Jean-Paul II est mort au début de la «fête de la Miséricorde», 2° dimanche de Pâques, une fête qu’il a lui-même instituée. Six ans plus tard, il a été béatifié le jour de cette même fête. Quel est le sens de cette fête ? Pourquoi le pape François fait-il de l’année 2016 un Jubilé extraordinaire de la Miséricorde ?
1. De 1965 à 1967, à Cracovie s’est déroulé le procès diocésain sur la vie et les vertus de sœur Faustine. L’évêque n’était autre que Mgr Karol Wojtyla.
Rappel de la vie et du message de sainte Faustine Kowalska (1905-1938)
Sœur Marie Faustine, apôtre de la Miséricorde Divine, compte aujourd’hui parmi les Saints les plus célèbres de l’Église. Par son intermédiaire, le Seigneur Jésus transmet au monde entier Son grand message de la Miséricorde Divine et montre un modèle de perfection chrétienne fondée sur la confiance en Dieu et sur une attitude miséricordieuse envers le prochain.
Elle est née le 25 août 1905, troisième des dix enfants de Marianna et Stanislaw Kowalski, agriculteurs dans le village de Glogowiec. Au baptême, dans l’église paroissiale de Warckie, elle a reçu le prénom d’Hélène. Depuis son enfance, elle se distingua par l’amour de la prière, l’assiduité, l’obéissance et par une grande sensibilité à la misère des hommes. À neuf ans, elle a fait sa Première Communion qu’elle a profondément vécue, consciente de la présence de l’Hôte Divin dans son âme. Elle a fréquenté l’école pendant moins de trois ans. Adolescente, elle a quitté la maison familiale pour gagner sa vie et pour aider ses parents comme servante dans des familles aisées à Aleksandrów, Lódï et Ostrówek.
Elle a senti la vocation dans son âme dès l’âge de sept ans, mais ses parents n’étant pas d’accord, elle a essayé d’étouffer cette voix intérieure. Cependant, exhortée par la vision du Christ souffrant, elle est partie pour Varsovie où, le 1er août 1925, elle a rejoint la Congrégation des Sœurs de Notre Dame de la Miséricorde. Devenue Sœur Marie Faustine, elle a passé au couvent treize ans, en remplissant les fonctions de cuisinière, de jardinière et de Sœur portière dans plusieurs maisons de la Congrégation, le plus souvent à Plock, Wilno et Cracovie.
Rien ne trahissait à l’extérieur sa vie mystique d’une extrême richesse. C’est avec zèle qu’elle remplissait toutes ses tâches, elle observait fidèlement les règles, recueillie et silencieuse, mais en même temps naturelle, pleine d’un amour bienveillant et désintéressé. Sa vie, très ordinaire, monotone et grise en apparence, cachait la profondeur extraordinaire de l’union à Dieu.
Sa spiritualité reposait sur la Miséricorde Divine à laquelle elle réfléchissait et qu’elle contemplait dans la parole de Dieu et dans l’aspect quotidien de sa vie. La connaissance et la contemplation du mystère de la Miséricorde Divine développaient chez elle une attitude de confiance d’enfant face à Dieu et de miséricorde envers les autres.
Les années passées au couvent abondaient en grâces extraordinaires : révélations, visions, stigmates cachés, participation à la Passion du Seigneur, don de bilocation, de pénétrer le cœur des autres, de la prophétie, ou bien le don rarissime de fiançailles et d’épousailles mystiques. Le vif contact avec Dieu, Notre Dame, les anges, les saints, les âmes au purgatoire – tout cet univers surnaturel – lui apparaissait comme étant non moins réel et vrai que celui qu’elle percevait par ses sens. Malgré cette abondance de grâces extraordinaires accordées, elle savait que celles-ci ne décidaient pas de l’essence de la sainteté. Ce ne sont ni les grâces, ni les apparitions, ni les ravissements, ni aucun don accordé qui la rendent parfaite, mais l’union intérieure de mon âme avec Dieu. Ces dons ne sont que des ornements de l’âme, mais ils ne constituent ni le contenu, ni la perfection. Ma sainteté et ma perfection consistent en une étroite union de ma volonté avec celle de Dieu (P.J. 1107).
