Jean-Marie Guénois et le pape François

Rédacteur en chef au Figaro aux questions religieuses, Jean-Marie Guénois aborde la question papale à travers son nouveau libre, Pape François – La Révolution aux éditions Gallimard.

Le pape François est attendu à Marseille, ville façonnée par les migrations. Mais le pape lui-même ne fait-il pas migrer l’Église vers ce qu’il estime être le seul avenir qui lui est possible dans ce monde devenu indifférent à ce qu’elle est ? Migration ou révolution. Jean-Marie Guénois utilise ce terme pour parler du pontificat du pape François. Quel sens, quelle consistance lui donner ? Constatation ou accusation ? Face à la mondialisation de l’indifférence, c’est la révolution de l’amour qui s’impose. Mais le mot requiert de la pudeur et il est complexe à décrire. Mais peut-on douter un seul instant qu’un pape ait une autre intention que celle-ci ?

Rédacteur en chef au Figaro chargé des questions religieuses, Jean-Marie Guénois jouit de la liberté que lui procure ce poste d’observation exceptionnel, nourri par son expérience de la vie romaine. Son analyse permet de comprendre les forces et les faiblesses du pape actuel, les sinuosités de sa pensée, son goût pour le pragmatisme et le résultat associé à un charisme réel et à une volonté d’exercer son pouvoir. Le journaliste pointe aussi l’infantilisme des catholiques qui ont du mal à voir le pape indépendamment du prisme de leur sensibilité propre.

RÉÉCOUTER L’ÉMISSION

Rarement souverain pontife a autant déconcerté. À peine intronisé, le cardinal Bergoglio renverse un ordre établi depuis des siècles : au lieu de bénir la foule, il lui demande de le bénir. Bientôt, l’Église va accueillir les divorcés, reconnaître les personnes homosexuelles, envisager – avant d’y surseoir – l’ordination d’hommes mariés, réprimer les traditionalistes en les privant de l’ancienne liturgie, ou encore fraterniser avec l’islam. Et pour couronner ce pontificat réformateur, ouvrir la gouvernance de la communauté catholique, apanage des clercs, à tous les fidèles : à eux, désormais, de conduire l’Église, au pape de les servir.
C’est la révolution permanente au Vatican. À commencer par la façon d’incarner le métier de pape : élever les pauvres, les exclus, les migrants ; humilier l’argent et les puissants ; museler la curie romaine en attaquant ses vieilles habitudes de pouvoir ; et, pour y parvenir, user d’un autoritarisme peu commun et d’une grande habileté.

Mais l’immense popularité de ce pasteur ne se résume ni à ses audaces ni aux blessures iffligées. Ce redoutable politique est aussi un homme attachant qui tend la main à tous, pleure avec les éprouvés, chérit la sincérité, vit sa foi sans concession en communion intime avec le Christ.

Dix années agitées et confuses. Elles ont rafraîchi l’image immuable du catholicisme, bousculé les colonnes du Vatican et tourneboulé l’identité de centaines de millions de catholiques. Jusqu’à rendre insaisissables après François les contours de l’autorité pontificale et faire douter certains de l’avenir de l’Église catholique.