Lv 19,1-18 ; 1 Co 3,16-23 ; Mt 5,38-48.
« Bienheureux les artisans de paix, car eux, ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9). Bienheureux ceux qui travaillent inlassablement à faire la paix… les ouvriers de réconciliation… les agents de la non-violence… ceux qui pardonnent à leurs ennemis… ceux qui promeuvent une justice sociale source de paix… Ils sont à l’image de Jésus le Fils de Dieu venu donner à l’humanité la paix du Père. « Ainsi serez-vous fils de votre Père qui est aux cieux » (5, 45).
Jésus cible trois obstacles à la paix : la duplicité du langage, l’exigence procédurière du châtiment, la haine discriminatoire… Et propose trois combats pour être des artisans de paix : la vérité du langage (5, 33-37), l’amour envers le malfaisant (5, 38-42), et l’amour envers l’ennemi (5, 43-48).
Le combat pour la vérité du langage
Du serment à la vérité. Jésus, à nouveau, reprend l’un des dix commandements (Ex 20, 7 ; Dt 5, 11 : « Tu ne prononceras pas le nom de Yavhé ton Dieu à faux ») qui concerne le serment. Jésus ne dénonce pas seulement le risque de parjure, il déclare qu’il ne faut pas jurer du tout. Et il ajoute que notre langage doit être absolument vrai. Les paroles de la bouche doivent énoncer la vérité qui est dans le cœur. La seule garantie de notre langage est notre refus du mensonge par amour de la vérité. Le langage est le creuset où se construit la confiance, un lieu d’engagement par la parole donnée…
Le combat pour l’amour envers le malfaisant
De l’obsession procédurière du châtiment à l’offrande de soi. Ici, il ne s’agit pas de l’un des dix commandements, mais de l’énoncé de la loi du talion en Ex 21, 24, qui proportionne le châtiment à l’offense subie, ce qui a le mérite de la clarté, à la différence de la vengeance excessive qui est aveugle. Jésus va beaucoup plus loin en nous invitant à proportionner un amour surabondant et excessif à la violence, à l’injustice, ou à la contrainte dont nous sommes victimes. Et au-delà de ces situations, il nous recommande de cultiver la largesse et la générosité du cœur : ne pas mettre de limite pour donner, de frein pour partager… Ces quelques versets sont sans doute pour nous parmi les plus durs à mettre en actes : Jésus y parle de l’amour envers celui qui a des intentions mauvaises, un cas qui se présente toujours à nous.
Le combat pour l’amour envers l’ennemi
De la haine discriminatoire à la charité. Seule la première partie de ce commandement (« Tu aimeras ton prochain ») se trouve dans la Bible (Lv 19, 18). Mais « tu haïras ton ennemi » exprime cependant le sens général de bien des passages bibliques. Jésus aura l’occasion de répondre à la question : « Et qui est mon prochain ? » (Lc 11, 29) par la parabole du bon samaritain : exerce la miséricorde envers tout homme dans le besoin. Il enseigne résolument l’amour de tout homme, l’amour universel, et donc l’amour de l’ennemi. C’est plus que l’amour de l’adversaire. C’est l’amour de celui qui a de la haine envers moi au point de me persécuter, ou de celui que je hais au point de vouloir lui faire du mal… C’est aussi le refus des prescriptions de haine ; et le refus d’entretenir un état d’esprit de racisme et de discrimination… Il s’agit de devenir les fils du Père des cieux, d’être parfaits en amour comme lui.
« Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait »
Ce verset 48 est comme un point d’orgue. On pressent que cette perfection dans les fruits de sainteté, au niveau des actes concrets d’amour, n’est possible que si l’on est profondément enraciné dans le Christ vivant… et c’est la partie suivante. La sainteté chrétienne porte des fruits nourris aux racines spirituelles de la pauvreté d’esprit.
Jésus révèle donc le sens profond de la Loi qu’il donnera pleinement à voir lors de sa Passion (cela affleure à travers l’évocation de la gifle, du manteau puis du procès…). Dans ce chapitre de l’Évangile de Matthieu (Mt 5), la Parole de Jésus fait entendre bien plus qu’une interprétation de la Loi de Moïse. Jésus se présente comme celui qui la vit et la vivra dans l’acte de donner sa vie à la croix en y révélant ainsi le vrai visage du Père, « Notre Père ».
C’est ainsi qu’en Matthieu, la prière du Notre Père (Mt 6, 9-13) sera le cœur, l’organe vital, de l’enseignement de Jésus lors de ce discours sur la montagne. C’est ce Père céleste et parfait, que par toute sa vie jusqu’à la croix, jusqu’au tombeau vide, Jésus manifestera au monde. L’agir du disciple est ainsi à l’image de l’agir de Dieu qui persiste à faire lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et à l’image des actions du Christ dans sa Passion.
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