Sœur Marie Faustine a été élue par le Seigneur Jésus secrétaire et apôtre de Sa Miséricorde pour transmettre au monde entier son grand message. Dans l’ancien Testament, lui dit-Il, j’ai envoyé à mon peuple des prophètes et avec eux la foudre. Aujourd’hui, je t’envoie vers toute l’humanité avec ma miséricorde. Je ne veux pas punir l’humanité endolorie, mais je désire la guérir en l’étreignant sur mon cœur miséricordieux (P.J. 1588).
La mission de Sœur Marie Faustine consistait en trois tâches.
1. Il s’agissait tout d’abord de rendre proche et annoncer au monde entier la vérité révélée dans les Écritures Saintes sur l’amour miséricordieux de Dieu envers tout homme,
2. La deuxième était d’implorer la Miséricorde Divine pour le monde entier, en particulier pour les pécheurs, notamment par la pratique des formes nouvelles, annoncées par le Seigneur Jésus, du culte de la Miséricorde Divine, qui sont les suivantes : le tableau du Christ avec l’inscription Jésus, j’ai confiance en Toi ! , la Fête de la Miséricorde Divine le premier dimanche après Pâques, le Chapelet à la Miséricorde Divine et la prière à l’Heure de la Miséricorde Divine (15 h). Le Seigneur Jésus liait à ces formes du culte, ainsi qu’à la propagation de la dévotion à la Miséricorde, de grandes promesses à condition de se fier à Dieu et de pratiquer un amour actif envers le prochain,
3. La troisième tâche que comportait la mission de Sœur Marie Faustine consistait à inspirer le mouvement apostolique de la Miséricorde qui est chargé de propager et d’obtenir par la prière la Miséricorde Divine pour le monde et qui tend à la perfection sur le chemin montré par la Bienheureuse Sœur Faustine. Ce chemin est celui d’une confiance d’enfant en Dieu, laquelle s’exprime dans l’accomplissement de Sa volonté et dans une attitude de miséricorde envers les autres. À l’heure actuelle, ce mouvement au sein de l’Église concerne des millions de personnes à travers le monde, à savoir des congrégations, des instituts laïques, des prêtres, des confréries, des associations, différentes communautés d’apôtres de la Miséricorde Divine et des particuliers qui se chargent, à titre individuel, des tâches transmises par le Seigneur Jésus par l’intermédiaire de Sœur Marie Faustine.
Le message de Sœur Faustine a été noté dans son Petit Journal qu’elle a rédigé par la volonté du Seigneur Jésus et de ses confesseurs. Elle y a fidèlement noté tous les souhaits de Jésus, de même qu’elle a décrit l’union intime de son âme avec Dieu. Secrétaire de mon plus profond mystère, disait le Seigneur Jésus à Sœur Faustine, ton devoir est d’écrire tout ce que je te fais connaître à propos de ma miséricorde au profit des âmes qui en lisant ces écrits seront consolées et auront le courage de s’approcher de moi (P.J. 1693).
Ravagée par la maladie et par de nombreuses souffrances qu’elle a supportées en tant que sacrifice bénévole pour les pécheurs, entièrement épanouie spirituellement et unie à Dieu, Sœur Marie Faustine est morte à Cracovie le 5 octobre 1938, âgée à peine de 33 ans.
La gloire de la sainteté de sa vie a crû rapidement avec la propagation de la dévotion pour la Miséricorde Divine et au fur et à mesure des grâces obtenues par son intercession. De 1965 à 1967, à Cracovie s’est déroulé le procès diocésain sur sa vie et ses vertus et en 1968, à Rome, a été ouvert le procès de béatification, clos en décembre 1992. Le 18 avril 1993, sur la Place Saint-Pierre de Rome, le Saint-Père Jean Paul II a procédé à l’acte de sa béatification. Ses reliques reposent au sanctuaire de la Miséricorde Divine de Cracovie-Lagiewniki.
2. En 1980, Jean-Paul II publie l’encyclique «Dieu riche en Miséricorde»
Les premières années de son pontificat, JP II va publier trois encycliques majeures sur le Fils (1979 : le Rédempteur de l’homme), le Père (1980 : Dieu riche en miséricorde) et l’Esprit (1986 : Seigneur et donateur de vie). On retrouve dès cette époque l’ossature qui marquera les trois années préparatoires au Jubilé de l’an 2000.
