22° D. TO. B — (Mc 7, 1-8.14-15.21-23) Nous reprenons la proclamation de l’Évangile selon st Marc. Nous l’avions quitté au chapitre 6, au moment où Jésus dit aux disciples qui reviennent de mission de se reposer un peu à l’écart. Proposition qui tourne court, puisque Jésus doit enseigner longuement la foule qui s’est rassemblée. Il va même multiplier les pains, puis marcher sur l’eau,— ; et la liturgie nous en a offert le récit en Jean, avec les paroles sur le Pain de Vie. Le chapitre 6 de Marc se termine par l’image de Jésus, accostant à Genesareth, aux prises avec les foules de malades : « Ils le suppliaient de leur laisser toucher ne serait-ce que la frange de son manteau. Et tous ceux qui la touchèrent étaient sauvés » (6,56).
Le garde-manger de la religion légaliste
Alors que Jésus est tout donné aux personnes souffrantes qui le réclament, voici que s’invite le « gratin » religieux de Jérusalem. Les revoilà donc, nos pharisiens et leurs scribes, pour se rassembler auprès de Jésus. Le verbe est fort : ceux qui le contestaient hier viennent au rassemblement de Jésus. Cherchent-ils vraiment comme les foules (2,2 ; 4,1 ; 5,21) et les apôtres (6,30) à faire un avec Jésus, à communier à Jésus, à s’agréger à ce peuple nouveau ? On perçoit très vite que ce n’est pas le cas. Ils apportent avec eux une problématique de « riches » celle de la pureté légale, dont Jésus fait peu de cas. Ils reprochent aux disciples de prendre leur repas avec des mains souillées, impures, de manger sans avoir accompli les ablutions rituelles.
Car les Pharisiens et scribes s’appliquaient de manière stricte, et obsessionnelle, les règles issues de la Loi de Moïse, mais aussi leurs propres traditions orales, appelées ici traditions des anciens. Les Pharisiens cherchent à se mettre à l’abri de toute impureté contagieuse qui les éloignerait de la volonté Divine et du Salut (mais ils craignaient plus l’impureté que Dieu lui-même !) Et effectivement, les mains non lavées des autres disciples interdisent aux pharisiens et scribes de s’asseoir à la même table, et de partager le même pain sans être contaminés. S’ensuit une controverse musclée où Jésus les accuse : « Vous rejetez (invalidez) bel et bien le commandement de Dieu pour établir votre tradition » (7,9). Car le commandement de Dieu est de l’aimer de tout son coeur et son prochain comme soi-même.
Les deux intériorités de l’homme
Jésus va donc donner sa propre lumière sur la question de la pureté : « Écoutez moi tous et comprenez ». Il le fait en deux fois, d’abord en direction de la foule, en une sorte de parabole « Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur ». Puis en direction des disciples. Et l’explication qu’il donne distingue soigneusement deux intériorités, celle du ventre et celle du cœur, en les découplant.
— La première intériorité, celle du ventre, laisse le « coeur » hors circuit, et la souillure y est déclarée sans objet. C’est le circuit digestif, celui de la nourriture. Évidemment, ce n’est pas sans conséquence sur le plan de la doctrine et du rite ; Marc note : « C’est ainsi que Jésus déclarait purs tous les aliments » (7,19). Jésus rend caduques toutes les prescriptions alimentaires répertoriées dans le Lévitique (Lv 11, 1-30). Cette pulvérisation des frontières avec les païens sera enseignée à nouveau à Pierre par la vision de la nappe (Ac 11, 5-10).
— La seconde intériorité est celle du « coeur », et Jésus y voit l’homme menacé de souillure ; c’est précisément celle des « réflexions, pensées, raisonnements (dialogismoï) » ; intériorité humaine cognitive et morale. Ces réflexions qui habitent l’intériorité du cœur sont qualifiées de « mauvaises » (hoï dialogismoï hoï kakoï), et explicitées par une litanie de douze intentions répréhensibles (en trois grands registres : atteintes à la personne d’autrui ; atteintes aux biens d’autrui ; atteintes à Dieu). Le cœur de l’homme, de tout homme, recèle ce qui le souille. Son coeur doit être purifié pour entrer dans le Royaume (cf. Ap 21 8 et 22, 15)
On pourra donc prétendre à une observance rituelle irréprochable, cela n’abolira en rien la souillure qui opère dans le cœur, et s’exprime en réflexions, paroles et actes condamnables. Le danger n’est pas dehors, mais dedans. La menace d’une souillure qui me guette n’est pas en dehors de moi mais déjà en moi.
La pureté du pur procède d’une séparation, d’une mise à distance du « commun ». Cependant, il n’est pas autre que les autres. L’impureté des pensées perverses nous met tous dans le même sac. « Tous ont péché et son privés de la gloire de Dieu » (Rm 3,23). Alors, crions vers Jésus : « Aie pitié du pécheur que je suis ». Laissons-nous purifier dans le sacrement de réconciliation. Prions pour la conversion des pécheurs. Les prophètes de l’A.T. ne parlaient-ils pas du cœur nouveau que Dieu voulait donner ?
Je vous donnerai un cœur nouveau (Ez 36, 26)