Présentation du livre de Benoît XVI sur l’enfance de Jésus

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Pas de la théologie, mais l’histoire vraie de Jésus
Andrea Gagliarducci

La Sicilia, 18 novembre 2012
Texte en italien sur le site de Raffa.

 

Il a terminé le manuscrit à Ferragosto (vacances de la mi-août en Italie) de cette année. Il y a travaillé l’espace d’un été et demi. Le temps de rassembler les sources (en particulier les classiques, mais aussi un livre du cardinal Gianfranco Ravasi, I Vangeli di Natale – Les Évangiles de Noël) et de rendre le tout organique.
«L’Enfance de Jésus» de Joseph Ratzinger est prêt à sortir dans les librairies. Le lancement mondial aura lieu mardi prochain. L’ouvrage représente le dernier effort du Pape pour raconter la vie de Jésus, à partir de la vérité historique des Évangiles. Mais c’est aussi – comme Benoît XVI l’écrit dans l’introduction – une «antichambre» pour les deux autres volumes. Un bref exposé de quelques 130 pages.

Une antichambre
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Une «antichambre» donc, qui culmine dans l’épilogue – dédié à Jésus de 12 ans, resté au Temple. Ce n’est pas une véritable conclusion, d’ailleurs, c’est plutôt une ouverture. Et entre autre, l’ouverture renvoie directement à la Mort et la Résurrection de Jésus. Parce que, note Ratzinger, lorsque Marie et Joseph se rendent compte de l’absence de Jésus après une journée de marche, de retour de Jérusalem, il leur faut un autre jour pour retourner dans la ville. Et encore un autre pour retrouver leur fils de douze ans disparu, en train d’enseigner dans le temple. «Ne dois-je pas m’occuper des affaires de mon père», dit Jésus. Et ces trois jours sont les trois jours qui s’écoulent de la Mort à la Résurrection de Jésus

La Route des Evangiles
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De ces similitudes, le livre en est rempli.
Ce n’est pas par hasard que Benoît XVI (mais il est plus correct de dire Joseph Ratzinger, puisque le Pape a voulu décrocher son ouvrage sur Jésus du Magistère pontifical) a décidé de suivre la route des Évangiles de Matthieu et de Luc. Trop bref, Marc, trop théologique, Jean. Et aussi parce qu’à la fois Matthieu et Luc se soucient de donner un fondement théologique à ce qu’ils disent, à commencer par la généalogie de Jésus, qui marque dans chacun des évangiles, même si elle est située à des endroits différents, le début de l’enseignement de Jésus .

Les événements
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Jésus, au fond, est une personne de chair et de sang qui habite dans l’histoire et vient dans une période définie. Et le but des évangélistes n’est pas – écrit Ratzinger – de «raconter des histoires», mais «d’écrire l’histoire, la vraie histoire qui s’est réellement passée», bien qu’interprétée et comprise dans le contexte de la parole de Dieu. Et parmi les sources de Luc, il y a très probablement Marie. Si non, pourquoi – s’il n’avait pas entendu parler Marie elle-même – Luc aurait-il pu écrire que «Marie gardait toutes ces choses dans son coeur»?.

Quatre chapitres
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Le livre se compose de quatre courts chapitres et d’un épilogue. Il commence par une réflexion sur l’origine de Jésus, à partir de la question inattendue que fait Pilate à Jésus quand il lui demande: «D’où viens-tu?». Il analyse ensuite les passages saillants de l’Evangile. Il compare l’Annonciation de la naissance de Jean-Baptiste – à Zacharie dans le temple, devant un sacrifice, dans un environnement où tout rappelle «l’Ancienne Alliance» – à celle de la naissance de Jésus – à Marie, dans une ambiance humble, où Marie ne s’effraie pas et dit seulement son ‘oui’; il s’arrête sur la naissance de Jésus à Bethléem et le sens de la présentation de Jésus au temple, consacre un chapitre aux «sages de l’Orient» et la fuite en Égypte, et conclut avec un épilogue, dans lequel il raconte Jésus à douze ans dans le Temple de Jérusalem.

