Écouter, ça s’apprend…

Entretien avec Florence d’Assier, dossier réalisé par Magali Michel, revue Il est Vivant n° 284, juillet 2011.

Florence d’Assier est formée à l’accompagnement spirituel. Elle est psychologue clinicienne. Elle anime des groupes de parole et propose des formations autour de l’écoute.

http ://ecoute etpresence.com

L’écoute, très peu pour moi ! C’est plus une vertu féminine…

Nous avons tous en nous des qualités féminines et des qualités masculines. Certaines femmes et certains hommes développent la finesse de l’écoute. D’autres pas. Elle est à la portée de tous. Nous en avons chacun les germes, alors pourquoi pas vous ? On écoute dès le sein de sa mère. L’ouïe est un des premiers sens développé par le fœtus.

J’aimerais mettre l’été à profit pour mieux écouter mes proches. Comment m’y prendre ?

Commencez peut-être à être plus attentif à vous écouter vous-même ce qui n’a rien à voir avec le nombrilisme ni l’égoïsme. « Commencer par soi, mais non pas finir par soi », dit Martin Buber. Nous écoutons avec tout nous-même, avec tout ce que nous sommes (corps, sensibilité, expérience de vie, avec la merveille que je suis). Offrez à vos proches un cœur reposé, disponible, ressourcé, chaleureux en ayant pris soin de vous et de vos besoins au préalable. Pour ce qui est de l’écoute, vous en avez déjà toutes les capacités. Il ne vous reste qu’à les déployer. Laissez résonner pour commencer. Quand l’être aimé vous parle, ne répondez pas immédiatement, laissez courir le temps, laissez vous surprendre. Il/Elle a sa réponse en elle. Marchez à son pas.

Par mon baptême, je suis habité par l’Esprit Saint : généreux, j’aime les gens. Au fond, je suis équipé pour écouter !

Il y a l’essentiel et il y a l’accessoire. Les deux sont importants. On peut faire un gâteau par amour, mais il faut aussi la farine, les œufs et le sucre. L’essentiel, c’est évidemment de recevoir l’amour de Dieu pour les autres. Pourtant les catholiques connaissent ce paradoxe d’aimer les autres au nom du Christ. Or souvent les personnes ne se sentent pas aimées pour elles-mêmes. Aimer l’autre avec le cœur de Dieu, c’est aussi lui offrir une écoute compétente. Il faut travailler un minimum pour y parvenir. Et surtout tordre le cou à quelques fausses idées. Pour moi, écouter, est-ce me sacrifier ou faire sacrés l’espace et le temps ? Est-ce surtout ne pas penser à moi ou être attentif à ce que je vis ? M’effacer ou être tout entier présent ? Sinon, qui notre interlocuteur va-t-il rencontrer ? Un absent, un inexistant ? Me mettre à la place de l’autre ou occuper ma place ? Si vous vous mettez à sa place, lui où se met-il ? Il n’y a pas de réponses toutes faites. Même pour un chrétien. Ce n’est pas non plus parce qu’on est chrétien qu’on doit tout écouter. Il y a des personnes perverses qui veulent nous entraîner dans la justification d’actes délictueux. Nous n’avons pas à tout entendre.

J’ai souvent l’impression de me reconnaître dans ce que j’entends.

Il est fréquent de remarquer que les personnes qui s’adressent à nous ont une problématique proche de la nôtre. Repérons ce que nous supportons bien et ce qui nous est difficile : image maternelle, fonction paternelle, toute-puissance, relation fusionnelle, relation de dépendance, d’emprise, d’agressivité, dépression, revendication… Nous avons un travail intérieur à opérer quand nous-mêmes, nous collons sur des personnes des situations anciennes. « Je me retrouve avec elle comme avec ma sœur, on ne sait jamais ce qu’elle veut. » « Devant ce médecin, je me sens comme devant ma mère. » Quand nous nous rendons compte de ces projections, il est important d’en parler pour pouvoir prendre du recul, regarder ce qui nous appartient et ce qui vient de l’autre.

Je n’arrive jamais à me taire quand elle parle.

Et vous avez aussi très envie de finir ses phrases, de rectifier une erreur, de réagir, de lui raconter tout ce que ça vous évoque et que vous avez traversé de similaire, de proposer vos solutions et de donner des conseils, de minimiser. Voulez-vous aider quelqu’un qui se confie à vous ? Il y a beaucoup plus efficace que vos bonnes idées. Prenez le temps qu’il faut pour l’écouter jusqu’au bout. Là, ô surprise, vous allez découvrir que votre interlocuteur a déjà pensé tout seul aux « bons conseils » que vous lui auriez spontanément prodigués. Il avait juste besoin de parler, parce que poser des mots sur des situations est indispensable pour les cerner. Il en va de même pour les solutions. On les apprivoise en les verbalisant.

Je me suis épuisée à écouter sans fin ma voisine dépressive.

Mettre des limites est une marque de respect pour moi comme pour l’autre. Personne ne gagne à être écouté indéfiniment. Je suis appelé à me donner, non à m’épuiser. Je ne peux pas tout, je ne peux pas rien non plus. Je peux ce que je peux avec mes limites physiques, psychiques. Tenez, regardez le Christ, il m’aide à sortir de l’illusion que je peux tout écouter sans fin. Il ne s’est pas laissé dévorer. il a mis des limites. Combien de fois a-t-il laissé ses apôtres sans réponses, est-il parti à l’écart, frustrant les apôtres et même Pilate aux questions duquel il n’apporte pas de réponses ? Je n’ai pas le droit de manger l’autre, je n’ai pas le droit de me laisser manger.

J’ai l’impression d’être un paratonnerre ou un arbre à chats.

L’écoute exige un accueil inconditionnel de l’autre. Si sa manière d’être en relation et de dire sa souffrance est la colère, la violence ou l’agressivité, oser maintenir la relation et croire qu’il y a une autre issue possible que la violence nous invite à recevoir, dans nos entrailles creusées par la miséricorde, les confidences des horreurs commises ou subies. Alors bienheureux êtes-vous, vous qui écoutez, vous avez osé croire que la puissance de l’Esprit de vie qui habite chacun de nous est « capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de ce que nous pouvons désirer ou même concevoir » (Ep, 3, 20).

Cinq clés

1. Chacun de nous est une merveille unique

2. Écouter, c’est recevoir avant de donner

3. Écouter demande un travail sur soi qui nous enrichit

4. Écouter c’est être présent au présent

5. Écouter engage l’être tout entier.

 

À lire : Écouter, un art de la présence, Florence d’Assier de Boisredon, DDB.

 

2 réflexions sur « Écouter, ça s’apprend… »

  1. un croisement de chemin entendre une voie dans l oscuritee est une source de lumiere merci de redonner confiance beatrice

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