Tiré de Promesses, revue de réflexion biblique
Olivier BANGERTER
L’auteur a fait ses études en théologie à Lausanne et exercé un ministère dans le cadres des Groupes Bibliques Universitaires (GBU). Il a eu l’occasion d’observer de très près les tendances de notre société et de ses futurs leaders. Olivier Bangerter est titulaire d’un doctorat en théologie de l’université de Genève et sa spécialisation porte sur l’histoire de la Réforme en Suisse. Cet article est présenté en deux parties. Dans sa première partie, l’auteur décrit l’évolution de notre monde durant les 50 dernières années. Dans sa deuxième partie il continuera à décrire les caractéristiques de cette nouvelle vision du monde et tentera de définir le rôle du chrétien dans ce nouveau contexte.
1. Introduction
Il y a une douzaine d’années, je terminais mon gymnase (lycée). Actuellement, je travaille avec des étudiants qui fréquentent de telles institutions. Le moins que l’on puisse dire est que le climat a beaucoup changé: «Il y a vingt ans, pour intéresser ses élèves, on leur parlait de marxisme. Et pour les faire rigoler, on leur parlait de Dieu. Aujourd’hui, c’est l’inverse1. » Dans les sociétés occidentales, on découvre une ouverture au spirituel, même si ce spirituel n’est pas toujours chrétien, loin de là.
Lorsque j’en discute avec des personnes plus âgées, j’entends souvent dire que «tout fout le camp» et que la jeune génération est pire que la précédente. Ce discours m’étonne et je n’arrive pas à y croire. Il n’est pas sage de croire que le passé a été meilleur que le présent (Ecclésiaste 7,10). Il y a quelques années, certains s’insurgeaient contre leur société où l’athéisme, au moins pratique, régnait en maître; de nos jours les mêmes s’insurgent contre l’ouverture spirituelle très large de leurs contemporains. Est-ce tout à fait honnête?
1.1. Une question de vision du monde
La vision du monde postmoderne est une vision du monde parmi d’autres (moderniste, médiévale, animiste, confucianiste, pour n’en citer que quatre). Comme toutes les autres, elle contient des éléments positifs et des éléments négatifs. A nous de discerner les chances et d’évaluer les dangers plutôt que de rejeter en bloc ce que dit le monde et nous enfermer. Refuser ce travail de discernement aurait pour nous deux conséquences graves: passer à côté de possibilités apologétiques que Dieu nous donne (relisez Actes 17 pour voir comment la culture païenne a fourni à Paul des éléments pour annoncer Jésus-Christ) et nous laisser subrepticement influencer par cette vision du monde, un processus déjà bien entamé.
Depuis environ deux siècles, l’Eglise en Occident a été confrontée à une vision du monde très forte et souvent agressive, le modernisme, qui trouvait ses origines dans les Lumières et la Révolution. L’Eglise a réagi tant mal que bien à cette vision du monde dont les caractéristiques sont assez simples: notion de progrès, confiance dans des concepts définis, matérialisme, rationalisme, l’homme comme sujet pensant, centre du monde, bon. Emile Zola nous en a laissé une belle définition dans Le Docteur Pascal:
«Je crois que l’avenir de l’humanité est dans le progrès de la raison par la science. Je crois que la poursuite de la vérité par la science est l’idéal divin que l’homme doit se proposer. Je crois que tout est illusion et vanité, en dehors du trésor des vérités lentement acquises et qui ne se perdront jamais plus. Je crois que la somme de ces vérités, augmentées toujours, finira par donner à l’homme un pouvoir incalculable, et la sérénité, sinon le bonheur… Oui, je crois au triomphe final de la vie.»
Le modernisme a eu plusieurs incarnations, dont le marxisme et le libéralisme. C’est à travers cette philosophie que la colonisation a été justifiée; on a estimé que les nations les plus avancées avaient le droit et même le devoir d’en annexer d’autres pour leur apporter les bienfaits de la civilisation.
La question de la colonisation est un bon exemple pour montrer le rôle ambigu de l’Eglise face au modernisme. D’une part, elle a participé d’assez bon gré à ce processus paternaliste, en exportant des modèles occidentaux et en ne visant souvent pas à former des églises locales indépendantes; d’un autre côté, les chrétiens (évangéliques) ont été à l’avant-garde de la préservation des langues locales et de la lutte contre l’esclavage (Wilberforce en Angleterre). L’Eglise est toujours tentée de réfléchir et d’agir comme le monde: cela se passait au 19e siècle et se passe encore au 21e siècle. A nous de ne pas être dupes de notre époque, même si nous y sommes immergés.
