La pédagogie de la conversion chez Thérèse d’Avila

Pour le Docteur de l’Église Thérèse d’Avila, dite Thérèse de Jésus, la conversion se fait par la prière : elle est la porte d’entrée pour connaître Dieu, le lieu d’accueil de sa grâce. Elle est aussi la voie qui conduit à l’intimité la plus profonde avec soi-même et avec les autres. Dans le Livre des Demeures ou Château intérieur l, sainte Thérèse trace le che- min de la prière qui mène à l’union parfaite avec le Sei- gneur, le Fils du Dieu trinitaire, Jésus-Christ. Cela ne signifie pas qu’elle minimise la pratique sacramentelle, la relation avec l’Église ou qu’elle diminue le rôle des actes de vertu ou mérites, mais simplement que la pensée de la sainte « trouve son axe dans l’oraison 2 ». L’oraison ou prière introduit une histoire d’amour toujours plus intime avec le Christ, en fait une conversion à l’Amour.

Limage du château, utilisée par la Madre (Thérèse d’Avila), vient illustrer de manière transversale tout le livre du Château intérieur. Elle est aussi le moyen pédagogique dont Thérèse se sert pour décrire la progression de la paix intérieure. Ceux qui vivent en dehors d’eux-mêmes, emmenés par l’agitation extérieure ou l’activisme, n’ont pas encore passé le pont-levis, ce qui signifie pour la sainte qu’ils n’ont pas encore découvert le chemin de la prière. Les Demeures du château sont par contre des pièces qui se rapprochent du centre de l’âme, c’est-à-dire de l’esprit, qui est la chambre du Roi où Dieu se révèle en personne – en tant que Trinité – pour transmettre son amour. Plus la prière est de qualité, plus les Demeures sont élevées : Dieu a alors la liberté d’instruire l’âme, de la réconforter, de l’aimer, mais aussi de l’éprouver.

Ce livre, qu’elle a écrit par obéissance au terme de sa vie (+ 1582), trace le cheminement de la conversion spirituelle de l’âme. Celui-ci se réalise en deux temps ou deux conversions (I), la première (II) étant distincte de la seconde en raison d’une face décisive de transition (III) 3.

DEUX CONVERSIONS COMPLÉMENTAIRES

– La première conversion est un arrachement, par la vie de prière, au péché qui sépare de l’amour. Elle permet de prendre conscience que lutter est nécessaire pour choisir son camp: être pour ou contre Dieu. C’est le temps où l’âme est tentée de revenir en arrière, attirée par les biens du monde – les biens sensibles – à savoir les joies qui ne durent pas, que ce soit ceux de la chair ou les biens matériels. Déjà au terme de cette première conversion elle goûte une première victoire sur elle-même, sur son égoïsme, en obtenant une unité intérieure, un élargissement de sa liberté, la stabilité (néanmoins précaire) de son âme, une réelle constance, tant dans le bien fait pour les autres que dans la prière.

Une attitude personnelle oriente l’ensemble de ces débuts dans la foi : jusqu’à maintenant celui qui cherche Dieu a été à l’initiative de sa recherche, par un engagement ferme de sa volonté, ce qui est très méritoire, mais aussi, seulement transitoire. C’est là que se réalise la seconde conversion et la fin d’une forme « d’arrogance » de l’âme toute centrée sur son chemin de perfection, ou, comme on le dit aujourd’hui, sur son « développement personnel », aussi spi- rituel soit-il. À un moment, l’âme laisse Dieu prendre l’initiative de sa vie. Le Christ et la grâce divine prennent la première place. La rencontre du Fils de Dieu n’est plus alors seulement à la fin de nos actes, comme le serait une béquille (problème du pélagianisme), mais aussi à leur commencement (primauté dogmatique de la grâce) : Dieu prend les rênes de l’existence qui se trouve dorénavant dans des « mains sûres ». La télévision à tout vent, la radio ou les soirées DVD, les discussions inutiles sont alors largement mis au second plan !

