Barnabé, l’homme de confiance

(5° Dim. Pâques B — Ac 9, 26-31) Je voudrais illustrer la fructification de la vigne, dont Jésus nous parle dans l’Évangile, en prenant trois exemples issus du passage du livre des Actes, qui nous montre Paul dans ses débuts très difficiles, juste après sa conversion. Avec deux autres figures mises sur sa route et qui sont vraiment des serviteurs de Dieu. D’abord Ananie, qui reçoit une mission à haut risque : aller vers Saül pour le guérir de sa cécité, appeler sur lui la force de l’Esprit Saint, et le baptiser pour l’agréger au corps du Christ. Mais aussi Barnabé, qui va prendre soin de lui et devenir son parrain pour l’introduire dans sa mission, même s’il se séparera de lui après une collaboration d’une douzaine d’années.Trois hommes pour un même fruit...

La première grande crise de Paul

Saül, comme on l’a entendu, essayait de se joindre aux disciples, mais tous en avaient peur, ne croyant pas qu’il fut vraiment disciple (Ac 9, 26). Saül essaie de s’intégrer à la communauté de Jérusalem. En vain. Les disciples le soupçonnent d’être un espion et le bruit court qu’il s’est infiltré dans les rangs de la communauté. Tous l’évitent, refusent de le saluer et le laissent seul.

La communauté chrétienne le rejette et la synagogue ne peut pas le reprendre puisqu’il a reçu le baptême chrétien. La sainte Église de Dieu refuse son visa d’entrée sur son territoire ; il vit donc dans la solitude la plus incompréhensible. Luc décrit terriblement la situation : Tous en avaient peur.

Telle est donc la première grande crise de Saül qui s’interroge : « Voilà donc les chrétiens ? Et où est l’amour de leur Maître ? Cela vaut-il la peine d’en faire partie ? Ne ferais-je pas mieux d’aller de mon côté ? » Son seul soutien est l’éclat resplendissant de cette lumière intense sur le chemin de Damas, qui lui donne la motivation suffisante pour continuer la route, malgré les portes qui se ferment et les chemins qui se rétrécissent.

Il commence à peine sa lune de miel à Damas qu’il doit passer par le douloureux feu purificateur, dont les flammes épurent les motivations. Il fait ainsi l’expérience de la pauvreté la plus radicale, car ses certitudes humaines s’effondrent et ses rêves s’évanouissent.

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Barnabé, l’homme du réconfort

On nous dit au chapitre 4 (36) des Actes que le nom Barnabé est en fait un surnom donné par les Apôtres, qui signifie « homme du réconfort ». Cette petite notice de Luc prend tout son sens lorsqu’on lit le chapitre 9. Barnabé est le premier et le seul qui croit à l’authenticité de Saül. Barnabé le prend avec lui, l’amène aux apôtres et leur raconte comment, sur le chemin, Saül avait vu le Seigneur qui lui avait parlé, et avec quelle assurance il prêchait à Damas au nom de Jésus (Ac 9, 27).

Deux évidences que Barnabé présente comme critères indubitables de vérité. D’abord, le Seigneur Jésus lui est réellement apparu sur la route de Damas. Ce n’était pas un mirage dû à la chaleur du désert. Ensuite, l’ancien persécuteur a déjà commencé à prêcher, risquant jusqu’à sa propre vie. Il conclut donc qu’il ne s’agit pas d’une duperie ni d’une stratégie de traître. Celui qui a risqué sa vie a largement éprouvé la valeur pour laquelle il est prêt à mourir.

Les Actes ne disent pas si Barnabé réussit à convaincre l’assemblée. Il semblerait que non. Luc est plein de sous-entendus lorsqu’il écrit : ils le firent partir pour Tarse (cf. Ac 9, 30), laissant entendre que Saül n’a pas le choix. Saül est rejeté par le corps du Christ, et ce rejet est avalisé par les autorités de Jérusalem. Personne d’autre que lui ne peut mieux exprimer cette tragédie lorsqu’il reconnaît tristement :« je suis un avorton »qui ne peut rester dans ce corps et est donc privé de la protection et de la communion des autres (cf. 1 Co 15, 8-9).

Barnabé, le parrain de Paul

Un peu plus tard, lorsque l’Évangile a dépassé les frontières étroites de la Judée, la Parole a gagné la Phénicie, Chypre et Antioche. Mais la Bonne Nouvelle n’était proclamée qu’aux juifs, jusqu’à ce que quelques Chypriotes et Cyrénéens franchissent les barrières raciales et annoncent Jésus aux païens également, qui reçurent cette Bonne Nouvelle avec joie ; nombreux furent ceux qui embrassèrent la foi (cf. Ac 11, 19-21).

Lorsque l’Eglise-mère de Jérusalem apprend ce grand pas prophétique, elle cherche une personnalité qui puisse servir d’interface sans trahir le message évangélique. Elle choisit Joseph Barnabé, lévite originaire de Chypre. Et lui part immédiatement chercher Saül à Tarse. L’ayant trouvé, il l’amena à Antioche. Toute une année durant ils vivent ensemble (Ac 11, 25-26). Saül passe un an à l’école de Barnabé qui le pousse, l’encourage et le corrige, afin que sa prédication ne manifeste pas seulement la vérité, mais qu’elle soit aussi capable de convertir.

Peu de temps après l’Esprit choisit ces deux grands amis pour une course de fond : Tandis qu’ils célébraient le culte du Seigneur et jeûnaient, l’Esprit Saint dit : « Mettez-moi donc à part Barnabé et Saül en vue de l’œuvre à laquelle je les ai appelés » (Ac 13, 2). Le chef d’équipe, c’est Barnabé, dont l’expérience, la maturité et la prudence sont une garantie. A ses côtés marche un jeune, plein de fougue et de joie, dynamite capable de bâtir ou de détruire l’œuvre entière. Deux personnalités très différentes associées pour un seul et unique objectif : faire connaître, aimer et suivre Jésus de Nazareth, qui les a choisis, Paul et Barnabé, sans oublier Ananie.

C’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure.