En Galilée, carrefour des nations, le soleil se lève
– En précisant que Capharnaüm est situé dans les territoires de Zabulon et de Nephtali, Matthieu rappelle à ses auditeurs l’oracle d’Isaïe : « Dans un premier temps, le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ; mais ensuite, il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, et la Galilée des nations. » (Is 8,23). Au moment de l’expansion assyrienne, au 8° siècle, ces deux tribus dont les territoires étaient limitrophes, avaient été annexées en même temps. Les paroles d’espérance ont paru s’accomplir lorsque Josias, roi de Jérusalem, a récupéré la Galilée, cent ans plus tard.Mais selon Matthieu, c’est la venue de Jésus qui est le lever du soleil messianique, car l’Évangile commence à poindre. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. »
– La citation de cet oracle par l’évangéliste s’explique facilement : les lieux qu’il mentionne correspondent exactement à ceux où Jésus a passé la plus grande partie de sa vie et déployé son apostolat. Nazareth est au cœur de la Galilée. Capharnaüm se trouve sur le chemin de la mer qui offre un accès commode à la Syrie méridionale. Le contexte messianique de l’oracle « sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière s’est levée » (Is 9,1/Mt 4,16) convient bien à l’épiphanie de Jésus, lumière des nations.
Cette citation à ce moment de son évangile montre aussi que Jésus a pensé l’annonce évangélique à tous les peuples de la terre à partir de la Galilée. C’est la raison pour laquelle l’ange annonce aux saintes femmes que Jésus ressuscité donnait rendez-vous à ses disciples « en Galilée » (Mt 28,7 et Mc 16,7), promesse tenue par son apparition sur une montagne de ce pays, d’où la Galilée devient le point de départ de la mission universelle de l’Église (Mt 28,19).
Jésus en Galilée, pauvre parmi les pauvres
– Les scribes et les pharisiens de Jérusalem méprisaient généralement les gens de Galilée. Bien que plus riches que les Judéens à cause de la fécondité du sol, les Galiléens étaient vus comme des Israélites de moindre qualité : trop de contacts avec les nombreux païens de Galilée, d’où une pratique de la Loi altérée…
– Pourtant, c’est bien à ces hommes et ces femmes à la réputation fâcheuse que Jésus lance son premier appel. Matthieu écrit : À partir de ce moment, Jésus commença à proclamer : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche » (v. 17). De plus, c’est parmi les Galiléens que sont choisis quatre apôtres. Ce ne sont pas des intellectuels, surtout pas de grands esprits. L’évangéliste précise leur métier si modeste, pour que le lecteur réfléchisse : des pêcheurs.
– Plus tard, ce ne sera pas leur enseignement qu’ils donneront, mais bien celui d’un autre, celui de Dieu. Ils n’ont pas la compétence pour en inventer un. La docilité de leur foi servira de modèle. Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent (v. 20). Pierre, André, Jacques et Jean ont surtout cette pauvreté intérieure qui fait qu’on ne s’attribue pas de mérite. Tout vient de Dieu et de son Christ.
– Jésus s’attache donc à ceux qui ont un métier très humble. et spécialement aux malades. « Jésus parcourait toute la Galilée ; il enseignait dans leurs synagogues, proclamait l’Évangile du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple (v. 23). En agissant ainsi, Jésus donne les lignes maîtresses de l’évangélisation pour tous les temps. Il faut donner Dieu et sa Parole aux plus délaissés. C’est à ceux qui pourraient douter de l’amour de Dieu à cause de la pauvreté et de la maladie qu’il faut le proclamer.
Penser universel et penser pauvre
De cet évangile, nous pouvons tirer ces deux appels pour notre vie chrétienne au long des jours
1. Penser universel. Quoique nous vivions, ne pensons pas que c’est une goutte dans l’océan, même si tout semble nous pousser à l’insignifiance. La moindre des actions offertes au Père, qui plus est dans l’offrande de son Fils, a une dimension et un rayonnement universel. L’Ange disait aux enfants de Fatima : « Offrez constamment au Très-Haut des prières et des sacrifices… en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs ». Ste Thérèse de Lisieux écrivait à sa sœur Léonie : « Tout est si grand en religion… ramasser une épingle par amour peut convertir une âme. Quel mystère ! » (22/5/1894)
2. Penser pauvre. L’orgueil de nous croire quelqu’un est une erreur tragique, et le mépris des plus pauvres est une insulte à Dieu. Ne nous appuyons pas sur nos capacités ou sur nos dons, cherchons à être pauvrement le canal de l’action de l’Esprit Saint. Il déploiera, lui, toutes les richesses divines, même si elles restent cachées à nos yeux, n’en doutons jamais.