Le temps du Carême est dédié à la lecture des Écritures Saintes pour trouver le chemin de la conversion. En ce 2° dimanche de Carême, dans le récit de la Transfiguration transmis par Matthieu, Jésus est présenté comme un nouveau Moïse, l’unique Docteur des hommes. Revêtu de la gloire divine, la nuée lumineuse, il est celui que le Père nous invite à écouter.
Jésus nouveau Moïse
Matthieu est seul à noter le rayonnement du visage (v. 2 : son visage resplendit comme le soleil) ; c’est une façon d’exprimer une réminiscence du rayonnement du visage de Moïse après la théophanie du Sinaï (Ex 34, 29-35). L’origine divine de la Loi avait été symbolisée par la gloire se reflétant passagèrement sur le visage du législateur des Hébreux (cf. 2 Co 3, 7-11).
Moïse et Élie représentent la Loi et les Prophètes que Jésus est venu accomplir. Ces deux personnes avaient eu le privilège unique de s’être entretenus avec Dieu sur le Sinaï (Ex 33,19 ; 1 R 19, 9-13). Mais maintenant la montagne de la Transfiguration est le correspondant de celle du Sinaï ; ils y viennent pour s’entretenir avec le Fils de Dieu qui ne peut être que la Vérité même, qu’il faut absolument écouter. Lui ayant préparé les voies, ils ne peuvent que s’effacer devant lui.
Quand, après la vision, les disciples reviennent à eux, ils n’ont plus en face d’eux que Jésus seul. Matthieu insiste de manière insolite en écrivant : « sinon lui, Jésus, seul » (v. 9). Jésus qui demeure seul suffit ; il est désormais l’unique Docteur des hommes.
La nuée lumineuse
À peine Pierre a-t-il émis le vœu de faire trois tentes qu’une nuée lumineuse (phôteinè) recouvre d’ombre l’apparition. Cela fait songer à Ex 40, 35 : « La nuée couvrit de son ombre le Tabernacle, et la Demeure fut remplie par la Gloire de Yahvé ». Cette nuée, « lumineuse » dit Matthieu, est la gloire divine qui repose sur le Fils (comme l’Esprit qui couvre de son ombre Marie).
Ainsi, à l’intention exprimée par Pierre (dans Mt, il parle au singulier : je ferai, v. 4) de dresser trois tentes sur la montagne, comme pour faire perdurer l’expérience, le Père lui demande de se laisser instruire par son Fils bien-aimé qui, enveloppé d’une nuée lumineuse, manifeste sa gloire. Comment ne pas songer, non seulement à Yahvé qui au Sinaï révèle sa gloire (Ex 24, 16-17), et fait retentir « sa voix au milieu du feu, de la nuée et de l’obscurité » (Dt 5, 19) pour édicter ses ordonnances à Moïse et au peuple choisi ?
Pendant nos temps de prière pendant ce carême, laissons-nous saisir par l’Esprit Saint, de l’intérieur de nous-mêmes ; c’est lui qui dans l’obscurité de sa présence, invisible et non sensible, nous conduit dans l’abandon et l’obéissance pratique aux paroles de Jésus.
Écoutez-le
L’exhortation « écoutez-le » est empruntée, semble-t-il, à cette annonce d’un prophète semblable à Moise : « Yahvé, ton Dieu, suscitera pour toi, du milieu de toi, parmi tes frères, un prophète comme moi que vous écouterez » (Dt 18, 25). Cette annonce a été appliquée au Christ dans le NT lui-même (Ac 3, 20.22 ; 7, 37 ; Jn 1, 25.45 ; 6, 14 ; 7, 14). Dans l’Évangile de Matthieu, avide de rapporter les enseignements de Jésus (5 grands ensembles), on pressent l’importance exceptionnelle que doit revêtir ce « écoutez-le ».
Les apôtres tombent le visage contre terre (trait propre à Mt), comme pour témoigner qu’ils reconnaissent en Jésus le propre Fils de Dieu et leur unique Maître. Dans Ia Bible, on se prosterne la face contre terre en signe d’hommage et de vénération (Gn 17, 3 ; 1 Sm 24, 9 ; 2 Sm 9, 6 ; Dn 10, 9 ; Mt 26, 39).
Dans la déclaration céleste de la filiation divine de Jésus, Matthieu reprend les mots « en qui je me suis complu » déjà prononcés lors du Baptême au Jourdain (Mt 3, 17). En Is. 42, 1, le fait que Yahvé se complaît en son Serviteur, parfaitement soumis à ses volontés, l’habilite à jouer son rôle doctrinal et à être une « lumière pour les nations » à qui il doit apporter la Loi divine.
Jésus dira donc de façon décisive : « Vous n’avez qu’un seul maître pour vous enseigner… vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux… vous n’avez qu’un seul maître, le Christ » (Mt 23, 8-10).