L’hymne à l’Esprit Saint d’Edith Stein

Edith Stein, Ste Thérèse-Bénédicte de la Croix, Carmel de Cologne, 1937.

 

 

Biographie d’Edith Stein

Texte allemand et étude de l’hymne dans un article de Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz, Qui es-tu ? Une réponse ontologique et littéraire, Revue Communio 2023/1, t 48, pp. 29-36.

I

Qui es-tu, douce lumière qui me combles

et illumines la ténèbre de mon cœur

comme la main d’une mère, tu me conduis

et, si tu me lâchais,

je ne saurais faire un pas de plus.

Tu es l’espace environnant mon être et l’abritant en toi.

Le rejetterais-tu, il coulerait à pic dans l’abîme du néant

d’où tu le tiras pour l’élever vers la lumière.

Toi, qui m’es plus proche que je ne le suis moi,même,

qui m’es plus intérieur que mon propre cœur,

et pourtant insaisissable, inconcevable,

Au-delà de tout nom, Saint-Esprit, éternel Amour!

II

N’es-tu pas la manne si douce à mon palais,

qui du cœur du Fils déborde dans le mien,

nourriture des anges et des bien­heureux?

Lui qui s’est levé de la mort vers la vie,

il a su m’éveiller du sommeil de la mort

à une vie nouvelle.

Vie nouvelle qu’il me donne chaque jour

et dont la plénitude doit un jour m’inonder,

Vie de ta propre vie, c’est toi en vérité,

Saint-Esprit, vie éternelle!

III

Es-eu le rayon jaillissant comme l’éclair

depuis le trône élevé du Juge éternel,

pénétrant comme un voleur dans la

nuit de l’âme qui s’ignorait elle-même?

Miséricordieux, impitoyable aussi, tu pénètres jusqu’en ses profondeurs cachées.

L’âme est effrayée de ce qu’elle voit d’elle-même

et se garde ainsi dans une crainte sacrée

devant le commencement de toute sagesse

qui vient d’en-haut

et nous y ancre d’un ancrage solide, devant ton action qui nous crée

à nouveau,

Saint-Esprit, rayon que rien n’arrête!

IV

Es-eu la plénitude d’Esprit et de puissance

qui permet à l’ Agneau de rompre les scellés

du décret éternel de la divinité ? Sur ton ordre les messagers du jugement

chevauchent de par le monde entier et séparent,

du tranchant de l’épée, le Royaume de lumière

de celui de la nuit.

Les cieux seront nouveaux et la terre nouvelle,

et tout retrouvera alors sa juste place

par ton souffle léger :

Saint-Esprit, puissance victorieuse!

V

Es-tu le Maître d’œuvre, le bâtisseur de la cathédrale éternelle

qui depuis la terre s’élève jusqu’au Ciel ?

Tu donnes vie à ses colonnes, qui se dressent,

hautes et droites, solides et immuables.

Marquées du signe du Nom divin et éternel,

elles s’élancent vers la lumière et portent le dôme

qui achève et couronne la sainte cathédrale,

ton œuvre qui embrasse l’univers entier:

Saint-Esprit, Main de Dieu créa­trice!

VI

Es-tu Celui qui créa le miroir limpide

tout proche du trône du Seigneur, le Très-Haut,

semblable à une mer de cristal où se contemple

la divinité en un échange d’amour?

Tu te penches sur l’œuvre la plus belle de toute ta création

et ta propre splendeur éblouissante de lumière te renvoie son reflet,

unissant la pure beauté de tous les êtres

en la figure pleine de grâce de la Vierge,

Ton Épouse immaculée :

Saint-Esprit, Créateur de tout ce qui est!

VII

Es-tu le doux cantique de l’amour et du respect sacré qui retentit sans fin

autour du trône de la Trinité sainte,

symphonie où résonne la note pure donnée par chaque créature?

Le son harmonieux,

l’accord unanime des membres et de la Tête,

dans lequel chacun au comble de la joie

découvre le sens mystérieux de son être

et le laisse jaillir en cri de jubilation, rendu libre

en participant à ton propre jaillissement :

Saint-Esprit, jubilation éternelle!