Claire Laot, mère de famille, en responsabilité dans une entreprise de crèches
« Est-ce que je réussis ma vie en tant que chrétienne»? Pour une mère de famille nombreuse avec des responsabilités professionnelles, la question est bien plus souvent: « Est-ce que je vais réussir à finir la journée sereinement ? » ! Il est pourtant absolument nécessaire de prendre le temps de se demander si cette activité quotidienne si intense n'est pas vaine. Mais quels sont les critères pour mesurer ma réussite, et comment l'évaluer ?
Des critères quantitatifs
Sur le « plan personnel » selon le langage consacré, la mère de famille pourrait inconsciemment jauger sa réussite à son nombre d’enfants (pléthorique de préférence dans les familles catholiques ! ), à leur allure, leur politesse, leur niveau d’étude, s’ils sont sages à la messe, etc. Bref, tout ce qui va renvoyer l’image d’une vie de famille harmonieuse et bien réglée, et qui pourrait susciter suffisamment de « likes » sur un profil Facebook.
Sur le« plan professionnel » on mesure sa réussite à l’aune de son niveau de salaire, du nombre de collaborateurs que l’on manage, de ses responsabilités, de son prestige, etc.
Et ce serait bien entendu la combinaison de « la vie pro et la vie perso » qui nous permettrait d’évaluer notre réussite, selon un algorithme plus complexe que celui de Google, du type « si je divise mon salaire par le nombre d’enfants, multiplié par mes performances sportives, proportionné à la réputation de ma cuisine, puissance le nombre d’actions caritatives auxquelles je participe par semaine, alors je peux considérer que je suis pas mal positionnée sur l’échelle de la réussite » !
Tous les critères évoqués ici sont quantitatifs, c’est-à-dire qu’ils me permettent d’évaluer mon action et mes efforts propres, selon la logique « plus je m’active, plus je réussis ». Même si l’on cherche à s’en défaire, il faut reconnaître que cette méthode d’évaluation de notre vie nous colle à la peau …
Mais qu’en est-il des personnes qui ne peuvent agir du fait d’une maladie ou d’un handicap ? Et puis, avec une telle méthode, on tombe rapidement dans l’activisme ou la frustration, et le burn-out professionnel ou l’épuisement maternel ne sont pas loin …
La question du sens
Se pose alors la question du sens de nos actions, tellement célébré par les jeunes diplômés d’aujourd’hui, les bilans de compétences et autres coachings. Il est certain que contribuer à une œuvre bonne est satisfaisant et participe d’un sentiment d’accomplissement de sa vie.
Mais tant de fonctions n’ont pas une finalité évidente, et le sens de nos actions est parfois très lointain !
Il me semble qu’on ne peut pas considérer nos actions, qu’elles aient un sens profond ou non, comme un critère absolu de réussite de notre vie de chrétien, parce que ce serait estimer que notre réussite ne dépend que de nous. Je vous invite à lire cette très belle lettre d’Elisabeth Leseur dans laquelle elle écrit que « notre action [ … ] est bien peu de chose, et ne s’exerce que dans la mesure où la Providence veut bien en disposer».
Le cœur et les fruits
Je crois en effet que la réussite de ma vie de chrétienne dépend plus de mon intention que de mon action. Ou plutôt de l’intention que je mets derrière mes actions: « Estce que je me conforme à la volonté de Dieu sur moi ? », « Est-ce que j’agis selon mon cœur? », « Est-ce que je mets à profit les talents qu’il m’a donnés, selon la parabole? »
Alors quel que soit mon état, quelles que soient mes actions, je me place dans les mains de la Providence et me fais serviteur, et là est ma réussite.
Le critère de mesure est alors sans doute dans les fruits que nous portons autour de nous dans cet esprit de service, auprès de nos familles et de nos collaborateurs, du témoignage que nous leur apportons et de ce qu’ils percevront de l’amour du Christ dans nos actions et nos paroles.
Revue de la Communauté Saint Martin, n° 76, sept. 2022.