Joseph, le sage
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Il ya beaucoup de personnages dans les Évangiles de l’enfance. Et il serait peut-être intéressant de s’attarder principalement sur Joseph, décrit comme un homme sage et capable de comprendre le mystère. Mais par-dessus tout, un homme qui sait aller au-delà du légalisme externe, cette façon d’être un peu pharisien, un peu hypocrites qui caractérisait la religion de l’époque, et que Ratzinger dénonce dans le second volume de Jésus de Nazareth. Ainsi, quand il découvre que Marie est enceinte, il pense à la façon d’appliquer la loi. La répudier publiquement, l’abandonnant à la risée publique? Ou la répudier en secrt? Il choisit cette dernière option. «Il vit sa vie comme l’Évangile. Il cherche la voie qui harmonise l’amour et la loi».

Un travail systématique
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C’est la route qu’a toujours cherchée Benoît XVI au cours de son pontificat.
Lequel, avec ce volume, conclut son ouvrage sur Jésus, l’un des rares ouvrages systématiques de Benoît XVI, dont les livres étaient souvent des recueils d’articles et d’essais sur la théologie. Et, au fond, la conclusion de son oeuvre ne pouvait pas être autre. Parce qu’il y a des paroles dans l’Ancien Testament – Ratzinger l’écrit dans ce livre – qui apparaissent encore «errantes». On peut les relier à tel ou tel personnage. Mais le véritable propriétaire du texte nous fait attendre. Et c’est seulement quand le propriétaire apparaît que le passage prend tout son sens. Nous parlons de la Bible, un texte inspiré par Dieu. Il est logique que le propriétaire véritable du texte soit Dieu. Logique qu’à partir du moment où Jésus-Christ apparaît dans l’histoire, toutes les Ecritures peuvent être lues d’une manière nouvelle.

 

Le nouveau livre de Benoît XVI sur la naissance de Jésus
http://vaticaninsider.lastampa.it
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Les récits de l’enfance de Jésus, contenus dans les premiers chapitres des Evangiles de Matthieu et de Luc, ne sont pas des légendes ou des reconstitutions fantaisistes. Et ils ne sont pas non plus un «midrash», c’est-à-dire une interprétation de l’Écriture à travers des récits typiques de la littérature hébraïque. Ils sont «histoire, histoire réelle, qui a eu lieu, sans doute histoire interprétée et comprise selon la Parole de Dieu».
Benoît XVI l’écrit dans son livre «L’enfance de Jésus» (p. 174 de l’édition en italien), le troisième volume de Ratzinger dédié au Nazaréen. Le Pape redevient théologien et exégète, et complète avec la partie consacrée à la venue au monde du Christ le travail qu’il avait l’intention d’écrire depuis de nombreuses années et qu’il a écrit malgré que le conclave qui s’est réuni après la mort de Jean-Paul II l’ait élu

Les sources de Luc et de Matthieu
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D’où «Matthieu et Luc connaissent-ils l’histoire qu’ils racontent?» se demande Ratzinger.
Le Pape rappelle que «chez Luc il semble y avoir à la base un texte hébreu».
Et à la question, il répond: il s’agit clairement de tradition familiale. Luc «se réfère parfois au fait que Marie elle-même était une de ses sources», quand il écrit: «Sa mère gardait toutes ces choses dans son coeur». «Elle seule – observe Ratzinger – pouvait rapporter l’événement de l’Annonciation». Le Pape reconnaît que l’exégèse «critique» moderne considère comme «naïves» des références de ce type, mais il se demande: «Pourquoi Luc aurait-il inventé l’affirmation sur le fait que Marie a gardé les mots et les événements dans son cœur, s’il n’y avait aucune référence concrète?». Il explique que l’apparition tardive «en particulier des traditions mariales trouve son explication dans la discrétion» de la Vierge: tant qu’elle était en vie, «elles ne pouvaient pas devenir tradition publique».

Marie, «femme courageuse»
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«Son règne n’aura pas de fin», dit l’ange Gabriel à Marie, en se référant à son Fils. Certes, commente Benoît XVI, «la parole que Jésus dit à Pilate reste encore vraie : « Mon royaume n’est pas d’ici-bas »… Parfois, dans le cours de l’histoire, les puissants de ce monde l’attirent à eux; mais à ce moment il est en danger: ils veulent lier leur pouvoir au pouvoir de Jésus et à cause de cela, ils déforment son royaume, ils le menacent».
En ce qui concerne la réaction de la Sainte-Vierge en face de l’annonce inouïe de l’ange – du trouble intérieur devant la Parole reçue – le Pape écrit: «Marie apparaît comme une femme courageuse, qui, même devant l’inouï, garde le contrôle sur elle-même. Dans le même temps, elle est présentée comme une femme de grande intériorité, qui joint le cœur et la raison et essaye de comprendre le contexte, l’ensemble du message de Dieu».

Joseph le Juste
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Décrivant la décision de Joseph, le fiancé de Marie, qui, après avoir appris qu’elle était enceinte décide de la répudier en secret, le Pape écrit: «Après la découverte que Joseph a faite, il s’agit pour lui d’interpréter et d’appliquer la loi de façon juste. Il le fait avec amour, il ne veux pas exposer publiquement Marie à l’ignominie. Il l’aime, même au temps de la grande déception. Il n’incarne pas cette forme de légalisme extériorisé … Il vit la loi comme évangile, il cherche la voie de l’unité entre la loi et l’amour. Et il est ainsi intérieurement préparé au message nouveau, inattendu et humainement incroyable, qui lui viendra de Dieu».

La naissance virginale. Mythe ou vérité?
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Benoît XVI montre qu’il ne croit pas du tout au parallélisme proposé par l’histoire des religions entre «la naissance virginale de Jésus», et les légendes mythologiques des unions entre divinités et humains. «On ne peut pas parler de véritable parallèle. Dans les récits des Evangiles, l’unicité de l’unique Dieu et la différence infinie entre Dieu et la créature restent entièrement conservées. Il n’y a aucune confusion, il n’ya pas de demi-dieu … Les récits de Matthieu et de Luc ne sont pas des mythes développés ultérieurement»; et quant à «leur contenu réel, il vient de la tradition familiale, c’est une tradition transmise qui conserve ce qui s’est passé». Donc, conclut Ratzinger, à la question de savoir si «ce que nous disons dans le Credo» est vrai, sur la naissance du Fils conçu par l’Esprit Saint et né de la Vierge Marie, «la réponse est oui sans réserve». Dans l’histoire de Jésus, il y a deux éléments dans lesquels l’agir de Dieu intervient directement dans le monde matériel, «la naissance de la Vierge et la résurrection». Deux éléments qui sont «un scandale pour l’esprit moderne».

Le recensement discuté
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Le Pape liquide en quelques paragraphes la question du recensement mentionné par Luc dans son évangile, et la controverse sur le moment où il s’est produit, puisque, sous le gouverneur Quirinius (cité par l’évangéliste), il en est question, mais en l’an 6 après JC, donc trop tard pour qu’il s’agisse de celui qui coïncide avec la naissance de Jésus. Ratzinger explique que le recensement se réalisait en deux étapes, «d’abord dans l’enregistrement de toute les propriété terriennes et immobilières puis – dans un second temps – dans la détermination de l’impôt à payer de fait». La première étape advint à l’époque de la naissance de Jésus, la seconde dans les années suivantes. «Les contenus essentiels des faits rapportés par Luc – écrit le Pape – sont, quoi qu’il en soit, historiquement crédibles: il décida – comme il est dit dans la préface de son Evangile – d’examiner «toutes les choses de près en toutes circonstances». Ceci, évidemment, avec les moyens à sa disposition. Il était encore bien plus près des sources d’information et des événements que ce à quoi nous, malgré toute l’érudition historique, pouvons prétendre».
C’est pourquoi il observe: «Jésus appartient à un temps exactement daté et à un environnement géographique précisément indiqué». Et «si nous nous en tenons aux sources, il est clair que Jésus est né à Bethléem et a grandi à Nazareth».

L’historicité de la grotte de Bethléem
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Le pape explique dans le livre que justement la transformation par les Romains de la grotte de Bethléem en un lieu de culte à Tammouz-Adonis «entendait évidemment effacer la mémoire cultuelle des chrétiens, ce qui confirme l’ancienneté du lieu de culte … Souvent, les traditions locales sont une source plus fiable que l’information écrite».

Jésus signe de contradiction
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Commentant l’épisode de la Présentation au Temple, Benoît XVI explique: «Nous savons tous combien le Christ aujourd’hui est un signe de contradiction qui, finalement, est dirigée contre Dieu lui-même. Encore et toujours, Dieu est considéré comme la limite de notre liberté, une limite à éliminer afin que l’homme puisse être complètement lui-même. Dieu, avec sa vérité, s’oppose aux mensonges multiples de l’homme, à son égoïsme et son orgueil. Dieu est amour. Mais l’amour peut aussi être haï, là où exige que l’on sorte de soi-même pour aller au-delà de soi-même».

