Écouter l’homélie du dimanche 1er octobre 2017, 26° dimanche dans l’année A, à la paroisse Saint Aubin (72).
Homélie du pape François au stade Renato de Bologne
Je célèbre avec vous le premier Dimanche de la Parole: la Parole de Dieu fait brûler le cœur (cf. Lc 24,32), parce qu’elle nous fait nous sentir aimés et consolés par le Seigneur. La Vierge de Saint Luc, évangéliste, peut nous aider elle aussi à comprendre la tendresse maternelle de la Parole qui est « vivante » mais néanmoins « coupante », comme dans l’évangile d’aujourd’hui : en effet celle-ci pénètre l’âme (cf. Hé 4,12) et fait sortir au grand jour les secrets et les contradictions du cœur. Aujourd’hui elle nous provoque avec la parabole des deux fils qui, à la demande du père d’aller dans sa vigne, répondent: le premier non, puis y va ; le second oui, mais n’y va pas. Mais il y a une grande différence entre le premier fils, qui est paresseux, et le second, qui est hypocrite. Essayons d’imaginer ce qui s’est passé en eux. Dans le cœur du premier, après le non, résonnait encore l’invitation du père ; dans celui du second fils, au contraire, malgré le oui, la voix du père était ensevelie. Le souvenir du père a sorti le premier fils de la paresse, alors que le second qui connaissait pourtant le bien, a démenti « le dire » par « l’agir ». Il était en effet devenu imperméable à la voix de Dieu et de la conscience, et avait accepté sans problème une double vie. Jésus, avec cette parabole, met deux routes devant nous auxquelles – nous en faisons l’expérience – nous ne sommes pas toujours prêts à dire oui par la parole et par le geste, parce que nous sommes pécheurs. Mais nous pouvons choisir d’être des pécheurs en marche, qui restent à l’écoute du Seigneur et quand ils tombent se repentissent et se relèvent, comme le premier fils ; ou alors des pécheurs assis, prêts à toujours se justifier et uniquement en parole et comme bon lui semble.
Cette parabole, Jésus l’adressa à des chefs religieux de l’époque, qui ressemblaient au fils qui menait à la double vie, alors que les gens ordinaires se comportaient souvent comme l’autre fils. Ces chefs savaient et expliquaient tout de manière formelle et irréprochable, en vrais Intellectuels de la religion. Mais ils n’avaient pas l’humilité d’écouter, le courage de s’interroger, la force de se repentir. Et Jésus est très sévère : il dit même que les publicains les précèdent dans le Royaume de Dieu. Son reproche est fort, car les publicains étaient des corrompus qui trahissaient la patrie. Quel était le problème de ces chefs ? Ils ne se trompaient pas dans quelque chose, mais dans la manière de vivre et de penser devant Dieu: en paroles et avec les autres, ils étaient les gardiens inflexibles des traditions humaines, incapables de comprendre que la vie selon Dieu est en marche et demande l’humilité de s’ouvrir, de se repentir et de recommencer.
Qu’est-ce que cela nous dit ? Qu’il n’existe pas de vie chrétienne faite sur pièces, construite scientifiquement, où il suffit de suivre certains diktats pour apaiser sa conscience: la vie chrétienne est l’humble cheminement d’une conscience jamais rigide et toujours en rapport avec Dieu, qui sait se repentir et s’en remettre à Lui dans ses pauvretés, sans jamais partir du principe qu’elle se suffit à elle-même. De cette façon, on surmonte les éditions revues et actualisées de ce vieux mal dénoncé par Jésus dans la parabole : L’hypocrisie, la double vie, le cléricalisme couplé de légalisme, le détachement des gens. Le mot clef est : se repentir. Le repentir permet de ne pas se raidir, de transformer les non à Dieu en oui, et les oui au péché en non par amour du Seigneur. La volonté du Père, qui chaque jour parle délicatement à notre conscience, ne s’accomplit que sous la forme du repentir et de la conversion continue. En définitive, chacun a deux chemins devant lui : être des pécheurs repentis ou des pécheurs hypocrites. Mais ce qui compte ce ne sont pas les raisonnements qui justifient et tentent de sauver les apparences, mais un cœur qui avance avec le Seigneur, qui lutte chaque jour, se repent et revient vers Lui. Car le Seigneur cherche des purs de coeur, non des purs « de l’extérieur ».
Nous voyons alors, chers frères et sœurs, que la Parole de Dieu creuse en profondeur, « discerne les sentiments et les pensées du cœur » (Hé 4,12). Mais c’est une parole également actuelle: la parabole nous renvoie aussi aux relations, pas toujours facile, entre les pères et leurs enfants. Aujourd’hui, à la vitesse ou tout change d’une génération à l’autre, on sent beaucoup plus fort le besoin d’autonomie, de se détacher du passé, parfois jusqu’à la rébellion. Mais après les fermetures et les longs silences de part d’autre, il est bien de récupérer la rencontre. Même si les conflits nous habitent encore, ceux-ci peuvent stimuler un nouvel équilibre. En famille, comme dans l’Eglise et dans la société: ne jamais renoncer à la rencontre, au dialogue, à chercher de nouveaux chemins pour marcher ensemble.
Dans le cheminement de l’Eglise arrive souvent cette question: où aller, comment avancer ? Je voudrais vous laisser, pour conclure cette journée, trois points de référence, trois « P ». Le premier est la Parole, qui est la boussole pour marcher avec humilité, pour ne pas perdre la route de Dieu et tomber dans la mondanité. Le deuxième est le Pain, le pain eucharistique, car tout part de l’Eucharistie. C’est dans l’eucharistie que l’on rencontre l’Eglise: pas dans les bavardages et dans les faits divers, mais ici, dans le Corps du Christ partagé avec des gens pécheurs et dans le besoin, mais qui se sentent aimés et désirent alors aimer.
C’est de là qu’on part et là qu’on se retrouve à chaque fois, c’est le début de notre « être » Eglise auquel nous ne saurions renoncer. Le Congrès eucharistique le proclame « à haute voix » : l’Eglise se rassemble ainsi, naît et vit autour de l’eucharistie, avec Jésus présent et vivant à adorer, recevoir et donner chaque jour. Enfin, le troisième « P »: les pauvres. Encore aujourd’hui, hélas, tant de personnes manquent du nécessaire. Mais il y a aussi beaucoup de personnes en manque d’affection, des personnes seules, des pauvres de Dieu. En eux tous nous trouvons Jésus, parce que Jésus sur terre a suivi le chemin de la pauvreté, de l’anéantissement, comme dit saint Paul dans la seconde lecture : « Jésus s’est anéanti, prenant la condition de serviteur » (Phi 2,7).
De l’Eucharistie aux pauvres, allons à la rencontre de Jésus. Vous avez reproduit l’inscription que le cardinal Lercaro aimait voir sur l’autel: « Si nous partageons le pain du ciel, comment ne pas partager le pain terrestre ? ». Rappelons-le toujours, ça nous fera du bien. La Parole, le Pain, les pauvres: demandons la grâce de ne jamais oublier ces aliments de base qui soutiennent notre cheminement.
© Traduction de Zenit, Océane Le Gall