Cardinal Ambongo : « L’Afrique est l’avenir de l’Église, c’est une évidence »
La Croix, 21 février 2023, recueilli par Guy Aimé Eblotié
Le cardinal et archevêque de Kinshasa (République démocratique du Congo), Mgr Fridolin Ambongo, a été élu président du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et Madagascar (Sceam) au cours d’une réunion extraordinaire qui s’est tenue à Accra (Ghana), du 14 au 17 février. Il s’est confié, samedi 18 février, en marge de la messe d’ordination de Mgr Joseph Aka, nouvel évêque de Yamoussoukro, qu’il présidait.
La Croix : Il y a quelques semaines, le pape était dans votre pays, la RDC. Que peut-on retenir de ce voyage et quel était son message à l’Afrique tout entière ?
Cardinal Fridolin Ambongo : La première chose que nous retenons, c’est le bonheur que nous avons expérimenté avec la visite du Saint-Père. Il y avait comme une unanimité autour de l’expérience vécue. Les quatre jours vécus avec le pape ont été pour le peuple congolais dans sa souffrance une véritable expérience du mont Thabor (lieu de la transfiguration, NDLR).
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Au-delà de cette émotion, de cette sensation de bonheur, le plus important est le message que le pape a apporté. Vous savez que le Congo est un pays martyrisé par la rapacité de tous ceux qui veulent prendre ses richesses. Le seul qui n’en profite pas, c’est le peuple congolais. Et le pape a identifié cela dans son mot, il a présenté le pays comme un diamant. Un diamant que tout le monde veut avoir, mais on veut avoir le diamant sans les Congolais. Il a utilisé cette expression très forte en s’adressant à tous les prédateurs : « Retirez vos mains du Congo, retirez vos mains de l’Afrique. » Et je crois que ce message vaut non seulement pour le Congo, mais aussi pour toute l’Afrique.
Au sujet de l’Afrique, celle-ci est souvent présentée comme l’avenir de l’Église. Quelles sont les données objectives qui le font penser ?
C. F. A. : L’Afrique est l’avenir de l’Église, c’est une évidence. Nous n’avons qu’à voir des données objectives, les statistiques. Je crois que vous connaissez la situation de l’Église en Europe. L’Église en Europe est en train de mourir, et quand vous allez dans les églises, elles sont vides. Les personnes qui y viennent généralement sont âgées au-delà de 70 ans. Quand ces personnes ne seront plus là, qui va fréquenter leurs églises ?
Par contre quand vous allez dans le Sud, en Afrique, l’Église est en croissance, en quantité mais aussi en qualité. Tout laisse croire que l’avenir de l’Église est en Afrique parce qu’aussi, en Afrique, quand vous allez partout il y a des jeunes. Et c’est ce qui avait impressionné le pape à Kinshasa, il se demandait d’où venait toute cette jeunesse. Les jeunes symbolisent le dynamisme. Au cours de sa rencontre avec les jeunes au Stade des martyrs de Kinshasa, le pape a fait une catéchèse en utilisant les cinq doigts de la main. Et les jeunes ont été frappés par cette catéchèse du pape qui les provoquait même. Ils réagissaient aux provocations du pape, et c’était un moment extraordinaire.
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Je crois que cette jeunesse qui est en Afrique, nous devons la soigner. Le problème est qu’on ne la soigne pas, on ne lui donne pas d’espoir, l’espérance d’un lendemain meilleur. C’est pourquoi, des fois, notre jeunesse nous désespère et croit que le paradis est ailleurs. Cela se termine par des drames que nous connaissons. Nous devons prendre soin de notre jeunesse parce qu’elle est vraiment l’avenir de notre société, l’avenir de notre Église.
Vous venez d’être porté à la tête du Sceam. Quelles sont vos priorités pour ce nouveau mandat ?
C. F. A. : La première priorité, c’est la finalisation du processus synodal. Nous sommes maintenant dans la phase continentale de la célébration du Synode sur la synodalité. À partir du 1er mars nous serons tous à Addis-Abeba (Éthiopie) pour la célébration de cette phase. Pour le reste, c’est tout le travail de la pastorale d’évangélisation en profondeur en Afrique mais aussi tous les problèmes liés à la pauvreté, à l’injustice, à l’immigration de nos jeunes gens qui abandonnent le continent pour aller chercher ce qu’ils croient être le paradis, et très souvent cela se termine par des tragédies. Tout cela nous renvoie à notre responsabilité en tant qu’Église d’Afrique.