Connaissez-vous Dorothée, Sylvain, Vital, Porphyre, Hilarion, Jean et Barsanuphe ? Ils ont en commun d’être saints et d’être nés ou d’avoir vécu à Gaza dans les premiers temps de l’Église. Depuis la construction à Jérusalem du Saint-Sépulcre, la Palestine a été un foyer de rayonnement du christianisme primitif.
Geneviève Pasquier, La Croix du 11/03/2024
Dans l’enclave palestinienne de Gaza, sous tension permanente, le petit millier de chrétiens est une communauté oubliée qui s’amenuise au fil des ans. Et pourtant cette terre garde les traces d’une riche histoire chrétienne marquée de grandes figures de sainteté.
Le plus ancien, Sylvain de Gaza, est un évêque, mort en martyr avec 39 de ses compagnons en l’an 311 lors de l’ultime persécution des chrétiens. L’empereur Maximien avait promulgué une série d’édits révoquant certains droits des chrétiens en leur imposant de se conformer aux pratiques religieuses traditionnelles sous peine d’emprisonnement et d’exécution. Sylvain et ses compagnons refusèrent. Ce saint est fêté le 4 mai.
Fêté le 21 octobre, Hilarion, né vers 291 au sud de Gaza et mort en 371 à Chypre, est un ermite considéré comme le fondateur de la vie monastique en Palestine. Il fonde un monastère qui porte encore aujourd’hui son nom.
Les étapes de sa vie sont connues grâce aux écrits de Jérôme de Stridon, Épiphane de Salamine et saint Jérôme. En 361, l’avènement et les persécutions de Julien l’Apostat obligent Hilarion à se réfugier en Égypte. Fuyant la popularité, il quitte l’Égypte pour la Libye en 363, puis la Sicile, la Dalmatie et Chypre où il meurt en 371.
Jérôme rapporte que sa dépouille est transportée secrètement et déposée dans son monastère, l’année qui suit sa mort. Son tombeau devient un lieu de pèlerinage encore mentionné au VIe siècle. Aujourd’hui, ce monastère byzantin, qui a rayonné par son activité jusqu’au VIIe siècle, est l’un des derniers témoins de la période chrétienne de Gaza et fait l’objet d’un programme de restauration d’ampleur. Il est inscrit sur la liste internationale des biens culturels sous protection renforcée de l’Unesco.
Né au IVe siècle, originaire de Thessalonique au nord de la Grèce, Porphyre, lui, devient ermite dans le désert d’Égypte. Infirme, constamment appuyé sur un bâton, il décide de se rendre en pèlerinage à Jérusalem. Guéri sur le parvis du Saint-Sépulcre, il reste à Jérusalem en gagnant sa vie comme cordonnier. Il devient évêque de Gaza en 396.
Pendant vingt-quatre ans, dans cette ville en majorité païenne, il défend avec vigueur les chrétiens persécutés et obtient la fermeture des huit temples païens. Cet épisode aura un grand retentissement dans le monde romain. Il meurt en 420 et est fêté le 26 février. L’église Saint-Porphyre, bâtie au Ve siècle, est la plus ancienne église encore en activité dans la bande de Gaza.
Au début du VIe siècle, Jean et Barsanuphe de Gaza sont deux figures importantes du monachisme. Barsanuphe, moine égyptien, fonde un monastère vers la fin du Ve siècle à Tabatha, le village natal d’Hilarion. Il met à sa tête un autre moine, Séridos. Lui-même vit reclus dans sa cellule et ne communique avec l’extérieur que par l’intermédiaire de Séridos.
Jean le prophète, occupe dans les mêmes conditions une autre cellule du monastère, qui compte ainsi à la fois des moines vivant en communauté et des solitaires dans leurs cellules. Barsanuphe et Jean ont laissé une abondante correspondance. Leurs 850 lettres sont autant de réponses aux questions très diverses qui leur sont posées, soit par des moines, soit par des laïcs ou des évêques.
Leurs billets de direction spirituelle représentent encore aujourd’hui un ouvrage de référence (leur correspondance est publiée dans la collection « Sources chrétiennes »). Le plus illustre de leurs disciples est saint Dorothée de Gaza. Jean et Barsanuphe sont fêtés le 29 février.
Saint Dorothée de Gaza naît vers l’an 500 dans une famille chrétienne au nord de la bande de Gaza ou à Antioche, selon les sources. Il entre au monastère de Tabatha vers 520. Là, il s’occupe de Jean le Prophète, l’un de ses pères spirituels, l’autre étant Barsanuphe. Ces derniers lui ont adressé une centaine de lettres qui permettent de suivre toute son évolution spirituelle depuis son entrée au monastère.
Dorothée, après une quinzaine d’années passées à Tabatha, va fonder une nouvelle communauté, vers 540. Pour lui, le but du monastère est de pacifier les cœurs et, dans un de ses écrits, il explique comment y arriver : « Imaginez que le monde soit un cercle, que le centre soit Dieu, et que les rayons soient les différentes voies ou manières de vivre des hommes. »
Il poursuit sa démonstration : « Quand les saints désirant approcher de Dieu marchent vers le milieu du cercle, dans la mesure où ils pénètrent à l’intérieur, ils se rapprochent les uns des autres en même temps que de Dieu. » Puis il conclut : « Plus ils s’approchent de Dieu, plus ils se rapprochent les uns des autres ; et plus ils se rapprochent les uns des autres, plus ils s’approchent de Dieu. » Dorothée laisse 17 instructions et 16 lettres dans la tradition de ses maîtres Barsanuphe et Jean. Il est fêté le 13 août.
Saint Vital de Gaza, connu également sous le nom de saint Vital d’Alexandrie, est né à Gaza vers 625 et est mort à Alexandrie. Vital est ermite en Palestine. Âgé de 60 ans, il comprend que les prostituées ont aussi droit au Salut. Il quitte son ermitage et se rend à Alexandrie pour leur annoncer la bonne nouvelle du salut et les aider à quitter la prostitution.
Les habitants d’Alexandrie sont scandalisés de voir un ermite se mêler à ces femmes. Ils avertissent l’évêque qui met Vital en prison, mais les prostituées manifestent en pleurant sous ses fenêtres jusqu’à ce qu’il libère Vital. Quelques jours plus tard, celui-ci est tué d’un coup de couteau par un souteneur furieux de son action. Près du corps, on aurait trouvé cette tablette écrite : « Attendez, pour juger, le jour du Jugement. » Saint Vital est fêté le 11 janvier.