1.2 Du modernisme au postmodernisme
Le premier coup porté au modernisme a été la Première Guerre Mondiale; il est en effet difficile d’imaginer que l’homme est bon après en avoir vu quelques millions s’étriper dans des tranchées pendant quatre ans, par tous les moyens, de la pelle de tranchée jusqu’aux gaz de combat. Un autre élément a été la théorie de la relativité qui a remis en case un des piliers de la pensée traditionnelle, la physique newtonienne. Plus près dans le temps, on trouve Hiroshima, qui a à nouveau mis en cause la bonté de l’homme, puis Mai 68, qui a secoué le carcan social aux niveaux de la morale et de la pensée, le choc pétrolier de 1973, qui a mis en cause l’idée de progrès sans fin. La notion de progrès a d’ailleurs pris un autre coup en 1975 lorsque le Club de Rome a annoncé que la croissance économique avait des limites.
En 1979, Jean-François Lyotard, en publiant un livre intitulé La condition postmoderne: rapport sur le savoir2, a inauguré le postmodernisme philosophique. On a commencé à parler de déconstruction. La linguistique a mis en doute l’importance du signifié en faveur de celle du signifiant. En simplifiant, on dira que la vérité est éjectée du champ de la recherche, au profit des histoires3. Pour finir notre voyage dans le temps, il y a eu 1989, la chute du Mur de Berlin qui a accéléré celle du communisme, dernière grande idéologie moderniste.
1.3. Le postmodernisme
Le postmodernisme, «galaxie mal définie d’idées – allant de l’art et de l’architecture aux sciences humaines et à la philosophie » (Alan Sokal) – est la vision du monde dans laquelle nous baignons en Occident. C’est le résultat de plusieurs éléments: d’abord et surtout la faillite du modernisme, esquissée ci-dessus; il faut chercher autre chose4! Il est dommage que les chrétiens n’aient pas été les premiers à mettre les clous philosophiques dans son cercueil, car ils en avaient l’appel et les moyens. La confiance illimitée en la science et en ses découvertes, qui se heurte à des limites méthodologiques (principe d’incertitude d’Eisenberg par exemple), se heurtait aussi à des limites théologiques: un cœur sur lequel on ne peut pas compter et une intelligence obscurcie.
Un autre élément a contribué à créer une nouvelle vision du monde: le boom des communications. Les informations vraies ou fausses circulent à une vitesse et dans une quantité inimaginables il y a 50 ans. Liaisons satellites, internet, migrations massives, possibilités de voyages, tout se conjugue pour amener à la portée du monde occidental des informations nombreuses et variées. De plus en plus, nous nous trouvons confrontés à d’autres cultures, que ce soit lors de nos vacances, par les étrangers qui viennent chez nous ou par les médias. Le brassage des personnes est complété par celui des idées: dans les années 60, seules quelques élites intellectuelles avaient accès aux religions orientales; aujourd’hui vous trouvez des centaines de livres sur le sujet dans votre librairie. Plus on a d’informations, plus on doit choisir entre ouverture (mondialisation ou réactions citoyennes) et fermeture (micro-identités, retour au tribalisme). Plus on a d’informations à disposition, moins on creuse. C’est dommage, mais c’est ainsi: la superficialité dans l’appréhension du monde et des autres est devenue la règle. Elle s’accompagne de ce qu’on appelle l’ouverture et de la compréhension de l’autre. Il est plus facile de comprendre ce dont on ne fait qu’effleurer la surface: «Toutes les religions disent la même chose» entend-on de gens qui ont peut-être lu un peu de Bible, mais ni Coran ni écrit bouddhiste. La connaissance des religions dont ils font preuve est insignifiante!
Avec la masse d’informations vient la complexité: qu’est-ce qui est vrai? que choisir? L’abondance de possibilités de choix rend tout choix difficile. Savoir quel programme une famille regardera à la télévision pour une soirée donnée s’apparente à un casse-tête. Autant acheter deux ou trois télévisions de plus, ce que beaucoup font! Tout choix devient une affaire de consommation, aussi pour la religion: il y a deux cent ans en Europe, vous pouviez choisir entre le christianisme et l’athéisme, point final. Aujourd’hui, vous pouvez vous tourner vers le christianisme, l’islam, le bouddhisme, l’hindouisme, le panthéisme façon New Age, des petites sectes en pagaille, sans parler d’un ensemble de philosophies plus ou moins religieuses, comme le taoïsme. Cette avalanche de possibilités cause une crainte de mal choisir, qui peut se transformer en refus de choisir. On préfère voler de fleur en fleur comme un papillon, plutôt que de se poser une fois. Le phénomène des chrétiens qui ne fréquentent que les conventions en est un résultat direct.
A force d’accumuler des connaissances superficielles et de ne jamais se donner les moyens de choisir, la personne perd son unité. Il devient dès lors possible, et même recommandé, d’être deux personnages différents au travail et dans les loisirs. La liberté est immense, mais il n’y a aucun cadre pour la structurer. Cela induit tout autant la tolérance à l’encontre de tout, ou presque, que le stress et la recherche d’endroits où l’on se sente bien. Que ces endroits soient la face nord du Cervin, un petit groupe d’amis, un engagement humanitaire ou une Love Parade, le but est le même: se sentir bien, s’évader dans l’expérience.