– La seconde conversion est marquée par une profonde coupure, car il s’agit maintenant, au point de départ, de « choses surnaturelles ». D’une certaine manière se réalise ici le passage du religieux au spirituel, du simple respect des commandements à la relation vivante avec Dieu. Cela signifie aussi qu’il n’est pas possible à l’âme, de sa propre initiative, d’obtenir les biens divins, qui lui sont donc réellement et seulement donnés par Dieu: elle reçoit sa vie d’un Autre. J’aime parce que je suis aimé. Il s’ensuit un heureux sentiment d’impuissance, cette fois-ci salutaire. Celui-ci peut prendre, dans un premier temps, l’aspect d’une petite dépression (positive) caractérisée par le fait qu’on n’y arrive plus par soi-même. Il semble alors qu’on soit sous l’eau avec une simple paille comme moyen de respiration ! Mais petit à petit, la respiration spirituelle s’élargit: Dieu seul connaît en effet la véritable mesure de l’amour, de la vie, et la manière par laquelle il veut nous révéler qui il est. Car finalement c’est Dieu lui-même qui vient respirer en nous.

La seconde conversion correspond aussi pour certains à la crise du milieu de la vie durant laquelle la personne comprend et accepte que son existence n’a de sens qu’avec Dieu et surtout « en » lui: il est le seul à avoir les clés de la paix profonde de l’âme. Les tentations d’arrogance aux multiples formes, vouloir alors recommencer affectivement sa vie, « balancer » son travail en changeant complètement d’orientation, se juger négativement ou faire la morale (chrétienne) aux autres – bref vouloir refaire son existence – sont ainsi dépassées en Celui qui nous libère infiniment : il appauvrit l’âme de tout orgueil pour l’unir à lui. Dès lors, chaque acte du quotidien peut être relié au sens ultime de la Vie dans un climat de paix et de sereine pauvreté.

LES TROIS ÉTAPES DE LA PREMIÈRE CONVERSION: DU GOÛT DE LA PRIÈRE AU DÉVOILEMENT DE L’ARROGANCE

– Dans la première étape (les premières Demeures) l’âme reconnaît son péché et le Christ comme son « ami ». Elle ne reste pas sur le chemin de ronde du château. Elle veut plutôt entrer dans les salles du bas et ceux qui y pénètrent sont déjà décidés à avancer plus avant, car elles ont déjà trouvé le chemin par excellence : la prière. Par contre, celles qui restent dehors ne savent pas qu’il y a en ce lieu un vrai trésor :

« Un homme fort docte me disait que les âmes qui ne font pas oraison sont semblables à un corps paralysé ou perclus, qui bien qu’il ait des pieds et des mains, ne peut les commander ; il en est ainsi des âmes malades, si accoutumées à s’arrêter aux choses extérieures, que c’est sans remède, elles ne semblent pas pouvoir entrer en elles-mêmes ; elles ont une telle habitude de n’avoir de rapports qu’avec la vermine et les bêtes qui vivent autour du château qu’elles leur ressemblent déjà beaucoup » (1, 1, 5).

Le problème est donc clairement situé : seules les âmes qui découvrent le chemin de la prière vont pouvoir entrer dans les premières Demeures. Loin de se disperser – comme déjà évoqué – par la radio, internet, les Cd-rom et maintenant par les MP3 ou Iphones, l’âme goûte enfin au silence.

Les premières Demeures invitent à une séparation de soi- même avec le vieil homme par la prise de conscience et la demande de pardon de son péché personnel. L’homme pé- cheur est appelé par la sainte « vieux », car il n’est pas habité par la jeunesse éternelle de Dieu, pleine de grâce. Le péché manifeste une coupure par rapport à la (vraie) vie, celle du Dieu Vivant qui veut pour nous « la vie en surabondance » (Jn 10,10) :

« Ce n’est pas que la salle ne soit pas éclairée, mais que toutes ces mauvaises couleuvres [péchés] qui sont entrées avec lui ne lui permettent pas d’apercevoir la lumière » (I, 2, 14) ; « Si nous vivons enfoncés dans les misères de notre terre, jamais nous ne sortirons du courant boueux des craintes, des pusillanimités, et de la lâcheté » (I, 2, 10).

L’âme qui prend ainsi conscience de son péché – et c’est une grande grâce – commence un chemin sans fin vers la vraie lumière de sa vie : le Dieu Vivant.

