Sur le site du journal La Croix, un article de Claire Lesegretain
À la suite du rapport publié le 14 août sur les abus sexuels commis par 301 prêtres dans six diocèses de Pennsylvanie, plus de 140 théologiens, éducateurs et dirigeants laïcs appellent les plus de 420 évêques états-uniens à remettre leur démission au pape.
« Aujourd’hui, nous appelons les évêques catholiques des États-Unis à envisager sincèrement et dans la prière de présenter leur démission collective au pape François comme un acte public de repentir et de lamentation devant Dieu et le peuple de Dieu », peut-on lire sur le site américain Daily Theology.
Cet appel, rédigé en anglais et en espagnol et lancé le 17 août, est signé par plus de 140 théologiens, éducateurs et dirigeants laïcs américains. Parmi eux, on trouve de nombreux enseignants et doctorants laïcs des facultés de théologie de Boston College, ou des universités Fordham (New York), Notre Dame (Indiana), Loyola (Chicago), Saint-Louis (Missouri)… On trouve aussi de nombreux laïcs exerçant un ministère paroissial à Philadelphie (Pennsylvanie), Washington, Portland (Oregon), Fairbanks (Alaska) ou Austin (Texas)…
Ces signataires laïcs font part de leur dégoût face aux révélations du rapport du grand jury de Pennsylvanie (1), rendu public le 14 août par le procureur général de cet État du nord-est des États-Unis, Josh Shapiro.
Ce rapport révèle, « avec une clarté nauséabonde », selon la pétition, sept décennies d’abus sexuels commis par 301 prêtres sur plus de 1 000 enfants dans six des huit diocèses de Pennsylvanie (ceux de Philadelphie et de Altoona-Johnstown ont fait l’objet de procédures judiciaires séparées) et la dissimulation systématique de ces abus par les évêques concernés.
Ce rapport secoue d’autant plus fortement l’Église catholique américaine qu’il vient à la suite des révélations de ces derniers mois sur les abus sexuels commis par le cardinal Theodore McCarrick, archevêque émérite de Washington, et qu’il prolonge également la longue crise des abus sexuels dans le diocèse de Boston.
Les signataires de la pétition recommandent donc « vivement » aux évêques états-uniens de « suivre l’exemple des 34 évêques du Chili, qui ont démissionné collectivement en mai dernier après que les faits d’abus sexuels massifs et de corruption ont été mis en lumière ». Après un « discernement prudent », soulignent-ils, le pape François a finalement accepté cinq de ces 34 démissions.
Les signataires notent d’ailleurs que le ratio entre le nombre d’évêques en activité et le nombre de fidèles est presque le même au Chili et aux États-Unis mais que la portée symbolique de la crise aux États-Unis risque de surpasser celle au Chili.
« Solidaires des milliers de victimes »
De manière émouvante, ces signataires se disent « solidaires des milliers de victimes, connues et anonymes, qui ont été violées, abusés, traumatisés et déshumanisés par des prêtres prédateurs, protégés par le silence coupable de beaucoup d’évêques ».
« Nous pleurons avec ceux d’entre eux qui ont été poussés vers l’alcoolisme, la toxicomanie, la maladie mentale ou le suicide, poursuit la pétition. Nous pleurons avec leurs familles et leurs communautés. Nous pleurons pour nos étudiants, nos proches, nos voisins et tous ceux que nous aimons qui ont quitté ou qui quitteront l’Église parce qu’ils n’ont plus confiance dans ses responsables. Nous pleurons pour nos paroisses et nos diocèses. Nous pleurons notre Église. »
Ni libéral, ni conservateur, ni factieux, ni idéologique
« L’appel que nous publions aujourd’hui n’est ni libéral, ni conservateur. Il ne provient pas d’une faction particulière ou d’une idéologie, mais plutôt du cœur de l’Église blessée. C’est une expression de fidélité aux victimes, à Jésus-Christ et à l’Église à laquelle nous avons consacré nos vies. »
« Certains auront le sentiment que la demande de démission de tous les évêques états-uniens est injustifiée et même nuisible au travail de guérison. Après tout, beaucoup d’évêques sont d’humbles serviteurs et des pasteurs bien intentionnés », admettent les signataires de l’appel.
Mettre fin à ce péché systémique
Mais ils estiment que l’ampleur historique des abus démontre clairement qu’il ne s’agit pas de « quelques pommes pourries dans le panier », mais bien plutôt « d’une injustice systémique radicale manifestée à tous les niveaux de l’Église. Par conséquent, il ne peut être mis fin à ce péché systémique par la seule bonne volonté individuelle ».
« Beaucoup ont déjà proposé des réformes spécifiques pour convertir cette culture ecclésiastique de violence vers plus d’humilité, plus de transparence, plus de responsabilité, plus de confiance », peut-on encore lire dans cet appel. Mais s’ils soutiennent « de tout cœur » ces propositions, les signataires demandent de « commencer par des enquêtes externes dans chaque province ecclésiastique des États-Unis », à l’instar de celle menée en Pennsylvanie.
Les blessures des victimes ne seront pas guéries par des déclarations, des enquêtes internes ou des campagnes de communications, mais par la responsabilité collective, la transparence et la vérité, insistent les signataires. « Nous sommes responsables de la maison dans laquelle nous vivons, même si nous ne la construisons pas nous-mêmes. C’est pourquoi nous appelons les évêques des États-Unis à présenter collectivement leur démission, en reconnaissance de la nature systémique de ce mal. »
(1) Dans le système pénal américain, un grand jury, constitué de citoyens, effectue, sous la conduite du procureur et avec l’aide de la police fédérale (FBI), un travail proche de celui du juge d’instruction.
ET EN FRANCE, UNE PÉTITION DEMANDE LA DÉMISSION DU CARDINAL BARBARIN. Pour signer…