2. Cinq caractéristiques du monde postmoderne
Quittons le monde des grandes idées philosophiques pour descendre au ras des pâquerettes, là où les gens vivent. Je n’ai pas la prétention de définir ici tout habitant de l’Occident du début du 21e siècle; mais les tendances sont réelles et dessinent la société de demain; elles sont observées en particulier chez des jeunes…
2.1. Illusions perdues
On appelle souvent la génération actuelle la génération X, d’après le titre d’un ouvrage de Douglas Copland. Pour ma part, je l’appelle la génération des illusions perdues. Autant les jeunes que des gens d’âge mûr y sont sujets. C’est toujours un moment très douloureux, où tout ce en quoi on a cru se révèle n’être qu’un décor de carton-pâte.
Quel est le secret d’une vie réussie? Bien souvent, on le définit ainsi: «un bon diplôme, un bon travail, gagner bien de l’argent, trouver l’Amour, avoir une belle famille et pouvoir se payer des vacances.» «Mensonge éhonté» devraient dire les chrétiens; «mensonge éhonté» pensent bien des gens dans leur cœur, mais comme il n’y a rien d’autre, on essaie quand même. Reprenons ces éléments un à un:
1) Un bon diplôme? Il y a de plus en plus intérêt à ce que votre diplôme soit très bon si vous voulez une place de travail.
2) Un bon travail, bien travailler? Bien des gens de 50 ans ont beaucoup travaillé mais se retrouvent au chômage et bien des étudiants bardés de diplômes sont au chômage malgré tout.
3) Un bon salaire? Quand on voit de grandes entreprises annoncer en même temps des bénéfices records et des suppressions d’emplois, il est préférable d’avoir des actions!
4) L’Amour, avec un grand a? Ce point mérite un traitement à part.
5) La famille? Les relations parents-enfants ne sont pas toujours au beau fixe, c’est le moins qu’on puisse dire: «Cher père, Je t’en veux de m’avoir laissée, abandonnée et bien souvent oubliée. Je ne suis pas un objet à qui on donne des sous chaque mois. Je ne suis pas à vendre » écrivait une jeune fille à son … géniteur dans une lettre ouverte.
6) Les vacances? Cela marche encore, mais ne remplit pas une vie.
Revenons à l’Amour. Les médias idéalisent le Grand Amour, celui où tout va bien. Dans les beaux films romantiques, tout se termine dans le bonheur. Pourquoi «se termine » d’ailleurs, n’est-ce pas un aveu? Prenons quelques exemples: La Boum 1, La Boum 2, L’étudiante, Crocodile Dundee. Dans chaque cas, c’est le bonheur le plus épanouissant, mais remarquons qu’en trois films, Sophie Marceau aura trois grands amours et que Crocodile Dundee commencera le deuxième film au bord de la séparation d’avec celle qu’il aimait tant dans le numéro un. Amour toujours? Si vous êtes friands des titres des journaux populaires où l’on découvre les amours des stars, vous savez que l’amour, le vrai, le grand, dure rarement. L’amour est un sentiment délicieux, mais il ne rime plus avec toujours. Alors comme on n’y croit plus trop, on fait ce qu’on peut pour s’en donner l’illusion ou pour jouir de relations dont on craint qu’elles finissent vite. Et les statistiques parlent de 50% de mariages qui se terminent par un divorce. D’ailleurs la fidélité n’est pas une chose dont on puisse être sûr: si un beau milliardaire propose un million de dollars pour une nuit avec une femme mariée, que se passe-t-il? Le film Proposition indécente donne une réponse pessimiste. Dans un tel contexte, on peut comprendre ceux qui ne regardent pas plus loin que l’instant présent et veulent surtout profiter de ce qu’ils ont.
La société et l’autorité sont aussi remises en cause. «Que peut-on attendre de toi (la société)? Une vie bien rangée? Une femme, deux gosses et huit heures de travail par jour? N’y a-t-il pas d’alternative?»: la question de ce jeune mérite d’être posée et la réponse probable n’incite pas à la joie débordante.
L’autorité des professeurs et des parents est sapée lentement. Certes, la contestation en Mai 68 a passé par là, mais l’essentiel est ailleurs: comment voulez-vous avoir du respect pour l’autorité quand elle n’en est pas digne et qu’elle n’a pas cessé de déconstruire sa propre crédibilité? L’école en est un exemple, mais pas le plus frappant: si les «autorités» tendent à saper l’autorité des professeurs, ces derniers font souvent de leur mieux avec peu de moyens. Le monde politique est plus éclairant: le nombre de promesses électorales non tenues, d’affaires de corruption et de détournements de fonds, de compromissions avec l’injustice n’incite pas au respect («tous pourris»). Tout cela permet de comprendre bien des méfiances!
