La Trinité, un mystère pour les humbles

(Fête Trinité B — Mt 28, 16-20) Prêcher en la fête de la Sainte Trinité est toujours un exercice délicat. La tentation est grande de se lancer avec zèle dans une catéchèse aux allures de cours théologique sur chacune des personnes, leur unique nature, leur égale majesté (préface) ou bien dans une composition imagée, de paraboles pour éclairer notre foi en la Trinité, éternelle et sainte, comme en son indivisible Unité (prière après la communion). Cependant, nous pouvons nous interroger à propos de ce que notre foi en la Trinité apporte à notre vie quotidienne.

Jésus, le Fils qui donne sa vie

Tout part de Jésus, le Fils. Il nous révèle la vérité du Dieu-Père : Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle (Jn 3,16). Ce Fils est venu dans la chair, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes (Ph 2,3-7), dédaignant les honneurs mondains pour être auprès des pécheurs, des malades, des plus fragiles… Sans les paroles du Fils, impossible de connaître le coeur du Père. Et sans le regard porté sur la Croix, impossible de connaître l’Amour trinitaire de don. Ainsi notre foi au Fils nous invite à ne pas nous comporter comme des « enfants gâtés » du Père, immatures, à qui tout serait dû en raison de leur adoption, de leur élection. Car notre seul héritage glorieux passe par la croix : Héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire. (Rm 8,17).

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Le Père, Abba qui donne vie

Le Dieu que nous révèle le Fils et que l’Esprit Saint diffuse en nos coeurs, nous libère d’un Dieu certes Créateur maisd’abord Tout-Puissant : Dieu n’est pas un potentat qui tiendrait les hommes en sa main comme un maître ses esclaves. Terrible danger que de centrer sa foi sur une toute-puissance qui ne s’exprimerait que dans le feu, par des signes, des prodiges et autres exploits terrifiants…

Certes le livre du Deutéronome reprend cette représentation mais il veut exprimer ici que ces « prouesses » de Créateur Tout-Puissant furent au service d’un petit peuple soumis à la servitude de Pharaon. « Est-il un dieu qui ait entrepris de se choisir une nation, de venir la prendre au milieu d’une autre, à travers des épreuves, des signes, des prodiges et des combats, à main forte et à bras étendu, et par des exploits terrifiants – comme tu as vu le Seigneur ton Dieu le faire pour toi en Égypte ? » (Dt 4, 32-40).

Jésus qui lave les pieds de ses disciples, Jésus qui souffle sur nous pour nous envoyer l’Esprit de don, nous délivre de tout exercice d’une autorité paternaliste bienveillante, mais aussi infantilisante, voire tyrannique et meurtrière.

L’Esprit Saint qui nous fait vivre

Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! (Rm 8,15). Le paraclet promis par le Christ est une personne, qui nous façonne à l’image du Fils et qui se fait notre guide : « tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu ». Il n’est pas une énergie vitale impersonnelle, manipulable à souhait pour notre bien-être. Il ne fait pas non plus de nous des surhommes, des super-héros, mais les disciples d’un Dieu qui se donne à tous avec simplicité, humilité. Sans cesse, le Saint Esprit nous libère de l’esclavage des valeurs mondaines, pour nous rendre disponibles à la communion divine. Le Paraclet, comme Jésus nous l’a dit, nous protège de la contamination de l’esprit du monde. Comme nous avons besoin de l’appeler chaque jour !

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit

« Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ». Cette phrase, ce geste, rabâchés sans trop y faire attention, sont ainsi menacés de perdre leur densité. C’est pourtant avec ces mots-là que nous avons été baptisés, que nous nous signons à chaque eucharistie, lors des sacrements, dans nos prières et à l’occasion de bénédictions… Et ce signe de croix doit être fait avec respect, amour et intériorité. Jacqueline Aubry, la voyante de l’Ile Bouchard (1947) décédée en 2016, possédait une remarquable pédagogie pour nous partager « comment la Vierge Marie faisait le signe de croix »…

La Trinité, ce n’est pas un concept divin compliqué. Plus nous acceptons de nous simplifier, plus nous pouvons accueillir le mystère. D’abord nous laisser habiter par l’Esprit avec humilité. Ensuite accepter Jésus comme un frère divino-humain, avec humilité encore. Enfin appeler Dieu Abba, Père,toujours avec humilité.

Celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas.