Dans la détresse, la confiance

Les réflexions de Jérémie et celles de Jésus se rejoignent sur le fait que le témoignage entraîne la persécution.

Le risque est le prix de la liberté

Il faut regarder les versets qui précèdent le passage d’évangile d’aujourd’hui : « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups… Méfiez-vous des hommes : ils vous livreront aux tribunaux et vous flagelleront dans leurs synagogues. Vous serez conduits devant des gouverneurs à cause de moi… Vous serez détestés de tous à cause de mon nom. »

Et c’est ici que commence notre texte d’aujourd’hui. Jésus poursuit en disant : « Ne les craignez pas… ». Jésus invite les disciples à avoir l’audace de témoigner quand même. Son argument pour les encourager, c’est : la Vérité est irrésistible. Rien n’arrêtera la Révélation. « Rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière ; ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits. » Ne vous censurez pas, soyez libres de parler.

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La persécution est le régime normal de la vie chrétienne

Quand Matthieu écrit son évangile, la persécution des chrétiens par les Juifs est une réalité. (Et pour rester à Jérusalem, on peut souligner en 2023 l’augmentation des violences contre les chrétiens1). En disant « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps », Jésus envisage les périls corporels bien réels auxquels s’exposent les disciples. Ils risquent effectivement la mort : « Le frère livrera son frère à la mort, et le père, son enfant ; les enfants se dresseront contre leurs parents et les feront mettre à mort » (Mt 10,21).

Mais Jésus poursuit : « Craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la Géhenne l’âme aussi bien que le corps ». C’est-à-dire le Tentateur qui vous poussera à la désertion. Car le mot « périr » désigne le danger de la mort spirituelle, la rupture avec celui qui est le maître de notre destinée. Devant cette perspective de la persécution, Jésus invite à la confiance ; il nous rappelle que nous sommes sans cesse dans la main de Dieu (les moineaux et les cheveux !) et nous encourage : « Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. »

Le prophète dérange

Jérémie a été un très grand prophète, mais c’est seulement après sa mort qu’on s’en est aperçu. De son vivant, sa parole était trop dérangeante. De 627 à 587 avant J.C., pendant quarante années, il a vu se succéder plusieurs rois à Jérusalem : mais bien peu l’ont écouté. Que lui reprochait-on ? Simplement d’avoir le courage de dire la vérité. Et la vérité n’était pas brillante : du haut en bas de l’échelle sociale, les infidélités à l’Alliance se multipliaient dans tous les domaines. Il passe donc une bonne partie de sa vie à « prophétiser ». Sans succès.

En lisant le livre de Jérémie, on pense inévitablement à cette phrase du psaume 68/69 : « Le zèle de ta maison me dévorera » (que Saint Jean a citée bien plus tard à propos de Jésus). Rien ni personne n’a pu le détourner de sa mission. Il avait la conscience d’être en mission, envoyé. Il se savait trop petit pour la tâche, et il puisait ses forces en Dieu. « Je suis avec toi pour te délivrer », lui avait-il promis, au jour de sa vocation (Jr 1,19). Enfin, il s’abandonnait à Dieu, se déchargeait sur lui : « c’est à toi que j’ai remis ma cause ».


1 Une conférence universitaire s’est tenue vendredi 16 juin 2023 à Jérusalem, cherchant à expliquer les actes de violences en augmentation contre les chrétiens. Elle a failli être annulée, accusée d’antisémitisme. Son titre est évocateur, choquant même : « Pourquoi (certains) juifs crachent sur les goys ? » (non-juifs). Les origines historiques de la peur des chrétiens, qui encourage ces réflexes de haine, sont nourries par (1) les violences de l’antisémitisme, mais aussi par (2) la résilience du peuple juif dans son statut perpétuel de minorité dans l’histoire ; également par (3) le gouvernement d’extrême-droite qui laisse faire. https://www.la-croix.com/Religion/A-Jerusalem-difficulte-parler-violences-contre-chretiens-2023-06-20-1201272297