Les autorités des églises subissent le même mouvement, et il faut bien dire qu’elles y prêtent le flanc: on affirme que la Bible régit tout et que tout va bien dans nos cercles, mais… Il y a aussi des luttes de pouvoir, il y a des abus sexuels non sanctionnés (y compris dans des églises évangéliques), il y a des coutumes que l’on met avant la Parole de Dieu, il y a des faux-semblants et de l’hypocrisie. Il n’y a rien là d’anormal: l’Eglise est composée de pécheurs repentants, elle est imparfaite et l’a été de tout temps (relisez les épîtres en cas de doute). Le problème n’est pas là! Aussi étonnant qu’il y paraisse, les jeunes répondent bien à l’autorité quand elle est exercée pour le bien de celui sur qui elle a des effets, par l’exemple, dans le respect, avec intégrité. Le problème est dans le fait que toute autorité est sapée dans notre culture et que les chrétiens la vivent comme le monde: pour certains d’entre eux, la Bible est même devenue une autorité parmi d’autres (on lit «un texte» à haute voix, on étudie le dernier livre de l’auteur chrétien à succès, au même niveau que la Bible). L’autorité de Dieu dans nos vies est le premier pas pour convaincre ceux à qui nous parlons de lui.
La génération qui a perdu ou détruit ses illusions est encore incapable de les remplacer par quoi que ce soit de solide. «Il y a peu d’espoir dans la société actuelle; on aurait besoin d’un élan nouveau (…) pour changer et aller plus loin; j’ai l’impression qu’on stagne.» Lors d’une grève à l’université de Lausanne, j’ai demandé à un étudiant quel était son espoir pour l’avenir: «c’est là le problème; il y a encore de l’argent, mais plus d’espoir.» Cela peut se comprendre quand toutes les promesses se sont révélées fausses.
2.2. L’homme (je) est la mesure de toute chose
«L’homme est la mesure de toutes choses, pour celles qui sont de leur être, pour celles qui ne sont pas de leur non-être.» Cette phrase a été écrite bien avant le postmodernisme, mais elle pourrait être signée par nombre de nos contemporains. L’être humain est au centre. On en fait la mesure de toutes choses, l’élément ultime, la seule valeur qui semble encore ferme. Il est vrai que personne n’a encore été assez fou pour douter radicalement de l’homme. Le postmodernisme, au contraire, exalte l’homme: à force de tout déconstruire, seul reste le sujet et ses propres valeurs ou sa propre histoire. Par sa raison en partie, mais surtout par ses sens, il se fait ainsi le centre du monde ou, pour être précis, le centre de son propre monde. «Je, en tant que sujet, suis ma justification et ma raison d’être. Je peux donc choisir ce qui est vrai ou pas car je suis la mesure de toutes choses.» On peut le voir dans la définition pratique du vrai (nous verrons plus loin que sa définition théorique n’existe plus): «Est vrai ce qui marche pour moi maintenant». Il n’est pas obligatoire que cela marche encore demain. Toute notion de cohérence est bannie au profit d’un pragmatisme centré sur le sujet; ce qui me plaît est plus important que ce qui va ensemble. On vous dira «bien aimer» Jésus, mais aussi la réincarnation. C’est la conséquence logique de cette vision de l’homme. Les notions de vrai et de faux sont battues en brèche. Ce qui est important est la réalisation de soi, ou la recherche de plaisir!
En corollaire avec la montée de l’individualisme, des valeurs comme le sens du devoir et l’effort à long terme tendent à disparaître. Les entreprises qui le même jour annoncent des résultats records et des licenciements en sont l’exemple parfait: leurs actionnaires ne veulent pas entendre parler d’autre chose que de rentabilité à court terme, et surtout pas de responsabilité sociale. Si l’individualisme est la valeur dominante, cela n’a rien d’étonnant.
Une petite remarque: la notion même de valeur est un produit de la vision du monde postmoderne: il y a un siècle, on aurait parlé d’absolus moraux, on parle aujourd’hui de valeurs. Ces dernières sont par définition relatives les unes aux autres et surtout aux individus qui les tiennent pour bonnes. Cela posera de graves problèmes lorsqu’il faudra établir des normes sociales. Le chrétien ne doit pas s’étonner de cette situation: lorsqu’on éjecte Dieu du centre de la pensée pour y mettre l’être humain (en 6’000’000’000 d’exemplaires), l’unité de morale est impossible. Lorsque la société demande aux églises des valeurs, il y a un piège pour nous: proposer des valeurs qui soient acceptables pour le plus grand nombre plutôt que la volonté de Dieu. Cette dernière ne peut pas, par définition, être acceptable à ceux qui demandent des valeurs. Pour eux, même si l’être humain n’est pas fondamentalement bon, il n’est pas complètement mauvais. «C’est vrai, il n’est pas parfait, il commet quelques erreurs.» La notion de péché est évacuée!
2.3. Tout est relatif
Une série occulte de ces dernières années s’intitule X-Files. Deux enquêteurs, un homme et une femme, se penchent sur des cas de «paranormal» Ce feuilleton fait tout pour ne pas donner d’opinion trop claire: même les héros ne sont pas d’accord entre eux, Mulder est pour et Scully est contre. «On ne voit que ce qu’on veut bien voir», comme le dit un des premiers épisodes. Mais, comme l’affirme le générique, la vérité est de toute façon inatteignable, «la vérité est ailleurs.»