Or, on peut dire sans se tromper, que la lettre sur le Père «riche en miséricorde» est sous-tendue par la révélation faite par Jésus à sœur Faustine. Voici un extrait de la conclusion de la lettre :
À aucun moment ni en aucune période de l’histoire – surtout à une époque aussi critique que la nôtre -, l’Église ne peut oublier la prière qui est un cri d’appel à la miséricorde de Dieu face aux multiples formes de mal qui pèsent sur l’humanité et la menacent. Tel est le droit et le devoir fondamental de l’Église, dans le Christ Jésus : c’est le droit et le devoir de l’Église envers Dieu et envers les hommes. Plus la conscience humaine, succombant à la sécularisation, oublie la signification même du mot de « miséricorde » ; plus, en s’éloignant de Dieu, elle s’éloigne du mystère de la miséricorde, plus aussi l’Église a le droit et le devoir de faire appel au Dieu de la miséricorde « avec de grands cris ». Ces « grands cris » doivent caractériser l’Église de notre temps ; ils doivent être adressés à Dieu pour implorer sa miséricorde, dont l’Église professe et proclame que la manifestation certaine est advenue en Jésus crucifié et ressuscité, c’est-à-dire dans le mystère pascal. C’est ce mystère qui porte en soi la révélation la plus complète de la miséricorde, de l’amour plus fort que la mort, plus fort que le péché et que tout mal, de l’amour qui retient l’homme dans ses chutes les plus profondes et le libère des plus grandes menaces.
Il faut donc que tout ce que j’ai dit dans ce document sur la miséricorde se transforme en une ardente prière : qu’il se transforme continuellement en un cri qui implore la miséricorde selon les nécessités de l’homme dans le monde contemporain. Que ce cri soit lourd de toute cette vérité sur la miséricorde qui a trouvé une si riche expression dans l’Écriture Sainte et dans la Tradition, comme aussi dans l’authentique vie de foi de tant de générations du peuple de Dieu. Par un tel cri, comme les auteurs sacrés, faisons appel au Dieu qui ne peut mépriser rien de ce qu’il a créé (136), au Dieu qui est fidèle à lui-même, à sa paternité, à son amour ! Comme les prophètes, faisons appel à l’aspect maternel de cet amour qui, comme une mère, suit chacun de ses fils, chacune des brebis perdues ; et cela même s’il y avait des millions d’égarés, même si dans le monde l’iniquité prévalait sur l’honnêteté, même si l’humanité contemporaine méritait pour ses péchés un nouveau « déluge », comme le mérita jadis la génération de Noé ! Ayons recours à l’amour paternel que le Christ nous a révélé par sa mission messianique, et qui a atteint son sommet dans sa croix, sa mort et sa résurrection ! Ayons recours à Dieu par le Christ, nous souvenant des paroles du Magnificat de Marie, proclamant la miséricorde « de génération en génération » ! Implorons la miséricorde divine pour la génération contemporaine ! Que l’Église, qui cherche à l’exemple de Marie à être en Dieu la mère des hommes, exprime en cette prière sa sollicitude maternelle, et aussi son amour confiant, dont naît la plus ardente nécessité de la prière !
Si vous lisez ou relisez la lettre de Jean-Paul II, elle est bien de sa main, c’est bien son style, il n’y a aucune citation du Petit Journal, le nom de sœur Faustine n’y paraît pas, et pourtant, on ne peut s’empêcher de voir le lien. il est évident.
3. Le 30 avril 2000, Sr Faustine est la première sainte canonisée du Jubilé.
Dans son homélie, JP II affirme :
« Aujourd’hui, ma joie est véritablement grande de proposer à toute l’Église, qui est presque un don de Dieu pour notre temps, la vie et le témoignage de Sœur Faustine Kowalska.
Que nous apporteront les années qui s’ouvrent à nous ? Quel sera l’avenir de l’homme sur la terre ? Nous ne pouvons pas le savoir. Il est toutefois certain qu’à côté de nouveaux progrès ne manqueront pas, malheureusement, les expériences douloureuses. Mais la lumière de la miséricorde divine, que le Seigneur a presque voulu remettre au monde à travers le charisme de Sœur Faustine, illuminera le chemin des hommes du troisième millénaire.
La canonisation de Sœur Faustine revêt une éloquence particulière : à travers cet acte, j’entends transmettre aujourd’hui ce message au nouveau millénaire. Je le transmets à tous les hommes afin qu’ils apprennent à connaître toujours mieux le véritable visage de Dieu et le véritable visage de leurs frères.