Les Mages et leur inquiètude
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Décrivant la figure du «mage», et la diversité des significations que le mot avait, le Pape en souligne l’ambivalence: «La religiosité peut devenir un chemin vers la vraie connaissance, une chemin vers Jésus-Christ. Cependant, lorsque devant la présence du Christ, on ne s’ouvre pas à lui et que l’on va à l’encontre de l’unique Dieu et Sauveur, elle devient démoniaque et destructrice». Mais les «mages» dont parle Matthieu, «n’étaient pas seulement des astronomes», ils étaient des «sages», ils représentaient la dynamique «de l’aller au-delà de soi-même, intrinsèque aux religions – une dynamique qui est recherche de la vérité».

Jésus né, c’est la fin de l’astrologie
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Quant à l’étoile qui guida les mages dans le récit de Matthieu, Benoît XVI rappelle qu’«à cheval entres les ans 7 et 6 avant JC – qui est aujourd’hui considérée comme l’année probable de la naissance de Jésus – il y a eu une conjonction des planètes Jupiter, Saturne et Mars». A cela s’était ajoutée, selon le grand astronome Johannes Kepler une supernova (ndt: ensemble des phénomènes conséquents à l’explosion d’une étoile, qui s’accompagne d’une augmentation brève mais fantastiquement grande de sa luminosité), dont il semble y avoir une trace «dans des tables chronologiques chinoises» relatives à l’an 4 avant J.-C.
Citant Grégoire de Nazianze, le Pape écrit qu’ «au moment où les Mages se prosternèrent devant Jésus, survint la fin de l’astrologie, parce que dès lors, les étoiles allaient tourner dans l’orbite déterminée par le Christ». Une démystification, «un tournant anthropologique» parce que, dit Ratzinger, «l’homme assumé par Dieu – comme il se montre ici dans son Fils unique – est plus grand que tous les pouvoirs du monde matériel et vaut plus que tout l’univers».

Le Massacre des Innocents
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Il est vrai, dit Benoît XVI, que «de sources non bibliques, nous ne savons rien au sujet de cet événement, mais compte tenu de toutes les cruautés dont Hérode s’était rendu coupable, cela ne prouve pas que ce crime ne se soit pas produit». Le Pape partage l’opinion de l’auteur juif Abraham Shalit: « Le despote soupçonneux percevait partout trahisons et hostilité, et une voix vague arrivée à son oreille, aurait facilement pu suggérer à son esprit malade l’idée de tuer les enfants qui venaient de naître». En somme, même si l’histoire des Mages et du Massacre des Innocents «pourrait être une création de Matthieu», comme le pensent certains exégètes contemporains, Ratzinger se dit convaincu qu’«il s’agit d’événements historiques, dont la signification a été théologiquement interprétée par la communauté judéo-chrétienne et par Matthieu». Et «contester par simple soupçon l’historicité de ces récits va au-delà de toutes les compétences imaginables des historiens. »

Liberté dans la famille
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Enfin, le Pape s’arrête sur l’épisode, raconté seulement par Luc, de Jésus à douze ans, retrouvé dans le Temple de Jérusalem par ses parents qui l’avaient perdu de vue pendant le voyage de retour du pèlerinage de Pâques. Marie et Joseph se sont aperçus de son absence après une journée de voyage. «Selon notre imagination, peut-être trop étroite, de la Sainte Famille, ce fait surprend. Il montre, cependant, de façon très belle que dans la Sainte Famille la liberté et l’obéissance se conjuguaient bien ensemble. L’enfant de douze ans a été laissé libre de décider d’aller avec ses amis et les jeunes de son âge, et de rester avec eux le long du trajet ».
Aux parents inquiets, à Marie, qui le gronde, Jésus, retrouvé en train d’enseigner aux docteurs du Temple répond – explique Benoît XVI -: «Je me trouve là où est ma place – avec mon Père, dans sa maison … Ce n’est pas Joseph, mon père, mais un Autre – Dieu lui-même. A Lui j’appartiens, avec Lui je suis. La filiation divine de Jésus peut-elle être exprimée plus clairement? »

Des paroles à ne pas réduire
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Enfin, Ratzinger rappelle que «toujours de nouveau, les paroles de Jésus sont plus grandes que notre raison. Toujours de nouveau, elles dépassent notre intelligence. La tentation est de les réduire, de les manipuler pour les faire entrer dans notre mesure, c’est compréhensible. L’humilité de respecter cette grandeur qui, par ses exigences, nous dépasse, fait partie de l’exégèse correcte.