par le Père Mark A. Pilon, sur le site France Catholique
vendredi 18 septembre 2015
Le nouveau Motu Proprio de S.S. François, qui redessine la procédure d’annulation [des mariages] a été à la fois loué est critiqué. Il est loué car semblant un nouveau geste de générosité et de miséricorde de la part de ce pape, et une bénédiction pour ceux qu’un mariage raté empêchait de suivre une procédure rapide d’annulation afin de se remarier à l’Église. La critique vient de ceux pour qui c’est une nouvelle étape pour miner l’indissolubilité du mariage et la discipline de l’Église.
Pour certains qui l’approuvent, le pape aurait astucieusement déminé certaines controverses susceptibles de faire surface lors du prochain Synode sur la Famille ; et les observateurs expliqueront qu’il a désamorcé la critique par une simple nouvelle solution rapide à la question de la Communion des divorcés. Ils considèrent que c’est une libéralisation considérable qui garantit une annulation rapide et facile. Ce qui pourrait bien devenir la pratique au sein de l’Église aux États-Unis.
En 1971 Paul VI a permis à la Conférence Nationale des Évêques Catholiques de suivre à titre expérimental des normes relatives au mariage. Ces normes devinrent la règle aux USA. Ces règles ? Primo, un juge seul pouvait statuer sur un mariage. Puis une procédure d’appel n’était pas nécessaire. Troisièmement, des délais étaient impartis afin de conclure en huit mois. Du nouveau ? Ce sont virtuellement les « nouvelles procédures », à ceci près qu’une nouvelle étape est franchie pour abréger le processus — en certains cas, à quarante-cinq jours.
Cependant ces procédures furent délibérément omises par St. Jean-Paul II quand il publia personnellement les canons relatifs au mariage dans le Code de Droit Canon de 1983 (et, d’évidence, il trouva les normes Américaines expérimentales inappropriées). Ses annonces annuelles à la Sainte Rote au fil du temps suggèrent pourquoi il décida d’agir ainsi, car il lança des avertissements fréquents sur le risque de miner l’indissolubilité du mariage par une procédure d’annulation trop permissive.
Il n’a jamais cité les normes expérimentales en tant que telles en Amérique, mais était bien conscient de l’explosion du nombre d’annulations dans le pays depuis la promulgation de ces nouvelles normes. Dans les années 1960 (avant les nouvelles normes) il y avait moins de 400 annulations par an, puis leur nombre annuel s’est enflé en dizaines de milliers. Actuellement, l’Église des USA prononce la moitié des annulations mondiales alors qu’elle ne compte que 6% des Catholiques du monde. Il faudrait être vraiment aveugle pour ne pas voir la corrélation de ces normes et de la-dite explosion, et St. Jean-Paul II était tout sauf aveugle.
À présent ; les USA sont la capitale mondiale de l’avortement, et l’Église Catholique Américaine est la capitale des annulations. L’Église peut bien dire ce qu’elle veut, qu’une annulation n’est pas un divorce, ce qui, évidemment, est vrai au sens de la doctrine Catholique, il n’empêche que pour la plupart des gens, dont une forte proportion de Catholiques, l’annulation est considérée comme une forme de divorce Catholique. Un ami Anglican me reprochait vers 1970 : « Nous, Anglicans, l’appelons « divorce », et vous, Catholiques, l’appelez « annulation », mais, en fin de compte, l’effet est le même pour tout le monde. »
Ils ont le divorce à l’esprit, alors que pour nous c’est l’annulation. Cette nouvelle mentalité pourrait bien expliquer pourquoi le nombre de mariage décroît actuellement, et le nombre d’annulations décroît graduellement. Bien des Catholiques se demandent : « pourquoi s’inquiéter ? » S’il semble que la permanence du mariage est désormais menacée, alors, je me demande ce qu’on peut en penser.
Le Saint Père François était certes animé des meilleures intentions mais, d’évidence, il a négligé les prudentes précautions de ses prédécesseurs qui nous ont légué le Code [du Droit Canon] de 1983. Et il semble penser que les normes Américaines expérimentales allaient bien, et devraient s’appliquer à tout le monde Catholique. Mais est-il disposé à accepter les mêmes résultats constatés aux USA ?
S’il pense vraiment que le traitement accéléré des annulations aidera simplement les pauvres sans pour autant saper la perennité du mariage en général, je ne pourrai qu’espérer qu’il a raison. Mais l’expérience de l’Église en Amérique n’est guère rassurante.
Ce n’est pas simplement le relâchement des normes canoniques qui a entraîné l’explosion des annulations chez nous. Il a sûrement joué son rôle, mais il y a plus. Ce qui s’est vraiment produit par-dessus, c’est qu’en plus des motifs d’annulation se sont largement greffées toutes sortes d’élémentts psychologiques concernant la validité du consentement. À présent la plupart des annulations sont prononcées sur de tels motifs, habituellement pour prudence insuffisante devant les obligations fondamentales du mariage. Et quelles sont ces obligations fondamentales ? Selon Saint Augustin, il y en avait trois excellentes, qui semblent raisonnablement objectives : enfants, fidélité, et indissolubilité. Ainsi donc les motifs étaient clairement objectifs, bien que difficiles à vérifier : l’intention d’un des partenaires de ne pas avoir d’enfants ; l’intention de ne pas être fidèle ; l’intention de se marier pour un temps limité. Aux nouvelles normes expérimentales fut ajoutée l’incapacité à constituer la « communauté d’existence » qui est la base du mariage. Mais la « communauté d’existence » est une notion très subjective, un concept indéterminé, comme tous les éléments psychologiques qui y entrent. De plus, la subjectivité des motifs est inévitablement entachée de subjectivité de la part du juge, selon sa compréhension particulière des aspects psychologiques selon son propre tempérament.
La combinaison des motifs subjectifs et la subjectivité du processus aboutissent à un mélange explosif, les explosions sont alors inévitables. Une telle combinaison étendue au monde entier par le Pape François aura-t-elle des effets différents ? Le temps seul nous le dira, mais compte-tenu des nombreuses déclarations du Pape François qui pense que la moitié des mariages dans le monde sont invalides, je ne ferais aucun pari.
16 septembre 2015.
Source : http://www.thecatholicthing.org/201…