– Dans une seconde étape (les deuxièmes Demeures) l’âme persévère dans la prière et rencontre le Christ « bon pasteur ». Elle s’aguerrit dans le combat. Ce n’est pas le moment des réjouissances sensibles de l’âme – comme cela sera le cas par la suite – mais celui de la confirmation des bonnes dispositions des premières Demeures. Le chercheur de Dieu a déjà commencé à prier, et c’est ce qu’il convient de continuer à faire grandir, afin de résister à une grande tentation qui va se présenter : celle de faire marche arrière en se laissant attirer à l’extérieur de soi-même par les mi- rages de la société de consommation excessive et les publicités aux plaisirs faciles.

Afin d’éviter toute régression, l’âme doit dorénavant éviter les occasions de chute – télévision dispersante, discussion légère, rencontre malsaine, shopping inutile – en se mettant intérieurement – en elle-même – à l’écart du monde, au moins pour un temps, et même si cela est vécu dans la douleur :

« Il s’agit en ces deuxièmes Demeures de ceux qui ont déjà com- mencé à faire oraison et ont compris l’importance de ne pas res- ter aux premières Demeures ; mais souvent, ils ne sont pas encore assez déterminés à ne pas y rester, ils ne s’éloignent pas des oc- casions [de chute], ce qui est fort dangereux. Dieu leur fait une bien grande miséricorde lorsqu’ils cherchent par instants à fuir les couleuvres et choses venimeuses, et comprennent qu’il est bon de les fuir. Ceux-là, pour une part, peinent beaucoup plus que les premiers [des premières demeures], mais ils sont beaucoup moins exposés ; ils semblent connaître le danger, et il y a grand espoir de les voir pénétrer plus avant » (II, 1, 1).

L’âme est consciente de la fragilité de sa situation, c’est pourquoi elle est tiraillée entre deux chemins : avancer ou rebrousser chemin. Les occasions de chute sont nombreuses : ce sont les attachements à des choses créées et passagères, à des situations ou à des personnes qui éloignent, ou, en tous les cas, ne rapprochent pas de Dieu. Certes ces âmes entendent l’appel de Dieu, mais elles peinent. Et pourtant, elles sont vraiment à l’écoute de sa voix, c’est-à- dire de la Parole qui résonne dans l’intime de leurs cœurs, pendant la méditation ou l’oraison quotidienne :

« Dieu ne, manque pas de nous appeler pour nous inviter à nous approcher de Lui ; et cette voix est si douce que la pauvre âme se consume de ne pouvoir faire immédiatement ce qu’il lui ordonne; c’est pourquoi elle est bien plus en peine que si elle ne l’entendait point » (II, 1, 2).

L’âme n’en est qu’au début du cheminement spirituel et elle le sait: elle se traîne mais accepte humblement pour l’instant de ne pouvoir faire plus. Jésus l’accompagne sur ce chemin peu gratifiant comme un « Bon Pasteur ».

– La troisième et dernière étape (les troisièmes Demeures) de cette première conversion correspond non seulement à une victoire d’unité intérieure et de maîtrise de soi. L’âme rencontre le Christ « bon médecin ». Néanmoins le combat gagné n’assure pas encore sa pérennité : la victoire doit être renforcée pour se préparer à aller de l’avant. Le danger est tout simplement ici de se croire arrivé à bon port. Dieu dévoile à l’âme son arrogance.

Thérèse d’Avila n’est pas sans ironie à l’égard de ces âmes dont « l’existence est si bien organisée » qu’il n’y a pas à craindre pour leur santé: « Ne craignez pas qu’elles se tuent, elles sont en possession de leur raison, l’amour ne les fait pas encore déraisonner » (III, 2,7). La sainte s’étonne de voir ces âmes avancer trop lentement, « à pas traînant », sur un chemin que le Seigneur pourrait faire parcourir beaucoup plus rapidement, « en huit jours », si elles étaient tout simplement plus humbles: pourquoi attendre alors qu’il serait plus simple « d’en finir une bonne fois » ?

Le problème est donc que ces personnes pensent déjà avoir atteint le but. Elles canonisent leur propre cheminement et « elles voudraient que les autres les canonisent également » (III, 2, 2). Elles manquent encore d’humilité et c’est sur ce point que Thérèse va insister. Ces âmes tombent facilement dans l’inquiétude, alors qu’elles ont l’impression d’avoir maîtrisé le monde :

« Lorsque le Seigneur les soumit à des épreuves peu importantes, leur inquiétude fut telle, leur cœur fut si serré, que j’en fus fort éberluée et même effrayée. Il est vain de les conseiller, elles sont depuis si longtemps consacrées à la vertu qu’elles se croient capables d’enseigner les autres et n’avoir que trop de raisons de regretter ces épreuves » (III, 2,1).