A chacun sa vérité, à chacun ses croyances, on n’a pas attendu X-Files pour l’affirmer. Les affirmations populaires vont dans ce sens, dans le cadre d’une grande tolérance. Mais ce n’est pas tout: le concept de vérité n’est pas pertinent, pas plus en milieu académique (sciences humaines) que dans les conversations de tous les jours: ce qui importe, c’est ce qui me plaît. J’exagère à peine: lorsqu’on demande à un ancien professeur d’université polytechnique ce qu’il pense de certains phénomènes spirituels, il répond: «Ce n’est pas ma tasse de thé, mais je ne crache pas dans la tasse des autres1.»
L’objectivité a été victime de la perte des illusions, non sans quelques raisons au vu de ce que l’on a fait avaler aux gens sous prétexte d’objectivité scientifique. La vérité est contestée, que reste-t-il? Le scepticisme et le relativisme. Le scepticisme s’attaque à l’usage de la raison, reléguée à des domaines bien particuliers (sciences dures). Le relativisme en tire les conséquences. Comme le dit une étudiante, «Il y a différents points de vue, alors, au lieu d’argumenter, on ferait mieux de travailler ensemble pour aider». Dans son travail de sape, le relativisme est aidé par la superficialité: personne ne sait ce que disent les diverses religions, mais comme elles parlent toutes de Dieu à ce qu’il paraît, elle disent la même chose.
Le relativisme a des limites. A force de dire que tout est bon, on finirait par être obligé d’accepter n’importe quoi. Mais tout être humain sait au fond de son cœur que tout n’est pas acceptable. Quand rien n’est absolu, on est tenté d’utiliser la contrainte pour faire entrer en vigueur ce en quoi croit la majorité, car alors les autres opinions sont menaçantes. Le relativisme se présente comme une forteresse imprenable, mais c’est un colosse aux pieds d’argile.
On assiste à l’émergence d’une forme d’orthodoxie relativiste, dont la rigueur contredit le relativisme: oui à l’avortement, à l’homosexualité, à la solidarité, aux droits de l’homme, à l’écologie; non au fanatisme, à la pédophilie, à l’intolérance, à l’exclusion, au racisme. Certains de ces mots sont vides de sens mais ils font de bons drapeaux. En tout état de cause, les réactions à l’encontre de ceux qui battent en brèche cette orthodoxie sont d’autant plus violentes que l’argumentation en sa faveur est plus faible. Telle est l’utilité du «politically correct». Je vous en donne un exemple tiré du courrier des lecteurs d’un hebdomadaire féminin. Son auteur répond à une lettre de lectrice: «Ce n’est pas à cause de la participation des femmes au marché du travail que les choses vont mal, mais à cause de propos comme les vôtres, apparemment anodins, mais qui empêchent le dialogue, la tolérance et la différence d’exister2.» Cette dame ne menace pas la différence d’exister, mais elle refuse le dialogue qu’elle prône, car elle a raison… Sa véhémence cache un manque certain d’arguments pour défendre sa vérité. La faiblesse du relativisme risque d’en faire un totalitarisme politiquement correct et les chrétiens pourraient en être une victime de choix.
2.4. Des expériences
Le point commun de nombreux jeunes et de moins jeunes est la soif d’expériences. On pourrait résumer ça par le mot «fun». Le fun, ça peut être tout et n’importe quoi, tant que cela permet de passer un bon moment pour s’évader: une rave party, la descente du Cervin en snowboard, être amoureux, un concert classique, sauter en bas d’un pont attaché à un élastique, aller à l’église, n’importe quoi.
Cela aide à alléger un peu la pression qui pèse sur les épaules de beaucoup, mais surtout à donner à un homme morcelé l’impression de vivre. De plus, comme il n’y a pas d’espoir, pas de vérité, pas d’absolus, cela aide à ne pas trop penser à l’avenir. Si la génération postmoderne devait choisir un verset biblique pour se définir, ce serait Esaïe 22.13: «Mangeons et buvons, car demain nous mourrons».
Un exemple: même si les illusions sur l’amour ont disparu, on aime encore beaucoup l’état amoureux. Mais lorsqu’on ne ressent plus d’amour, on laisse tomber l’autre. Le baromètre de la viabilité du couple est ce que l’on ressent pour l’autre. Quand on ne ressent plus rien, on passe au suivant ou à la suivante. Des notions comme l’engagement à vie ou la lutte à deux pour faire marcher un couple sont mises au rancart au profit de l’expérience, du ressenti.
