Écouter l’homélie du dimanche 19 août 2018, 20° dimanche, année B.
Qui a dit que l’Église avait inventé la transsubstantiation ?
Il faut regarder de très près le texte du chapitre 6 de Saint Jean. On constate alors qu’il est composé de façon spécifique pour contrer toute conception docète de la foi en l’eucharistie. Jean met dans la bouche de Jésus ce verbe : « celui que MÂCHE a chair… celui qui CROQUE ma chair… »
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QU’EST-CE QUE LE « DOCÉTISME » ?
Dans l’Apocalypse, Jean combat les Nicolaïtes. Parmi eux, un personnage est connu par son nom. Il s’appelait Cérinthe et il vivait à Éphèse. C’est contre lui, selon Irénée, que Jean a écrit ses épîtres et son évangile : “ Jean, le disciple du Seigneur, voulait, par l’annonce de l’Évangile, extirper l’erreur semée parmi les hommes par Cérinthe et, bien avant lui, par ceux qu’on appelle les Nicolaïtes ” (Contre les hérésies, III,11,1). La doctrine de Cérinthe est décrite avec précision par le même Irénée (Contre les hérésies, I,26,1). Voulant évacuer le mystère d’un Dieu qui éprouve la souffrance, il avait imaginé que Jésus n’était qu’un homme ordinaire, sur lequel le Christ d’en-haut était descendu au moment de son baptême, avant de s’envoler de lui au moment de son procès. Ainsi, c’est l’homme Jésus qui avait souffert, mais le Christ lui-même n’avait souffert qu’en apparence. On nomme cette hérésie le “ docétisme ”, à partir d’un verbe grec qui signifie “ sembler, paraître ” (dokein).
Les conséquences de cette doctrine étaient désastreuses. Si le Christ d’en-haut n’a souffert qu’en apparence, il ne nous a pas aimés, et son Père non plus ne nous a pas aimés. Nous ne pouvons plus reconnaître que “ Dieu est amour ” (1 Jn 4,8). Il est inutile de pratiquer les œuvres de l’amour, de “ donner notre vie pour nos frères ” (1 Jn 3,16), plus inutile encore d’affronter le martyre. Cette doctrine sévissait encore un peu plus tard, vers 107, lorsque l’évêque Ignace d’Antioche, sous le règne de Trajan (98-117), était emmené à Rome pour y être livré aux bêtes. Il écrivait ceci : “ Si, comme le disent certains athées, c’est-à-dire des infidèles, il n’a souffert qu’en apparence, moi, pourquoi suis-je enchaîné ? Pourquoi donc souhaiter combattre contre les bêtes ? C’est donc pour rien que je me livre à la mort ! ” (Ignace, Aux Tralliens, X). Il écrivait encore : “ Considérez ceux qui ont une autre opinion sur la grâce de Jésus Christ qui est venue sur nous: comme ils sont opposés à la pensée de Dieu ! De la charité, ils n’ont aucun souci, ni de la veuve, ni de l’orphelin, ni de l’opprimé, ni des prisonniers ou des sortis de prison, ni de l’affamé ou de l’assoiffé ” (Ignace, Aux Smyrniotes, VI). C’est parce que Dieu nous a aimés que nous pouvons vivre dans l’amour.