Ces âmes n’arrivent pas à comprendre que le problème n’est pas celui de la dureté de l’épreuve rencontrée, mais de leurs imperfections, alors que des gens humbles, même s’ils peuvent être peinés par leur impuissance, reconnaissent rapidement leur erreur. Loin de refuser l’épreuve, elles doivent plutôt se mettre elle-même « à » l’épreuve pour choisir de nouveau Dieu et être purifié par lui. En fait, il manque à l’âme un véritable appui. C’est tout l’enjeu de la seconde conversion.

LA PHASE DÉCISIVE DE TRANSITION OU LA PRIMAUTÉ DU SURNATUREL

La phase décisive de transition correspond chez Thérèse d’Avila avec les quatrièmes Demeures. Dès lors, ce n’est plus l’âme qui prend les rênes de sa propre conversion – plus de programmation vertueuse à long terme – mais Dieu lui-même, car, nous dit Thérèse d’Avila, « nous commençons à entrer dans les choses surnaturelles » (IV; 1, 1), même si celles-ci sont encore bien mêlées au naturel.

– En ces quatrièmes Demeures, le Christ, comme un « roi », commence à régner sur son royaume: l’âme. La vie de la personne se structure dorénavant autour de la grâce qui prend la première place : méditation le matin de la Parole de Dieu, oraison avant toute activité extérieure, chants et psaumes d’action de grâce, tout vécu avec le cœur. Il est possible de dire d’une manière plus psychologique que le « lieu intérieur » à partir duquel « part » l’action est désormais cette attente simple et ardente de la grâce. L’âme prend soin d’être disponible à l’action de Dieu (à son égard) et cherche à répondre amour pour amour. Dieu prend dorénavant l’initiative de l’Amour.

Ces réalités spirituelles peuvent être obscures à ceux qui n’en n’ont pas l’expérience, car ici tout est affaire de vie spi- rituelle et non plus seulement de réflexion, et Dieu reste toujours libre de les faire goûter à qui il veut, ce qu’il ne manque pas de faire. Les tentations ont moins d’influence à ce stade que dans les précédentes Demeures ; elles peuvent même être utiles afin de ne pas leurrer l’âme sur les plaisirs qu’elle reçoit de Dieu et être ainsi l’occasion pour elle de poser des actes contraires qui lui feront acquérir des mérites: car « quand le ravissement est continuel, je ne crois pas qu’il soit sûr. Il me semble impossible que l’esprit du Seigneur soit toujours en nous, durant cet exil » (IV ; 1, 3).

Thérèse d’Avila s’attache à faire une distinction entre les contentements et les plaisirs qui viennent de Dieu. C’est à partir de cette nuance qu’elle met en valeur l’apport fon- damental des quatrièmes Demeures : dorénavant, c’est Dieu qui agit en l’âme. L’âme doit se laisser faire pour « jouir » de Dieu. Par contre, le contentement « procède de l’acte vertueux [ … ], il nous semble l’avoir gagné par notre travail, et nous sommes contents, à juste titre, de nous être appliqués à ces choses [ … ], tandis que les plaisirs partent de Dieu, notre nature le ressent » (IV ; 1,4).

Le contentement ne dilate pas le cœur, mais par contre le serre et le mêle avec les passions, parfois accompagné de larmes angoissées. L’âme n’est pas encore mise au large, elle est encore en proie avec ferveur à réfléchir et à méditer, ce qui est déjà beaucoup: « Elles sont en bonne voie, car on ne leur a pas accordé davantage » (IV ; 1, 6). Qu’elles profitent de leur état pour éveiller leur volonté à la louange, à désirer la gloire de Dieu, à se réjouir de la bonté divine.

