Marthe Robin

Nous venons de vivre une séquence peu banale. Elle serait digne d’un roman d’Agatha Christie, si elle n’était pas si tragique.

Le lundi 23 octobre en fin d’après-midi, le père Peyrous, membre de la communauté de l’Emmanuel et postulateur de la cause de béatification de Marthe Robin, commence la retraite prévue sur Marthe Robin au Foyer de Charité de Châteauneuf de Galaure, en y célébrant la messe. Le mardi 24 matin tôt, des responsables de la communauté de l’Emmanuel viennent  chercher le père Peyrous qui quitte le Foyer. Le P. Peyrous est remplacé pour la prédication de la retraite.

Dans un communiqué daté du 30 octobre, mis en ligne sur son site, la communauté de l’Emmanuel informe que « Le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, en lien avec les responsables de la Communauté de l’Emmanuel, a pris des mesures conservatoires à l’égard du Père Bernard Peyrous » et qu’il est démis de ses fonctions. Qui n’en serait affecté, après tant d’années que le père Peyrous a données à la Communauté de l’Emmanuel, et à la cause de Marthe Robin ?

Le mercredi 25 octobre au soir, Marie-Thérèse Gille, vice-postulatrice de la cause de béatification de Marthe Robin, membre du Foyer de Charité de Chateauneuf, très malade, décède. Sa sépulture a lieu le 31 octobre.

Devant la disparition ou a mise à l’écart des deux protagonistes essentiels de la postulation, comment ne pas espérer que leur présentation contestable et controversée de la vie et de la mort de Marthe  (le livre « Vie de Marthe Robin ») n’en arrive un jour à être remise à plat pour retrouver plus de vérité ? En effet, deux affirmations posent problème dans ce livre : à savoir que Marthe aurait été une enfant illégitime ; et qu’elle aurait retrouvé vers la fin de sa vie une certaine mobilité en se traînant sur ses avant-bras au milieu de ses excréments dans sa chambre. Pour lutter contre ces affirmations, a été publié en 2014 le petit livre Vénérable Marthe Robin, des témoins réagissent et parlent.

Je m’en étais expliqué avec B. Peyrous, en 2008 si je me souviens bien; il était venu me rencontrer à N-D du Chêne, avec un témoin, et ne m’avait pas vraiment convaincu. Depuis, d’autres publications et travaux ont continué à contester la version de ces deux aspects de son récit.

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Mais comment ne pas espérer aussi que l’Église et les Communautés nouvelles, en l’occurence ici celle de l’Emmanuel, ne deviennent plus responsables dans leur communication ?

En effet, à la lecture du communiqué, on peut se poser bien des questions. On a même le devoir de le faire, tant on perçoit une fois de plus ce qui pourrait ressembler à une confusion des fors interne et externe…

On aimerait être sûr que la victime a été incitée à porter plainte devant les juridictions civiles, chose que l’Église déclare aujourd’hui qu’il convient de faire, depuis la multiplication des révélations d’affaires de mœurs. On a malheureusement trop d’exemples (dans d’autres communautés), où de fortes  pressions ont été faites sur les victimes pour les empêcher de porter plainte.

Si vraiment d’autres victimes étaient à craindre, ce que laisse entendre la mise en œuvre de cellules d’écoute mentionnées par le communiqué, peut-on nous assurer que celles-ci seront composées aussi d’écoutants hors l’Emmanuel ? L’Église consent-elle à ce que toute autre victime potentielle solubilise son drame dans les rouages de l’Emmanuel ?

Puisqu’on nous dit que c’est le Cardinal qui a pris des mesures conservatoires, pourquoi est-ce la Communauté qui fait part ? Pourquoi donc n’est-ce pas un communiqué du Cardinal ? L’Église consent-elle à ce que l’Emmanuel parle en son nom ? Consent-elle à ce que l’Emmanuel se substitue à la société civile et à l’Église ? Consent-elle à ce que l’Emmanuel soit juge exclusif de l’un des siens qu’elle dit coupable de faits qui pourtant relèvent des juridictions civiles ?

Ne peut-on pas on regretter que les cadres de l’Emmanuel, eux, et exclusivement eux, aient pris les choses en main ? La sanction tombe avec une rapidité et un tranchant radical notables. Peut-on s’extraire de l’impression que l’image parfaite de la communauté doit être maintenue, à tout prix ?

D.A.