Effata, ouvre-toi !

23° D. TO. B — (Mc 7, 31-37) Après l’enseignement de Jésus sur l’intériorité du pur et de l’impur, nous voici à nouveau en territoire païen, la Décapole (impur). L’exorcisme de la fille de la « syro-phénicienne païenne » est suivi de la guérison d’un homme sourd et à l’élocution embarrassée. Cet homme est dépendant, il est amené par d’autres, et on vient supplier Jésus de lui imposer les mains. Scène habituelle en Marc. Ce parcours : 1. amener ; 2. supplier ; 3. toucher, n’est-ce pas l’expression d’une intercession en quête d’exaucement ?

Un accueil fruit d’un témoignage

Nous nous souvenons qu’en territoire de la Décapole, Jésus avait libéré un démoniaque gravement possédé (Mc 5, 1-20). Jésus n’avait pas voulu l’agréger au groupe des disciples, mais l’avait renvoyé témoigner dans son pays. Et de fait, maintenant, l’attitude des habitants paraît avoir changé, comme si une véritable conversion s’était opérée : ils supplient Jésus de guérir un des leurs en lui imposant la main, comme Jaïre pour sa propre fille (5,23). Hier chassé comme un démon, hors de la Décapole, Jésus est maintenant attendu et espéré. Le témoignage d’une grâce reçue personnellement ouvre le cœur des autres à l’attente de Jésus.

Une pédagogie par les signes

Jésus emmène le sourd à l’écart de ceux qui le lui ont présenté. Cette séparation est comme le signe d’un nouveau départ : il va sortir de la dépendance créée par son isolement, il va retrouver la capacité à communiquer. Puisque cet homme est sourd, Jésus va utiliser le langage des signes,

Jésus laisse à voir son désir de le guérir en posant les mêmes gestes que les guérisseurs de l’époque : il met deux doigts dans les oreilles du sourd et lui touche la langue avec un doigt humecté de salive. Mais surtout, il « lève les yeux au ciel », pour signifier à cet homme d’où va venir la guérison : c’est la puissance de Dieu qui va se manifester.Il soupire, comme pour reprendre à son compte le gémissement de l’humanité souffrante, la longue plainte des malades chroniques.

Puis vient la parole, « Effata ! », Ouvre-toi : c’est un ordre et un programme de vie, une parole qui agit à un double niveau. 1. Elle guérit le corps, ouvre les oreilles et délie la langue. 2. Elle interpelle l’homme ; c’est lui qui doit lire sur les lèvres de Jésus cette consigne qui va boule verser sa vie.

Une si belle recréation

Ce toucher d’un infirme, proche du façonnage ou du pétrissage, évoque un peu une création, et l’exclamation des témoins qui dit l’excellence (kalos, bon) de cette action, fait penser au refrain du récit de la Genèse : « et Dieu vit que cela était bon » (Gn 1,8). En même temps, il y a une allusion à la prophétie d’Isaïe 35 (proclamée en 1ère lecture) : « Alors… s’ouvriront les oreilles des sourds… et la bouche du muet criera de joie ». Et le tout est placé avec humour sur les lèvres d’une foule païenne… Ainsi est manifestée la puissance recréatrice du Christ ; par son Effata, il délie les entraves et ouvre à la communication.

Veux-tu guérir ?

C’est le première fois que Jésus guérit un « sourd ». Or, l’appel à l’ÉCOUTE est depuis le chapitre 4 l’invitation majeure que Jésus adresse aux foules, et de façon encore plus insistante aux disciples, dont l’inintelligence est soulignée : « ils n’avaient rien compris au sujet des pains : leur cœur était endurci » (6, 52).

Poursuivant la lecture de Marc, on constate au chapitre suivant la guérison d’un aveugle (8,22- 26) racontée de façon très proche, avec de nombreuses ressemblances. Ces deux malades anonymes, frappés de surdité, d’élocution difficile, d’aveuglement, représentent un peuple qui ne voit pas les signes de Dieu, qui n’écoute pas et ne comprend pas sa parole.

C’est la double guérison dont les disciples ont besoin, et, qui sait, nous-mêmes aussi… Car notre surdité à la Parole divine pourrait bien être ce qui nous rend muets et timides. Faute d’entendre la Parole de Dieu, nous ne trouvons plus de mots pour lui parler ou pour parler de lui. Viens, Jésus, prononcer sur nous la parole « Effata », afin de nous rendre perméables à ta parole et ardents pour la louange et le témoignage.

Alors s’ouvriront les oreilles des sourds