Les charismes, des dons spirituels

Comme le souligne le P. Yves Jehanno dans son livre « L’enjeu du Renouveau charismatique » (p. 83), Saint Paul donne une excellente définition des charismes en 1 Co 12,7 : « A chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun » :

* « à chacun » : ce ne sont pas des privilèges d’une rare élite ; personne n’en est écarté a priori. Les Corinthiens n’étaient pas une élite !

* « la manifestation » : il y a donc une visibilité, une évidence, une perception extérieure.

* « de l’Esprit est donnée » : ce sont aussi des dons de l’Esprit Saint.

* « en vue du bien commun » : ils sont pour « le corps » ecclésial, pour la communauté, pour édifier les autres, comme le souligne tout le chapitre ».

SEPT TEXTES BIBLIQUES

Le Nouveau Testament contient plusieurs listes de charismes. Il est intéressant de les regarder et de les comparer.

1. La liste des dons spirituels la plus connue est celle de 1 Corinthiens 12, 4-11 ; ce sont, pourrait-on dire, les charismes extraordinaires :

« Il y a, certes, diversité de dons spirituels, mais c’est le même Esprit ; diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur ; diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous. À chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun.

– À l’un, c’est une parole de sagesse qui est donnée par l’Esprit ;

– à tel autre, une parole de science, selon le même Esprit ;

– à un autre la foi, dans le même Esprit ;

– à tel autre, les dons de guérison, dans l’unique Esprit ;

– à tel autre la puissance d’opérer des miracles ;

– à tel autre la prophétie ;

– à tel autre le discernement des esprits ;

– à un autre la diversité des langues,

– à tel autre le don de les interpréter.

Mais tout cela, c’est l’unique et même Esprit qui l’opère, distribuant ses dons à chacun en particulier, comme il l’entend ».

2. Un autre passage des lettres de Paul, Romains 12,3-8, contient également une liste de dons spirituels qui mentionne des charismes plus ordinaires au service de la vie de la communauté :

« Au nom de la grâce qui m’a été donnée, je le dis à tous et à chacun : ne vous surestimez pas plus qu’il ne faut vous estimer, mais gardez de vous une sage estime, chacun selon le degré de foi que Dieu lui a départi. Car de même que notre corps en son unité possède plus d’un membre et que ces membres n’ont pas tous la même fonction, ainsi, nous, à plusieurs, nous ne formons qu’un seul corps dans le Christ, étant, chacun pour sa part, membres les uns des autres.

Mais, pourvus de dons différents selon la grâce qui nous a été donnée,

– si c’est le don de prophétie, exerçons-le en proportion de notre foi ;

– si c’est le service, en servant ;

– l’enseignement en enseignant ;

– l’exhortation, en exhortant.

– Que celui qui donne le fasse sans calcul ;

– celui qui préside, avec diligence ;

– celui qui exerce la miséricorde, en rayonnant de joie ».

3. En revenant au même chapitre de la 1° lettre aux Corinthiens, on trouve également une liste composée à la fois de ministères et de dons spirituels ; la comparaison avec la première liste fait comprendre que les ministères de l’Église s’enracinent dans l’exercice habituel des dons spirituels.

« Or, vous êtes, vous, le corps du Christ, et membres chacun pour sa part.

Et ceux que Dieu a établis dans l’Église sont premièrement les apôtres, deuxièmement les prophètes, troisièmement les docteurs…

Puis il y a les miracles, puis les dons de guérisons, d’assistance, de gouvernement, les diversités de langues. Tous sont-ils apôtres ? Tous prophètes ? Tous docteurs ? Tous font-ils des miracles ? Tous ont-ils des dons de guérisons ? Tous parlent-ils en langues ? Tous interprètent-ils ? » (1 Co 12,27-30).

4. Dans la lettre aux Ephésiens 4,11-13, nous trouvons une liste qui concerne uniquement les ministères :

« C’est lui qui a donné aux uns d’êtres apôtres, à d’autres d’être prophètes, ou encore évangélistes, ou bien pasteurs et docteurs, organisant ainsi les saints pour l’œuvre du ministère, en vue de la construction du Corps du Christ… »

5. La 1° lettre de Pierre 4,10-11 souligne clairement que les dons spirituels sont au service des frères et pour la gloire de Dieu :

« Mettez-vous, chacun selon la grâce qu’il a reçue, au service les uns des autres, comme de bons administrateurs de la grâce de Dieu, variée en ses effets. Si quelqu’un parle, que ce soit pour transmettre les paroles de Dieu ; si quelqu’un assure le service, que ce soit avec la force que Dieu accorde, afin que, par Jésus-Christ, Dieu soit totalement glorifié, lui à qui appartiennent gloire et domination pour les siècles des siècles. Amen ! »

