(2° D. Av. B — Mc 1, 1-8). La lecture de l’évangile de ce deuxième dimanche de l’Avent présente les huit premiers versets de l’Évangile de Marc. Ce livre du N.T. se déploie à un rythme effréné, avec des scènes qui se suivent les unes après les autres de manière expéditive. Alors que Matthieu est reconnu pour ses discours, Marc est tout en actions. En ce sens, et bien qu’il soit le plus ancien des évangiles, Marc est celui qui ressemble le plus aux médias d’aujourd’hui. Un véritable TikTok biblique !
Prendre appui sur la compassion de Dieu
Cette citation de l’Ancien Testament, qui amorce l’Évangile de Marc, se situe elle-même au début d’une section importante de la Bible : au commencement du Deuxième-Isaïe (40-55). Elle nous est offerte plus longuement dans la 1è lecture (Is 40, 1-11). L’auteur de cette partie du livre n’est pas le prophète qui est à l’origine des chapitres 1 à 39 et qui vécut aux 8e et 7e siècles av. J.-C. Il s’agit d’un lointain disciple du 6e siècle qui écrit vers la toute fin de l’exil du peuple juif à Babylone, cet événement à la fois tragique et rédempteur, qui a profondément marqué l’expérience spirituelle de l’Israël biblique. Il annonce la fin du joug païen.
Les prophètes qui se situent juste avant et durant l’exil, même s’ils entrevoyaient une période de salut à venir, avaient principalement annoncé la destruction de Jérusalem en raison de l’impiété et de l’infidélité du peuple. Les toutes premières paroles du Deuxième-Isaïe – « ‘Consolez, consolez mon peuple’, dit votre Dieu » (Is 40,1) – se démarquent donc clairement de celles de ses prédécesseurs. Dès le départ, la colère divine et la détresse humaine font place à la tendresse, à l’intensité de l’affection de Dieu, exprimée aussi par l’utilisation des termes hébreux lev « cœur » (v. 2) et heq « sein, poitrine, cœur » (v. 11). Ce premier verset du Deuxième-Isaïe souligne aussi l’étroite relation qui unit Dieu à son peuple : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu ».
Cela rappelle les noms symboliques donnés aux enfants de la femme infidèle du prophète Osée (v. 750 av. JC) : Lô-Rouhama (Celle-pour-qui-on-n’a-point-de-compassion) et Lô-Ammi (Pas-mon-peuple) (Osée 1,6-9). En une seule courte phrase, le Deuxième-Isaïe vient renverser la vapeur : Dieu éprouve une profonde compassion pour Israël, qui est bien son peuple.
Vivre la conversion pour le pardon des péchés
Ce premier passage du Deuxième-Isaïe explique que le crime d’Israël a été expié et que le peuple a reçu le double des châtiments pour ses fautes (40, 2). C’est dans ce contexte que Dieu revient vers son peuple. Celui-ci a été purifié par l’épreuve de l’exil et le Seigneur revient vers lui dans un grand débordement d’affection. On retrouve une idée similaire chez Luc, dans la parabole du fils perdu et retrouvé, avec le père qui se réjouit du retour de son enfant égaré.
Six siècles plus tard, en citant le début du Deuxième-Isaïe, Marc situe donc le baptême de Jean dans ce triple contexte de débordante compassion divine, d’intimité de la relation entre Dieu et son peuple et d’expiation des fautes. Le Seigneur est bien venu, jadis, libérer son peuple de l’exil, mais voici qu’il vient à nouveau vers ce dernier, d’où l’importance de l’expiation des péchés. Marc l’exprime à deux reprises en mentionnant que Jean proclamait un baptême « de conversion pour le pardon des péchés » (Mc 1,4) et que toute la Judée et tous les habitants de Jérusalem « reconnaissaient publiquement leurs péchés » (1, 5). Il faut que le peuple ait expié ses péchés, qu’il se soit purifié pour accueillir le Seigneur qui vient. C’est ce que Jean s’applique à faire.
L’annonce triomphale du Deuxième-Isaïe et la prédication de Jean le baptiste demeurent pertinentes pour nous aujourd’hui. Même si Jésus est avec nous jusqu’à la fin du monde (Mt 28, 20), il continue de venir vers nous à chaque jour. Or, c’est un père aimant, qui court vers son fils égaré, se jette à son cou et le couvre de baisers (Lc 15, 20). Le Seigneur, cependant, ne tolère pas le péché ; il ne supporte pas tout ce qui nous sépare de lui ; il abhorre tout ce qui nous empêche d’accéder à la vie de plénitude, à ce qu’il a planifié pour nous.
Contribuer à l’Avènement par notre sainteté
La lenteur dans l’accomplissement du projet de Dieu suscitait impatience, critiques, questions des premiers chrétiens, auditeurs de Pierre. Sa réponse est on ne peut plus directe : « (Non,) Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard. » Et encore : « il prend patience envers vous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion ».
Face à l’impatience des premiers chrétiens, Pierre affirme donc la patience de Dieu ; un peu comme s’il disait : « vous faites preuve d’impatience envers Dieu, mais Dieu fait preuve de patience envers vous ». Il attend avec patience notre contribution à son projet, car nous pouvons « hâter l’avènement du Jour de Dieu ». Cette invitation à vivre dès aujourd’hui les valeurs du Royaume pour « précipiter » (Chouraqui) l’Avènement, Pierre la détaille ainsi :
- « vous voyez quels hommes vous devez être, en vivant dans la sainteté et la piété »
- « faites tout pour qu’on vous trouve sans tache ni défaut, dans la paix ».
C’est bien pour cela que Jean-Baptise annonce que Jésus nous plonge dans l’Esprit Saint, le Don de Dieu pour vivre notre conversion et appeler en retour, par effet boomerang, son action encore plus puissante sur le monde.
Ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur,
c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle
où résidera la justice.