– Mais le véritable enjeu est ailleurs, car pour avancer dans les Demeures plus élevées, « il ne s’agit pas de beau- coup penser, mais de beaucoup aimer; donc tout ce qui vous incitera à aimer davantage, faites-le [ … ]. Il ne s’agit pas de goûter le plus grand plaisir, mais d’avoir la plus forte détermination de désirer toujours contenter Dieu » (IV ; 1, 7). La Madre donne un conseil anthropologique fort utile, et facilement repérable, pour apprendre à se connaître sur ce chemin spirituel : l’imagination n’est pas l’entendement. Tandis que la première s’envole facilement et est impossible à lier, sinon par Dieu, l’entendement est stable et facilite le recueillement intérieur. Dès lors, l’agitation de nos pensées ne doit pas nous troubler, car la partie supérieure de l’âme, là où se trouvent les facultés les plus élevées (entendement, volonté, mémoire) n’est pas atteinte par ce mouvement perpétuel.

À l’âme donc de laisser le bruit intérieur nous faire la guerre tandis qu’elle doit s’occuper à rejoindre le lieu de la paix intérieure : « Nous pouvons supporter n’importe quel trouble et n’importe quelle guerre à condition de trouver la paix chez nous » (IV ; 1, 12). Ce combat avec les puissances instables — la mémoire des souvenirs, la sensibilité, l’af- fectivité, l’imagination — est inévitable, c’est pourquoi il ne doit pas nous inquiéter: « Laissons aller ce traquet de moulin, contentons-nous de moudre notre farine sans que cessent d’agir la volonté et l’entendement » (IV ; 1, 13). Au contraire de toute forme d’inquiétude, la quiétude ou repos s’installe au fond de l’âme désormais disposée à s’unir entièrement à son Bien Aimé.

CONCLUONS. Dans cette phase transition, Dieu a pris l’initiative dans la vie spirituelle de l’âme. Il est dorénavant à sa vraie place : la première. Si tout vient de Dieu et va à Dieu, ce n’est pas sans que tout passe par le filtre de notre liberté ou plus particulièrement de notre âme et de sa faculté la plus noble : la volonté. Celle-ci consent à être « pénétrée » d’amour par la grâce qui la transforme. Voilà le point de départ sur lequel Thérèse d’Avila veut que se construise l’union parfaite de l’âme à Dieu. Ainsi l’âme se prépare à un tel projet en apprenant par des fiançailles (cinquièmes Demeures) à connaître son futur époux (sixièmes Demeures). Cet apprivoisement progressif est nécessaire pour que la liberté adhère complètement au projet de Dieu sur elle : la diviniser (septièmes Demeures).

Les épousailles seront un temps de joie, mais aussi d’épreuves, car, comme dans le mariage (sacramentel), les époux doivent apprendre à s’aimer gratuitement : non pas seulement pour (se ré)jouir l’un de (avec) l’autre, mais pour se montrer des gages d’amour concret qui donneront du fruit (donner la vie). Telle est aussi le sens de l’amour que l’Église cherche à faire connaître : apprendre à aimer en se laissant aimer pour aimer sans compter. La Croix du Christ en est l’exemple le plus significatif, le Dieu fait homme insérant son amour là où il est rejeté. L’Amour plus fort que le non-amour. Thérèse, par ce double chemin de conversion, invite tout chrétien à se laisser faire par l’Amour afin que l’action de sa grâce nous conduise à aimer sans compter avec un cœur d’action de grâce. En fait un cœur eucharistique.

« Heureux le cœur amoureux qui sur Dieu seul a fixé sa pensée, Qui pour Lui renonce à toute chose créée Et trouve en Lui sa gloire Et son contentement » (Poésie V).

P. Tanguy Marie POULIQUEN Communauté des Béatitudes Blagnac

1. Toutes les citations extraites de ces œuvres ainsi que des Avis et Poésies sont tirées de : THÉRESE D’AVILA, Œuvres complètes, Bibliothèque européenne, Paris, Desclée de Brouwer, 1995, p, 869-1042. 2. M. DE GOEDT, Le Christ de Thérèse de Jésus, coll. Jésus et Jésus-Christ 58, Paris. Desclée. 1993, p. 34. Voir également dans cet ouvrage les titres donnés au Christ à chaque Demeure.

3. L’auteur de cet article puise largement dans le petit traité spirituel qu’il a écrit sur le sujet. Cf. Tanguy Marie POULIQUEN, Convertis-toi! Un chemin de liberté, PTS 1- 33, Éditions des Béatitudes, 2007, 104 p.

Paru dans la revue Carmel n° 131 (mars 2009), Une pédagogie de la vie spirituelle. Éd. du Carmel 33 Av. Jean Rieux, 31500 Toulouse