Euthanasie, suicide assisté, fin de vie : ce que dit l’Église catholique

Sur le site de La Croix, Arnaud Bevilacqua

Explication. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu  mardi 13 septembre son avis sur la fin de vie, donnant son feu vert à  une éventuelle légalisation de l’assistance au suicide, tout en  l’encadrant. La doctrine de l’Église catholique réprouve une telle  évolution.       

« Nous devons accompagner les personnes jusqu’à la mort, mais ne pas la provoquer ni favoriser le suicide assisté. » Lors d’une méditation sur la mort, en février 2022, le pape François a fermement rappelé l’opposition morale de l’Église catholique à l’euthanasie et au suicide assisté.

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« Toute personne qui s’apprête à vivre la dernière partie de sa vie (doit pouvoir) le faire de la manière la plus humaine possible » mais « il faut se garder de confondre cette aide avec des dérives inacceptables vers l’euthanasie », a-t-il martelé.

Droit fondamental à la vie

Avec ses mots, le pape François a relayé la doctrine catholique au sujet de l’euthanasie, une pratique autorisée dans cinq pays de l’Union européenne (Autriche, Belgique, Espagne, Luxembourg et Pays-Bas). Le catéchisme de l’Église catholique y consacre en effet quatre articles.

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« Ceux dont la vie est diminuée ou affaiblie réclament un respect spécial. Les personnes malades ou handicapées doivent être soutenues pour mener une vie aussi normale que possible », est-il d’abord énoncé (n. 2276). L’Église défend le droit fondamental à la vie et à son inviolabilité. Dès lors, « quels qu’en soient les motifs et les moyens, l’euthanasie directe consiste à mettre fin à la vie de personnes handicapées, malades ou mourantes ». Elle est ainsi « moralement irrecevable » pour les catholiques. Donner la mort afin de supprimer la douleur « constitue un meurtre gravement contraire à la dignité de la personne humaine et au respect de Dieu » (n. 2277).

« Loi morale naturelle »

L’Église promeut dans le même temps la « proportionnalité des soins » et le refus de l’« acharnement thérapeutique ». « On ne veut pas ainsi donner la mort ; on accepte de ne pas pouvoir l’empêcher. » (n. 2278). Évoquant la question de la souffrance, le catéchisme assure que « l’usage des analgésiques pour alléger les souffrances du moribond, même au risque d’abréger ses jours, peut être moralement conforme à la dignité humaine si la mort n’est pas voulue, ni comme fin ni comme moyen, mais seulement prévue et tolérée comme inévitable » (n. 2279).

La doctrine catholique assure par ailleurs que « les soins palliatifs constituent une forme privilégiée de la charité désintéressée ». À ce titre, ils sont « encouragés ». Enfin, sur le suicide assisté, il est rappelé que « la coopération volontaire au suicide est contraire à la loi morale ».

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Par ailleurs, dans un texte dense intitulé Samaritanus bonus, publié en septembre 2020, la Congrégation pour la doctrine de la foi a développé pour la première fois de manière détaillée sa doctrine sur la fin de vie. « La valeur inviolable de la vie est une vérité fondamentale de la loi morale naturelle et un fondement essentiel de l’ordre juridique, expliquait le texte. De même que nous ne pouvons accepter qu’un autre homme soit notre esclave, même s’il nous le demande, nous ne pouvons choisir directement de porter atteinte à la vie d’un être humain, même s’il l’exige. Par conséquent, supprimer un malade qui demande l’euthanasie ne signifie pas du tout reconnaître son autonomie et la valoriser, mais au contraire, c’est méconnaître la valeur de sa liberté, qui est fortement conditionnée par la maladie. »

Ni acharnement thérapeutique, ni euthanasie

En France, les évêques affirment leur opposition résolue à l’euthanasie dès que le débat revient dans l’actualité. Dans leur document L’espérance ne déçoit pas, publié en janvier 2022, avant l’élection présidentielle, ils expliquaient que « la grandeur d’une société est d’aider tous ses membres à respecter la vie et la dignité de tous et en particulier des plus fragiles ». « La voie authentiquement humaine, celle qui contribue en profondeur à la paix, ne peut consister ni dans l’acharnement thérapeutique ni dans le recours à l’euthanasie : elle exige le respect et l’accompagnement attentif et bienveillant de chaque personne à tous les stades de son existence », insistaient-ils.

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Déjà, en mars 2018, l’épiscopat français publiait une déclaration sur la fin de vie appelant à « l’urgence de la fraternité » et affirmant son « opposition éthique » à l’euthanasie. « Ce serait inscrire au cœur de nos sociétés la transgression de l’impératif civilisateur : “Tu ne tueras pas.” Le signal envoyé serait dramatique pour tous, et en particulier pour les personnes en grande fragilité », avertissaient les évêques.

Choix personnels, dimension collective

Si les tenants de l’aide au suicide et de l’euthanasie invoquent « le choix souverain du malade, son désir de maîtriser son destin », les évêques rappelaient également que « nos choix personnels, qu’on le veuille ou non, ont une dimension collective », car « la liberté est toujours une liberté en relation ».À lire aussiJacques Ricot, philosophe : « Le droit au suicide engendrerait une rupture éthique colossale »

Toutefois, outre les débats parmi les fidèles qui peuvent avoir une approche différente de la doctrine, l’Église a amorcé une évolution stratégique pour continuer à faire entendre sa voix, alors qu’elle n’est plus capable, dans certains pays, de s’imposer par un rapport de force ou de se faire entendre par ses arguments classiques. Quitte à dire sa préférence pour le « moindre mal » – le suicide assisté plutôt que l’euthanasie –, comme récemment en Italie.

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