Mariage, divorce et adultère

27° D. TO. B — (Mc 10,2-12) «  Partant de là, Jésus arrive dans le territoire de la Judée, au-delà du Jourdain. De nouveau, des foules s’assemblent près de lui, et de nouveau, comme d’habitude, il les enseignait » (v.1). Ce premier verset introduit la controverse sur le divorce. Il y a là quelque chose de caractéristique de Jésus en Marc. Il marche, va d’un territoire à l’autre. Son enseignement va des uns aux autres, des foules aux disciples et vice-versa. On ne met pas Jésus en cage, ni son enseignement en boîte.

La tentation du permis-défendu

Jésus a déjà rencontré des pharisiens « éprouvants » (8, 10-13), et il a refusé tout net de leur donner le signe venant du ciel qu’ils demandaient. Cette fois-ci, les pharisiens continuent de mettre en doute son autorité en posant une fois de plus la question du « permis-défendu », de ce qui est autorisé. La dernière fois que ce mot fut prononcé, ce fut par la bouche de Jean-Baptiste déclarant à Hérode : « tu n’as pas le droit », en condamnant son remariage incestueux et adultère, ce qui signa sa condamnation à mort. Le mariage, un domaine à haut risque ! Jésus va-t-il se situer sur ce terrain tentant du permis-défendu ?

Le constat de la dureté du cœur

Dans sa réponse, Jésus ne revendique pas une autorité personnelle, mais il renvoie à l’autorité de Moïse. Et les Pharisiens de répondre (s’appuyant sur Dt 24,1-3, à propos de l’acte de répudiation) : « il a permis ». Vient alors la réponse de Jésus en deux parties. D’abord le constat d’une maladie, la sclérose du cœur : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle ». Ensuite le rappel du projet originel, au « commencement », lors des paroles créatrices de Dieu. Et la citation que fait Jésus est brève, combinant Gn 1,27 : « Dieu les fit homme et femme », et Gn 2, 24 : « À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair ». Un verset dans chacun des 2 récits de création !

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La valorisation de l’amour unitif de Dieu

Pour Jésus, l’essentiel est le passage de la dualité à l’unité, que renforce son commentaire personnel : « Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni (conjoint), que l’homme ne le sépare pas ! » Jésus rappelle le dessein originel, parlant de « Dieu » comme de l’auteur même de cette union de deux en une seule « chair », au plus près du mystère de la sexualité humaine. Aucun mépris de la sexualité : au contraire l’union sexuelle représente un engagement de Dieu lui-même aux côtés des deux partenaires. C’est dire aussi l’enjeu théologal et la gravité des actes sexuels. Le verbe grec suzeugnumi, unir, peut se traduire par conjoindre, plus littéral (atteler ensemble, conjuguer). L’image que propose Jésus est épurée : l’altérité radicale du « mâle et femelle » devient « une seule chair ». Cette action est attribuée à Dieu. Il est présenté comme puissance unitive de ce qui est d’emblée posé comme distinct et différent. Le Dieu des 7 jours qui sépare pour créer est aussi en miroir celui qui fait se joindre, se rejoindre, se conjoindre l’humain.

Sur l’adultère : le cœur, l’acte, la miséricorde divine

Dans cette perspective, Jésus fait d’une répudiation suivie d’un remariage un « adultère ». Est adultère celui qui va « vers une autre », celle qui va « vers un autre », ad-alteram, ad-alterum. Ce mot dit l’altération de la relation conjugale. Car en transgressant le mariage, l’être humain atteint aussi l’image de Dieu, ce Dieu qui engage son pouvoir d’union, de communion, dans les alliances humaines.

Rappelons d’autres paroles de Jésus sur l’adultère. D’abord en Mt 5,28 : « Tout homme qui regarde une femme avec convoitise a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur ». Jésus assimile un premier regard, un simple désir, à l’écart de conduite dûment accompli, à la transgression. Cette importance donnée au cœur comme lieu de la fidélité, mais aussi de la naissance du mal, rejoint Mc 7,20 : « c’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères… »

Enfin en Jn 8,11 : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus ». Devant les impasses provoquées par la dureté de cœur, seule l’attitude de remise de soi à la miséricorde divine est porteuse de vie. C’est peut-être pour cela que cet épisode sur le mariage, le divorce et l’adultère est suivi d’une nouvelle rencontre avec les enfants. Un cœur d’enfant est à la hauteur de l’exigence originelle et de la miséricorde.

Car tout est possible à Dieu (Mc 10,27)