Si vous regardez la publicité, vous verrez qu’on vous promet souvent une incroyable sensation avec le produit: Mac- Donalds vous promet une atmosphère que l’on ne peut vivre que chez eux («ça se passe comme ça chez MacDonalds»). Nescafé utilise depuis plusieurs années le slogan «Open Up», s’ouvrir aux autres. «Peugeot. Pour que l’automobile soit toujours un plaisir.» On pourrait continuer la liste encore longtemps, les qualités que ces publicités veulent faire ressortir n’ont rien à voir avec le produit mais avec la sensation que le produit offre. La publicité de Peugeot ne serait reniée par aucun fabricant de voitures et celle de Nescafé pourrait servir à bon nombre d’autres produits.
Le modernisme était une tyrannie de la raison; le postmodernisme est une tyrannie des sentiments. Les deux sont voués à la chute, car ils ne prennent en compte ni l’ensemble de la personne humaine, ni le péché.
2.5. Vive la spiritualité!
Ces dix dernières années, il est devenu tout à fait normal de parler de spirituel. Un sondage effectué à Lausanne dans une résidence d’étudiants pour scientifiques en 1996 montre qu’au moins 2/3 des étudiants interrogés disent croire en Dieu. Une nouvelle génération se lève, la méfiance à l’égard du spirituel laisse place à une ouverture.
Des livres sur les religions (Le Roi, le Sage et le Bouffon), sur Dieu (Conversations avec Dieu) ou tout autre sujet spirituel peuvent être de vrais succès de librairie. Un auteur à succès comme Christian Jacq peut inclure des éléments surnaturels dans ses romans (Ramsès) et ne pas voir cet aspect critiqué.
Chacun a le droit de se bricoler sa petite religion. On prend un peu de ceci et un peu de cela, un dieu du christianisme et la réincarnation du bouddhisme par exemple. On se sert de ce qu’on veut de chaque message, comme dans un buffet. On se bricole une religion: le relativisme a passé par là, mais aussi une certaine ignorance des enjeux. Ainsi une étudiante avec qui je discutais du paradis et de l’enfer m’a dit qu’elle ne voulait pas aller au paradis. La conversation a montré qu’elle n’avait pas d’image de paradis, elle ne savait pas ce que c’était mais ne voulait pas y aller. Pire, la plupart des gens croient connaître le christianisme et savoir que c’est ennuyeux et non pertinent (souvenirs de catéchisme et de rares cultes/messes).
L’image de Dieu et de la religion ressemble à l’image du monde: certes Dieu existe, mais n’est qu’un invertébré gazeux flottant négligemment dans l’espace intersidéral. «S’il y a quelque chose, c’est dispersé, en tout cas pas rassemblé, compact.» Ce n’est donc pas un Dieu personnel. Quelque chose existe, c’est vrai, mais c’est tellement lointain qu’on ne voit pas comment ça pourrait avoir la moindre influence sur notre vie, sauf comme aide morale3. D’autres choses spirituelles ont plus d’intérêt, comme les méthodes de divination et de guérison «magiques », car elles permettent des expériences et des résultats mesurables et concrets. Est vrai ce qui marche pour moi maintenant… Cependant, l’homme actuel voudrait bien connaître et expérimenter Dieu. Dans la ligne de la recherche d’expériences, Dieu est considéré comme un trip qui mérite d’être vécu. Cela explique le regain d’intérêt pour des retraites dans des monastères ou les grands pèlerinages comme celui de St Jacques de Compostelle. La spiritualité dont nous parlons est décalée par rapport à une relation avec Dieu dans un sens biblique: elle a pour but la réalisation personnelle de celui qui la pratique et se définit par rapport à lui. Comme le dit Roland Campiche, elle est «une forme religieuse qui ne s’engage pas.» Elle est donc centrée sur soi et pas sur Dieu!
La tentation pour les chrétiens est de critiquer cette ouverture au (monde) spirituel, qui peut aussi ouvrir la porte à des démons selon la pratique. De même, nous pouvons être tentés de rejeter cette approche de la spiritualité qui remplace la foi et rend les mots péché, repentance, commandement, cohérence, seul chemin, incompréhensibles et choquants. Ce serait une grave erreur! Paradoxalement, ce mouvement place l’Eglise dans une situation avantageuse: des gens désirent faire l’expérience d’une certaine spiritualité, nous pouvons leur offrir une vie avec Dieu (pour autant que nous ayons cette vie et pas seulement des églises rationalistes ou un enthousiasme sans fond, mais c’est une autre question). Des gens sont prêts à apprendre qui est Dieu, nous pouvons le leur montrer: de petits groupes où chacun peut s’exprimer librement sont un bon outil, car ils offrent une «expérience» (inter)personnelle. Après tout, bon nombre de personnes font déjà des expériences avec le monde spirituel et en ressortent terrorisées. A ceux-là, la Bonne Nouvelle de la victoire de Jésus sur Satan doit être annoncée personnellement.
3. Les chrétiens dans tout ça
3.1. Dans le bain avec les autres
Chacun des points traités ci-dessus se retrouve dans l’Eglise, à des degrés divers et de manières variées. Nous avons beau ne pas être du monde, nous sommes en plein dedans. Le défi est de savoir comment réagir. Mais avant de nous y mettre, voici une rapide revue de diverses manières dont l’Eglise a intégré cette vision du monde.
