Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis

La tentation proférée est vaincue

Les outrages et les moqueries au pied de la croix sont disposés par Luc en fonction d’une gradation descendante des personnages : les chefs (procès juif : le Christ, l’Élu) ; les soldats (procès romain : le roi des juifs) ; l’un des malfaiteurs. Dans les trois cas, le « Sauve-toi toi-même » est un écho à la tentation fondamentale au désert : « Si tu es Fils de Dieu ». C’est une ultime épreuve, le somment du « moment favorable » (4,13). C’est dire que toutes ces paroles ne sont pas lancées par hasard, elles sont inspirées d’en bas. Alors, renonçant à se sauver lui-même, Jésus va vaincre définitivement l’adversaire du salut, et va donner ce salut à tous les hommes, à commencer par le malfaiteur repentant.

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Le silence respectueux de Jésus

L’un des deux malfaiteurs qui agonisent aux côtés de Jésus, rempli d’hostilité, se met à l’injurier. Plutôt que de sympathiser avec quelqu’un qui souffre comme lui, il choisit de se liguer à ceux qui se moquent du « roi des Juifs » (Luc 23, 38). Devant cette attaque verbale, Jésus garde le silence. Il aurait pu lui tenir des propos culpabilisants. Ou encore, chercher à l’effrayer en lui parlant du jugement de Dieu. Rien de tout cela. Jésus ne fait aucune pression sur lui. Il respecte sa liberté jusqu’au bout.

Une parole de supplication confiante

Par ailleurs, l’autre condamné adopte une position diamétralement opposée. Tout en reconnaissant sa condition de malfaiteur, il commence à prendre la défense du Nazaréen. Après avoir clamé l’innocence de ce dernier, il se tourne vers lui et se met à le supplier : « Souviens-toi de moi lorsque tu viendras dans ton Royaume » (Luc 23, 42). Il implore ni plus ni moins la miséricorde par rapport à son passé. Évidemment, toute la question est de savoir si cet homme arrivé au terme de sa vie peut encore compter sur le pardon de Jésus. Il est sur le point de mourir ! N’est-il pas trop tard pour accueillir le don du salut ?

Une promesse inouïe

C’est alors que Jésus ouvre la bouche pour énoncer ce qui sera sa dernière parole, dans l’Évangile de Luc, adressée dans cette vie à un humain : « Amen, je te le déclare : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis. » (Luc 23, 43) La réponse de Jésus est très touchante. Saint Ambroise commente ce passage en écrivant : « Plus abondante est la grâce accordée que la demande qui avait été faite. » En effet, Jésus ne se bornera pas à se souvenir de lui, mais lui promet le salut. Il lui annonce qu’il vivra en communion avec lui dans le bonheur de la vie éternelle, le salut prend place en sa vie, aujourd’hui.

Médecin des pécheurs et Berger des égarés

Par ailleurs cette parole permet de voir que Jésus a continué à accomplir sa mission jusqu’à son dernier souffle. Même à l’heure de son agonie sur la croix, il a continué à être témoin de la miséricorde et à réconcilier les pécheurs avec Dieu. Dans ses derniers moments, alors que la souffrance l’accablait, Jésus aurait pu se replier sur lui-même. Ou, de manière plus noble, il aurait pu être complètement accaparé par sa relation au Père. Il aurait pu dire au malfaiteur : « Excuse-moi, mais tu me déranges : je me prépare à mourir en priant mon Dieu. » Non ! Ses derniers moments, ses dernières forces, il les donne à quelqu’un d’autre… à un malfaiteur de surcroît !

Modèle de compassion et d’oblation

Jésus se situe pleinement dans la dynamique de l’agapè. Même si Luc n’emploie pas le terme ici, c’est bien ce dont il s’agit. L’agapè se définit par un engagement de soi en vue du bien-être de l’autre. Elle implique une dimension de service et de don de sa propre personne. Il s’agit d’un amour oblatif. Voilà ce que Jésus s’applique à pratiquer jusqu’à l’extrême limite de ses forces.

L’examen des dernières paroles de Jésus nous permet de conclure qu’elles sont empreintes de la compassion et de la miséricorde qui avaient marqué tout son ministère. Jusqu’à la fin, il s’est fait le médecin des pécheurs (Luc 5, 31) et le berger des égarés (Luc 15, 4).

Voilà le Roi de l’Univers que nous célébrons en ce jour.