6. L’évangile selon saint Marc (16,17-18) dans sa « finale » met les charismes en relation avec l’ordre de Jésus d’évangéliser, en citant « les signes qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom, ils chasseront les démons, ils parleront en langues nouvelles, ils saisiront des serpents, et s’ils boivent quelque poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux infirmes et ceux-ci seront guéris ». Les charismes sont ici les « signes » qui accréditent la Parole…

7. Dans l’évangile selon saint Matthieu (7,21-23), Jésus souligne que l’exercice des charismes n’est pas, de soi, un signe de sainteté : le vrai chrétien se remarque aux actes conformes à la Parole de Dieu, et non pas aux charismes : « Ce n’est pas en me disant : « Seigneur, Seigneur », qu’on entrera dans le Royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Beaucoup me diront en ce jour-là : « Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé ? en ton nom que nous avons chassé les démons ? en ton nom que nous avons fait bien des miracles ? Alors je leur dirai en face : « Jamais je ne vous ai connus ; écartez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité »

Ces sept textes soulignent l’importance des charismes. Les talents naturels, fussent-ils remarquables, sont insuffisants pour le ministère ; les charismes apportent la base surnaturelle nécessaire à l’exercice des différents ministères dans l’Église.

FAUT-IL CLASSER LES CHARISMES ?

On pourrait citer de nombreuses tentatives de classification. En voici deux, par exemple, parmi d’autres.

1. Le Père Emiliano Tardif, (Tychique n° 37, mai 82) les distingue selon la configuration de la communauté à la personne de Jésus :

* Prier comme Jésus : don des langues

* Penser comme Jésus : discernement ; interprétation des langues ; (images intérieures).

* Parler comme Jésus : parole de sagesse ; parole de connaissance ; foi charismatique ; prophétie.

* Agir comme Jésus : guérison, miracles.

2. Pat Collins, religieux, théologien à Dublin, les regroupe suivant leurs manifestations (Tychique n° 99, sept. 92) :

* « Les « dons de Parole »: de sagesse, de connaissance, de prophétie, de prédication, d’enseignement, sont nécessaires pour annoncer la Bonne Nouvelle (…) ».

* Les « dons de puissance » comprenant la guérison, les miracles, et l’exorcisme sont des manifestations de la Bonne Nouvelle démontrant la vérité de l’annonce de l’Évangile d’une manière visible et libératrice.

* Puis il y a les « dons de service » pour administrer, gouverner, guider, discerner. Ils sont aussi signes de la Bonne Nouvelle de l’amour et de la miséricorde du Seigneur, et manifestent ses implications dans la vie de tous les jours.

* Enfin, il y a les « dons de prière » tels que l’intercession ou le chant en langues, pour être remplis et guidés par l’Esprit, et ainsi contempler et louer le Seigneur à partir de notre cœur ».

3. Carlos Aldunate , jésuite chilien, dans son livre « La voie des charismes » (Fidélité, 1994-1997), après avoir parlé de la prière en langues, distingue :

* les charismes d’illumination : parole de science, parole de sagesse, discernement des esprits, visions et locutions

* la prophétie et l’enseignement, l’interprétation des langues

* les charismes d’action : les miracles, le charisme de foi, les dons de guérison

TROIS TEXTES DU MAGISTÈRE DE L’ÉGLISE

Il est prudent de ne pas enfermer les charismes dans une classification rigide ou limitée. En effet, « les charismes sont extraordinairement variés, et à l’intérieur d’un même charisme, nous en trouvons différentes expressions. Paul ne parle pas d’un charisme de guérison ou de discernement, mais des charismes de guérison, des discernements des esprits (1 Co 12,9-10). Il est bien difficile de faire une énumération complète des charismes à travers les principaux textes du Nouveau Testament, et on ne saurait les limiter à ceux qui y sont spécifiquement mentionnés » (P. Albert de Monléon, « L’expérience des charismes », Suppt Tychique n° 9, 1977, p. 17).

Les trois textes du magistère insistent sur la grande diversité et variété des charismes…

* L’enseignement du Concile Vatican II (1963-65) annonçait d’une manière prophétique l’éclosion actuelle des charismes, lorsque les Évêques parlaient des charismes dans deux documents :

– La Constitution sur l’Église : « L’Esprit habite dans l’Église et dans le cœur des fidèles comme dans un temple, en eux il prie et atteste leur condition de fils de Dieu par adoption. Cette Église… il l’équipe et la dirige grâce à la diversité des dons hiérarchiques et charismatiques, il l’orne de ses fruits » (L.G. n° 4).

