient beaucoup plus mettre en exergue le respect dû aux équipes de prélèvements et aux personnes vivantes donneuses d’organes.

5. En conclusion, si une société doit tout faire pour encourager les greffes d’organes, elle ne doit pas traiter la question comme celle d’une simple pénurie de ressources, mais reconnaître l’importance de la dimension symbolique du rapport au corps. C’est grâce alors à une meilleure communication sur les enjeux, à un respect des personnes que les prélèvements apparaîtront de moins en moins comme une violence. Le discours médical de bienfaisance pour le receveur ne peut se substituer à un dialogue sur le sens du don d’organe. Les protestants appellent de leurs voeux ce dialogue aussi citoyen que spirituel.

Source : www.protestants.org/fileadmin/user_upload/Protestantisme_et_Societe/documentation/bioethique-090520.pdf

Le corps mort n’a rien de sacré : « Poussière, il retourne à la poussière » (Gn 3, 19)  (…) Il n’y a pas de meilleure façon de transformer l’absurde et le tragique d’une disparition soudaine que de permettre à d’autres de pouvoir encore continuer à vivre.»

« Nous appelons nos paroisses (…) et tous leurs membres, à prendre conscience des possibilités offertes par les transplantations d’organes (…). Nous appelons à y réfléchir en conscience, à en débattre et à faire connaître de façon claire les décisions personnelles qui peuvent en résulter. »

Jean-François Collange, théologien protestant, 1994. (Eglise de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine et de l’Eglise Réformée d’Alsace et de Lorraine).

D’après un travail réalisé par M. Jean Matos, bioéthicien – chargé de mission à l’Archevêché de Rennes, et un exposé fait par moi-même à une rencontre de néphrologues des Pays de Loire, ce 22 juin 2012, journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe.