(4° D. CAR B — Jn 3, 14-21) Voici le second extrait de St Jean, sur notre chemin vers Pâques. Lors de la fête de la Croix glorieuse le 14 sept. ce même évangile est précédé du récit de l’épisode du serpent d’airain (Nb 21). Il s’agit bien de contempler le Fils de l’homme « élevé » sur la croix, et d’accueillir le don de l’Amour sauveur ainsi manifesté.
À partir d’une rencontre avec Nicodème
La première partie du dialogue entre Jésus et Nicodème1 (Jn 3, 2-10) permet à Jésus d’exprimer que la relation à Dieu relève moins de la connaissance que d’une renaissance. Il s’agit de vivre une naissance d’eau et d’Esprit pour entrer dans le Royaume de Dieu. La seconde partie de ce chapitre 3 qui nous est proposée aujourd’hui est un monologue à la 3° personne. Une sorte de discours de révélation, qui comprend une dimension intemporelle et n’est plus rattaché à la démarche de Nicodème. C’est une parole de révélation qui anticipe les événements à venir, en particulier la glorification de Jésus en croix.
Il faut que le fils de l’homme soit élevé
Jésus compare l’élévation du Fils de l’homme au serpent d’airain dressé au désert par Moïse (Nb 21, 4-9). Dans cet épisode les israélites malades qui regardent le serpent d’airain fixé sur une poutre sont guéris. Ce serpent est un signe et non un objet magique. Seul un regard de foi, de confiance en Dieu à travers Moïse, donne la guérison. Paul dira aussi : « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu » (2 Co 5, 21).
Ce récit est bien connu de Nicodème et ses contemporains. Par contre, le destin du Fils de l’homme élevé sur une poutre en bois n’a aucune signification pour eux puisque le Fils de l’homme est une figure divine de la fin des temps. Le lecteur de l’évangile, lui, peut y lire l’annonce de la mort de Jésus, le Fils unique.
Tout comme le serpent dressé était le lieu du salut pour le peuple d’Israël empoisonné par le venin, ainsi la mort de Jésus sur la croix, comme élévation et glorification, est-elle paradoxalement l’évènement décisif du salut. La crucifixion, supplice infamant, est interprétée comme un sujet de gloire, un retour au Père.
L’amour du Fils unique pour le monde
La croix n’est pas source de salut d’abord par son aspect sacrificiel et sanglant. C’est parce qu’elle est l’expression ultime de l’amour de Dieu qu’elle peut être pour les croyants source de Vie. Le Fils et le Père communient dans un même amour pour le monde.
En donnant ce qu’il a de plus cher, Dieu veut se révéler comme un Dieu qui s’offre au monde dans un acte d’amour illimité de portée universelle. L’amour de Dieu n’est pas un sentiment, une empathie, mais bien un acte créateur qui culmine dans le don du Fils. Or le visage du Fils est celui d’un Dieu qui sauve et non pas d’un Dieu qui juge. Le Fils le révèle au monde : Dieu est un Dieu qui veut renouveler la vie sans cesse abîmée ou détruite.
Croire, venir à la lumière, ou ne pas croire, rester dans les ténèbres
Malheureusement, à l’amour du Père pour le monde, répond l’amour de l’humanité pour les ténèbres : « les humains aimèrent plus les ténèbres que la lumière » (Jn 3, 19). Rester dans les ténèbres signifie pour l’individu vivre dans un monde sans Dieu, à l’abri de tout jugement de vérité sur sa vie et sa conduite. Les « œuvres mauvaises » s’opposent aux « œuvres de vérité ». C’est la liberté de chacun qui entraîne la séparation et donc le jugement. Les membres du Congrès réuni à Versailles ce lundi, applaudissant au vote majoritaire pour l’inscription de l’avortement dans la constitution française, en est une parfaite illustration.
Jésus demande la conversion, au sens fort du mot, c’est-à-dire un retournement radical. Il faut que l’homme, rejetant tout orgueil, accepte de recevoir, d’un Amour qui le transcende, la Vie, à laquelle de tout son être il aspire et qu’il ne peut se donner. Si riche soit-il ou se croit-il, de savoir et d’expérience, il doit se laisser recréer par l’Esprit de Dieu. Car, n’en déplaise à Nicodème, ce n’est ni par voie de conquête ni par la force du génie, fût-il religieux, qu’on entre dans le Royaume de Dieu. On y entre comme on entre dans la vie : par la grâce de l’amour infini, comme un enfant nouveau-né, en Jésus-Christ. C’est ce que signifie et opère l’eau du baptême.
C’est bien par grâce que vous êtes sauvés