La perte des illusions atteint les chrétiens comme les non-chrétiens, mais se révèle un peu différente. Ainsi, de plus en plus, nous nous rendons compte que l’Eglise n’est pas parfaite, que nos responsables ont bien des insuffisances et que le fait d’être chrétien ne supprime pas les problèmes. C’est une bonne chose que ces illusions s’écroulent, car elles n’ont rien à voir avec la Bible.
La superficialité des chrétiens peut être effarante. Non seulement la connaissance de la Bible est de moins en moins profonde (au profit de la louange qui permet de s’éclater), mais on ne s’en afflige guère. Certains livres chrétiens ne nourrissent pas car ils se contentent de donner quelques conseils vaguement psychologiques habillés de 2-3 versets. Quant à certains prédicateurs, le contenu de leurs messages plaît, mais n’édifie guère.
L’humanisme et l’individualisme touchent aussi l’Eglise. Une fraction de plus en plus grande de chrétiens affirme qu’on peut très bien être chrétien tout seul, avec seul le culte dominical comme lien avec les autres. D’autres recherchent de petits groupes sympas où l’individu est au centre. Par contre l’engagement au service de Dieu et des autres est bien souvent oublié. De nos jours, il est assez facile de trouver des gens qui s’engagent dans des projets à court terme, mais il est difficile de trouver des gens qui s’engagent à long terme. Le court terme peut rester centré sur l’individu, pas le long terme… Il nous faudra toujours reposer une question de base, «qui est au centre de votre vie, Dieu, ou vous?». Cela sera d’autant plus nécessaire que progresse l’Evangile de la Prospérité, une hérésie qui mesure notre distance avec Dieu en proportion inverse du grand nombre de bénédictions matérielles que nous recevons. Ce qui est satisfait dans ce discours est bel et bien la chair, même lorsque le vernis est chrétien.
Passons au relativisme. Il touche les chrétiens d’Occident autant que l’individualisme. Nous avons reconnu qu’il y a plusieurs religions et qu’elles ne racontent pas que des stupidités, c’est bien. Mais nous avons fait un pas de plus: nous avons peur, je cite quelque chose que j’entends souvent, «d’imposer aux autres nos convictions». Ce qui se trouve derrière cette affirmation n’est pas du respect mais un manque de confiance que Jésus est le seul chemin vers Dieu. Le même relativisme se retrouve à propos de la manière de vivre; nous refusons de plus en plus d’appeler un chat un chat, un péché un péché. Il paraît qu’il ne faut pas juger les gens. Et pourtant, j’ai été plus respecté comme chrétien lorsque j’ai eu une position biblique claire sur, par exemple, la sexualité, que lorsque j’ai délayé ce que dit la Bible pour être accepté.
L’Eglise a aussi été influencée par la société dans la place de l’expérience. Je vous en donne un seul exemple. Le 90% des chrétiens sont satisfaits d’un moment de louange quand ils se sentent bien après. Qu’ils aient effectivement loué Dieu ou pas n’entre pas dans leurs critères d’évaluation. Ce n’est pas de la louange, c’est se focaliser sur soi et pas sur Dieu. Et souvent les chants auront comme sujet ce que nous sommes (Assaillons les Villes pour donner un titre; celui-ci n’a au moins pas cédé à l’individualisme du «je») ou la sensation que nous pouvons avoir avec Dieu (Je te veux dans mon cœur, Me réjouir, Viens remplir ma vie). Louer Dieu en parlant de nous? Il y a pourtant dans les mêmes recueils nombre de superbes chants de louange (Le Seigneur règne, Louons et adorons, Lent à la colère pour ne donner que trois exemples récents).
L’erreur dans tout cela serait de réagir de manière moderne au postmoderne. Je crois que Dieu utilise le changement de vision du monde pour montrer à son Eglise des aspects qu’elle a négligés: la louange (relisez Eph 1.3-14), la capacité de Dieu de nous faire vivre des expériences fortes, l’importance de groupes où chacun peut être accueilli et bien d’autres. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain: une Eglise qui garde le meilleur de ce qu’elle a appris ou réappris de Dieu dans un monde moderne (importance de la Bible, enseignement solide, sérieux et engagement, évangélisation, importance du fait de notre salut) avec ce que Dieu veut lui apprendre dans un monde postmoderne (importance de l’expérience, célébration joyeuse, dons de l’Esprit) sera bien mieux armée pour affronter tant le postmodernisme que sa chute.