Ce message réconfortant s’adresse en particulier à celui qui, touché par une épreuve particulièrement dure ou écrasé par le poids des péchés commis, a perdu toute confiance dans la vie et est tenté de céder au désespoir. C’est à lui que se présente le visage doux du Christ, c’est sur lui qu’arrivent ces rayons qui partent de son cœur et qui illuminent, réchauffent, indiquent le chemin et diffusent l’espérance. Combien d’âmes a déjà réconforté l’invocation : « Jésus, j’ai confiance en Toi », que la Providence a suggérée à Sœur Faustine ! Cet acte simple d’abandon à Jésus dissipe les nuages les plus épais et fait pénétrer un rayon de lumière dans la vie de chacun.»
Comme nous sommes loin des foudres du Dieu Jupiter et vengeur des fausses révélations privées!
La fête de la divine miséricordeest dès lors intégrée dans le missel romain au calendrier officiel de l’Eglise, de sorte qu’elle soit célébrée la première fois en 2001.
Dans son homélie lors du premier dimanche de la divine miséricorde en 2001, Jean-Paul II dira de sœur Faustine : « Le message dont elle a été la détentrice constitue la réponse adéquate et incisive que Dieu a voulu offrir aux hommes de notre temps, marqué par d’immenses tragédies. Jésus dit un jour à sœur Faustine : « L’humanité ne trouvera pas la paix, tant qu’elle ne s’adressera pas avec confiance à la Miséricorde divine ». La Miséricorde divine ! Voilà le don pascal que l’Église reçoit du Christ ressuscité et qu’il offre à l’humanité, à l’aube du troisième millénaire. »
4. Le samedi 17 août 2002, lors de son dernier voyage en Pologne, Jean-Paul II dédicace le sanctuaire, et confie le monde à la miséricorde divine.
Dans son homélie, JP II affirme :
« Je prie afin que cette église soit toujours un lieu d’annonce du message de l’amour miséricordieux de Dieu ; un lieu de conversion et de pénitence ; un lieu de célébration de l’Eucharistie, source de la miséricorde ; un lieu de prière et d’imploration assidue de la miséricorde pour nous et pour le monde.
Aujourd’hui, dans ce sanctuaire, je veux confier solennellement le monde à la Divine Miséricorde. Je le fais avec le désir que le message de l’amour miséricordieux de Dieu, proclamé ici à travers sainte Faustine, atteigne tous les habitants de la terre et remplisse leur cœur d’espérance. Que ce message se diffuse de ce lieu dans toute notre Patrie bien-aimée et dans le monde. Que s’accomplisse la promesse solide du Seigneur Jésus ; c’est d’ici que doit jaillir « l’étincelle qui préparera le monde à sa venue ultime » (cf. Journal, 1732 – éd. it. p. 568). Il faut allumer cette étincelle de la grâce de Dieu. Il faut transmettre au monde ce feu de la miséricorde.
Dans la miséricorde de Dieu, le monde trouvera la paix, et l’homme trouvera le bonheur ! Je confie ce devoir, très chers frères et sœurs, à l’Église qui est à Cracovie et en Pologne, et à tous les fidèles de la Divine Miséricorde, qui viendront ici de Pologne et du monde entier. Soyez des témoins de la Miséricorde ! »
Quel souffle ! Encore une fois, nous sommes à cent lieues de ce breuvage insipide et frelaté que nous offrent les fausses révélations privées qui circulent parmi nous.
Voici donc un bon exemple d’intégration d’une révélation privée à la vie de l’Église. Jean-Paul II en a été l’artisan principal, et le Seigneur a permis qu’il fasse son passage vers lui aux premières heures du dimanche de la divine miséricorde. Petit clin d’oeil ?
Qui n’est pas le seul, puisque Benoît XVI a voulu que la béatification de Jean-Paul II ait lieu le dimanche 1er mai 2011, jour de la fête de la divine Miséricorde…
5. Le Pape François fait de l’année 2016 un Jubilé de la Miséricorde
J’ai voulu ce Jubilé Extraordinaire de la Miséricorde, comme un temps favorable pour l’Église, afin que le témoignage rendu par les croyants soit plus fort et plus efficace.
[…] Qu’à tous, croyants ou loin de la foi, puisse parvenir le baume de la miséricorde comme signe du Règne de Dieu déjà présent au milieu de nous. (M. V. n° 3 & 5).