La Vierge de Rome

Le cardinal Stanislas Rylko, archiprêtre de la basilique papale Sainte-Marie-Majeure, parle de l’icône mariale la plus aimée et la plus honorée de Rome, dans L’Osservatore Romano daté du 26 janvier 2018. Sur le site Zenit.org

La basilique papale de Sainte-Marie-Majeure est le plus ancien sanctuaire marial non seulement de Rome mais de tout l’occident. Construite par (le pape) Libère au IVème siècle, elle fut ensuite restaurée et agrandie par Sixte III à l’occasion du concile d’Ephèse (431), qui définit le dogme de la divine maternité de Marie. Elle est la seule des basiliques papales romaines à avoir conservées intactes les structures paléochrétiennes d’origine, bien qu’enrichies d’ajouts successifs. Plus de seize siècles d’histoire donc, pour un monument extraordinaire de foi et d’amour pour la Mère de Dieu.

Chaque année, le dernier dimanche de janvier, la basilique accueille la célébration de la fête de la Translation de l’icône Salus populi Romani, pour rendre grâce à cette sainte image aux évidents caractères orientaux et caractérisée, selon la tradition, par de nombreux événements miraculeux. La fête est très ressentie par les romains qui y participent nombreux. Ils voient en cette icône leur Vierge, leur vierge de Rome, l’icône mariale la plus aimée et la plus honorée, au point de l’assimiler à un palladium, c’est-à-dire un bouclier pour la ville. Dans la chapelle Pauline, où elle est conservée, il y a toujours quelqu’un en prière et la basilique est parmi les lieux les plus fréquentés par les romains et les pèlerins.

Pour comprendre la portée spirituelle de cette image, il faut dire qu’il s’agit d’une icône, et d’une icône très ancienne. L’icône n’est jamais qu’une image, mais une invitation à aller au-delà de sa simple représentation pour entrer dans une autre dimension, comme un pont entre l’humain et le divin. C’est là son secret le plus profond. L’icône est ensuite une présence, en ce sens qu’elle rend présent ce qu’elle représente. On peut donc parler d’une mystique particulière des icônes, qui nous permet de vivre une vraie rencontre avec Dieu, avec Marie et avec les saints.

Mais encore, les icones regardent. Elles sont regardées, mais elles regardent aussi. Dans les icônes, le regard de Jésus, de sa mère, est sérieux, pénétrant et, en même temps, tendre et plein d’amour. C’est un regard capable de transformer la vie. Ajoutons enfin, que chaque icône, entourée de la piété populaire, est une invitation à la prière, car elle confirme la foi et l’espérance d’entières générations de fidèles qui, tout au long de l’histoire, devant elle, ont prié et ne sont pas restés déçus.

Ce préambule est nécessaire pour comprendre le phénomène spirituel de l’icône de la Salus populi Romani et l’extraordinaire dévotion, l’amour du peuple de Dieu, qui l’entoure depuis des siècles.

L’image appartient à la tradition des icones attribuées à saint Luc, mais en réalité selon des études plus récentes, elle serait l’œuvre d’un auteur anonyme datée entre le IX et le XIIème siècle. Elle représente Marie avec son Fils dans les bras qui, d’une main bénit et de l‘autre tient le livre. Il s’agit d’une Vierge Hodigitria, c’est-à-dire celle qui indique le chemin du Christ, son Fils. Les visages de la Mère de Dieu et de l’Enfant Jésus sont d’une beauté fascinante : leurs yeux nous fixent d’un amour pénétrant. Dans la main gauche, Marie, tient un mouchoir, prête à sécher les larmes de ceux qui s’adressent à elle en pleurant et lui demandent son secours. Les lettres grecques dans le fond sont les abréviations de mèter theoù, « mère de Dieu », selon la définition du concile d’Ephèse.

Cette sainte effigie est liée à Sainte Marie Majeure. Depuis 1256 elle était placée dans la nef centrale de la basilique, avant d’être déplacée en 1613 dans la chapelle Pauline construite pour elle par Paul V. Le peuple de Rome s’adressait à la Vierge pour lui présenter tous ses besoins, spécialement pendant les épidémies de peste, les catastrophes naturelles ou les guerres, quand elle était portée en procession dans les rues de la ville. Ainsi, les événements les plus importants de la vie religieuse et de la vie civile ont trouvé écho devant la Salus populi Romani. En 1931, pour le quinzième centenaire du concile d’Ephèse, Pie XI organisa à Rome un congrès spécial pour honorer la Salus populi Romani. Pie XII lui rendit hommage à l’occasion de la proclamation du dogme de l’Assomption, en 1950 et puis, en 1954, lors de la première année mariale, il couronna l’icône. Jean Paul II confia l’image aux jeunes pendant la journée mondiale de la jeunesse à Rome en 2000. « Dorénavant, avec la Croix, celle-ci accompagnera les Journées mondiales de la jeunesse. Elle sera le signe de la présence maternelle de Marie, à côté des jeunes, appelés comme l’apôtre Jean, à l’accueillir dans leur vie » annonça le pape à l’angélus du 13 avril 2003.

La Salus populi Romani est une des icones mariales les plus connues et les plus répandues, souvent sous des noms différents, souvent indiquée comme modèle pour l’iconographie de la Vierge. En Pologne, par exemple, sont vénérées plus de 350 copies de cette image et 37 d’entre elles ont été couronnées par les papes. La première copie officielle fut réalisée en 1569 avec la permission de Pie V, à la demande de Francesco Borgia, préposé général des jésuites et grâce à l’appui du Cardinal Charles Borromée, archiprêtre de la basilique. Cette copie est conservée dans la cellule de saint Stanislas Kostka, en l’église Saint-André au Quirinal. Francesco Borgia donnait une copie de l’icône à tous les jésuites qui partaient en mission. Matteo Ricci l’emporta en Chine et l’offrit à l’empereur chinois.

Cette année la cérémonie de la translation de la Salus populi Romani aura un caractère spécial. Pour la première fois elle sera présidée par le pape François, qui lui est très attaché et qui, comme archevêque de Buenos Aires ne manquait pas de visiter la basilique, durant ses visites à Rome. A peine élu pape, il s’est rendu aussitôt à Sainte-Marie-Majeure pour confier à la Salus populi Romani son pontificat et prier devant l’image dans la basilique, comme à chaque fois avant et après ses voyages internationaux, en lui offrant des fleurs. « Beau titre » que celui de l’image « pour que Marie nous sonne la santé, elle est notre santé » et ce qu’a dit le pape le 4 mai 2013, moins de deux mois après son élection : « elle est la mère qui nous donne la santé durant la croissance, nous donne la santé pour affronter et surmonter les problèmes, nous donne la santé pour nous rendre libres dans nos choix définitifs ; la mère qui nous apprend à être féconds, à être ouverts à la vie et à être toujours féconds de biens, féconds de joie, féconds d’espérance, à ne perdre jamais l’espérance, à donner sa vie aux autres, la vie physique et spirituelle ».

La fête de la translation du 28 janvier prochain aura d’autant plus un caractère particulier qu’elle coïncidera avec le retour de l’icône à la basilique, après une longue et minutieuse restauration des Musées du Vatican. Après tant d’années, en effet, il a fallu soumettre aussi cette vénérable icône à des travaux de restauration. Le temps qui passe avait laissé des signes évidents de détérioration et avait assombri le visage de la Vierge et celle du Fils. On a donc voulu redonner à l’image son éclat d’antan, pour ensuite la placer dans l’autel de la chapelle Pauline qui lui est consacrée, également restauré, en digne trône de la Mère de Dieu.

Les romains ont accueilli cette nouvelle avec grande joie et le 28 janvier prochain ils reviendront témoigner leur foi et leur amour à leur Vierge Marie, invoquant son intercession et priant pour Rome, pour l’Eglise et tout particulièrement pour le pape François.

Traduction de Zenit, Océane Le Gall