« L’Esprit Saint ne se borne pas à sanctifier le peuple de Dieu par les sacrements et les ministères, à le conduire et à lui donner l’ornement des vertus, il distribue aussi parmi les fidèles… les grâces spéciales qui rendent apte et disponible pour assumer les diverses charges et offices utiles au renouvellement et au développement de l’Église, suivant ce qu’il est dit : « C’est toujours pour le bien commun que le don de l’Esprit se manifeste dans un homme » (1 Co 12,7). Ces grâces, des plus éclatantes aux plus simples et aux plus largement diffusées, doivent être reçues avec action de grâce et apporter consolation, étant avant tout ajustées aux nécessités de l’Église et destinées à y répondre. Mais les dons extraordinaires ne doivent pas être témérairement recherchés ; ce n’est pas de ce côté qu’il faut espérer présomptueusement le fruit des œuvres apostoliques ; c’est à ceux qui ont la charge de l’Église de porter un jugement sur l’authenticité de ces dons et sur leur usage bien entendu. C’est à eux qu’il convient spécialement, non pas d’éteindre l’Esprit, mais de tout éprouver pour retenir ce qui est bon (cf. 1 Th 5,12.19-21) » (L.G. n° 12).

– Le décret sur l’Apostolat des laïcs, n° 3 : « Pour l’exercice de cet apostolat, le Saint Esprit qui sanctifie le peuple de Dieu par les sacrements et le ministère accorde en outre aux fidèles des dons particuliers (cf. 1 Co 12,7), les « répartissant à chacun comme il l’entend » (cf. 1 Co 12,11) pour que tous et « chacun selon la grâce reçue se mettant au service des autres » soient eux-mêmes « comme de bons intendants de la grâce multiforme de Dieu » (1 P 4,10), en vue de l’édification du corps tout entier dans la charité (cf. Ep 4,16). De la réception de ces charismes, même les plus simples, résulte pour chacun des croyants le droit et le devoir d’exercer ces dons dans l’Église et dans le monde… » (A.A. n° 3).

* Le pape Jean-Paul II dans l’exhortation apostolique sur les « Fidèles laïcs » (1988, n° 24)

« Le Saint Esprit, en confiant à l’Église-Communion les différents ministères, l’enrichit d’autres dons et impulsions particulières, appelés charismes. Ceux-ci peuvent prendre les formes les plus diverses, soit comme expression de la liberté absolue de l’Esprit qui les accorde, soit comme réponse aux multiples exigences de l’histoire de l’Église. La description et la classification que nous fournissent de ces dons les textes du Nouveau Testament sont un signe de leur grande variété. (…) Les charismes sont à accueillir avec reconnaissance par celui qui les reçoit, mais aussi par tous les membres de l’Église ».

2 réflexions sur « Les charismes, des dons spirituels »

  1. On ne peut jamais être sûr.
    En effet, « l’inspiration divine » n’est attachée qu’à la Parole de Dieu transmise en Église, et au magistère extraordinaire de l’Église.
    Notre acte de foi doit alors être total.

    Le reste, c’est le reste.

    Le charisme est un don de l’Esprit Saint qui traverse celui ou celle qui le reçoit; ses « produits » sont donc « teintés » du psychisme, de la culture, et de l’état spirituel du transmetteur. Il n’y a jamais de « produit charismatique spirituellement pur ». C’est là l’erreur commise très habituellement, jusqu’à prétendre donner plus de crédibilité à l’écriture automatique ou à la locution directe, à cause de l’aspect d’immédiateté !

    Un minimum, voire un maximum de précautions s’imposent :
    – Le transmetteur est-il reconnu comme ayant un charisme affirmé et mûr ? A-t-il déjà délivré ailleurs des messages portant de bons fruits ?
    – Le « produit » a-t-il été discerné par l’assemblée et ses responsables comme recevable ?
    – A-t-il été accueilli avec joie par une personne (voir plusieurs s’il y a phénomène de « ricochet »)
    – A-t-on laissé passer du temps pour en voir et en discerner les fruits de conversion et de sanctification ?

    Le fait que le charisme soit exercé en milieu évangélique ou catholique n’a guère d’importance pour la validité de l’inspiration, sauf que la teinture donnée par le transmetteur sera différente…

    En tout cas, ne mettons jamais le fuit d’un charisme au même niveau d’inspiration qu’une parole biblique transmise et commentée en Église, ou qu’une parole magistérielle de l’Église.

    Donc n’engageons jamais nos vies dans une direction précise uniquement à partir d’une expression charismatique…

    À bientôt.

  2. Peut on être sûr que les charismes tels la parole de connaissance, ou la prophétie sont bien inspirées de l’Esprit Saint. j’ai assisté plusieurs fois à des cultes évangéliques et pentecotistes, et entendu plusieurs paroles très troublantes. Bien que protestants, ces personnes sont aussi chrétiennes et ma question les vise tout autant que le renouveau catholique.

Les commentaires sont fermés.