3.2. Ce que nous ne devons pas accepter
Le postmodernisme est une philosophie qui contient plusieurs éléments que les chrétiens doivent rejeter s’ils veulent rester en communion avec Dieu. L’Evangile n’est pas menacé par le postmodernisme: depuis 2’000 ans, bien d’autres philosophies ont passé et trépassé, et l’Evangile est encore debout. Ce qui est menacé, ce sont des hommes et des femmes. Pour rester sur le chemin étroit, il y a des choses que nous devons refuser au niveau personnel et communautaire:
– Nous ne devons pas accepter de mettre l’homme au centre de l’univers, donc Dieu en périphérie, un loisir, subordonné à notre bon plaisir. Quoiqu’on en dise et qu’on en pense, Dieu régit l’univers et notre bon plaisir n’a pas d’effet sur lui.
– Nous ne devons pas accepter un système qui fait de Dieu un invertébré gazeux flottant négligemment dans l’espace intersidéral. Dieu n’est pas une chose ou un objet: il est définissable car il s’est révélé, mais il est aussi une personne vivante et par là échappe à notre investigation et à notre avis.
– Nous ne devons pas accepter un système qui fait de Jésus-Christ un chemin parmi d’autres. Soit il est ce que la Bible affirme, Dieu, seul Sauveur et seul Seigneur, soit il ne l’est pas. S’il ne l’est pas, il n’est pas intéressant car il ment à son propre sujet. S’il l’est, il n’y a pas de place à côté de lui pour aucun autre.
– Nous ne devons pas accepter le relativisme éthique; il y a des normes bibliques et ce que nous ressentons n’est pas une bonne raison pour ne pas en tenir compte. La compromission de nombreuses églises face au péché vient en bonne partie d’un manque d’enseignement clair.
– Nous ne devons pas accepter un système qui affirme la dignité de l’homme sans pouvoir la fonder, tout en n’en faisant qu’un patchwork sans consistance. La dignité de l’homme provient de deux faits: il est à l’image de Dieu et Jésus est mort pour lui. Mais nous ne devons pas accepter non plus un système qui nie le péché. Car sans péché, Jésus n’aurait pas eu besoin de mourir et sa mort serait donc absurde.
– Nous ne devons pas accepter un système qui prétende nous enseigner mieux que l’Ecriture, surtout si ce système prétend que la Bible contient des choses qu’un homme actuel ne peut accepter. Soit la Bible est inspirée et révèle la personne et la volonté de Dieu, soit nous laissons tout tomber.
«Je vous demande de vous offrir vous-mêmes comme un sacrifice vivant, réservé à Dieu et qui lui est agréable. C’est là le véritable culte que vous lui devez. Ne vous conformez pas aux habitudes de ce monde, mais laissez Dieu vous transformer par un changement complet de votre intelligence. Vous pourrez alors comprendre ce que Dieu veut: ce qui est bien, ce qui lui est agréable et ce qui est parfait» (Rom 12.1b-2).
Toutefois, nous ne devons pas accepter de rejeter en bloc tout ce que dit notre société. Il serait stupide de nous enfermer dans notre tour d’ivoire en attendant que ça passe. Dieu peut utiliser le postmodernisme pour parler à son peuple. Nous ne pouvons pas a priori refuser d’être interpellés par le monde, car nous sommes appelés à examiner toutes choses et à retenir ce qui est bon (1 Thes 5.21).
4. Conclusion
4.1. Toucher cette génération
Une des erreurs que commettent le plus souvent les chrétiens, c’est de croire qu’on devient chrétien quand on accepte intellectuellement un certain nombre d’idées. Devenir chrétien, c’est autre chose, c’est rencontrer Jésus et voir sa vie transformée par lui. L’Evangile n’est pas une philosophie, mais une puissance (Rom 1.16). C’est un des malentendus les plus fréquents; le chrétien dit Jésus mais le non-chrétien comprend religion. Pour cela, notre défi est de vivre avec Dieu, sous son autorité, avec notre personne entière. Vivre avec Dieu implique puissance et persécutions. L’un ne va pas sans l’autre. Pour cela, l’Eglise n’a guère de choix, elle doit vivre ce qu’elle dit.
Une étudiante reproche à son pasteur: «quand il parle, on a l’impression qu’il ne met pas son cœur dedans». C’est un reproche dur mais (s’il est justifié) juste. Soyons cohérents dans ce que nous vivons et ce que nous disons, et vivons la passion que Dieu nous donne. Cela nous donnera un gros atout face à nos contemporains. Ils disent des choses mais n’arrivent pas à les vivre jusqu’au bout, ils ont désespérément besoin de relations vraies, de quelque chose de vrai tout court. Jésus- Christ a été jusqu’au bout de ce qu’il a dit, il leur offre une relation vraie, il est la vérité.
4.2. Il y a de l’espoir
Douglas Coupland, l’auteur de Génération X, a écrit un nouveau livre en 1997: La vie après Dieu. A la fin, il dit (cité dans L’Avènement, n°115, janvier 1998):
«Voici mon secret: je le raconte avec une authenticité que je pourrais difficilement retrouver – c’est pourquoi je prie pour que vous soyez dans une pièce calme à l’instant où vous entendrez ces paroles. Mon secret, c’est que j’ai besoin de Dieu, que je suis malade et que je ne pourrais plus m’en sortir très longtemps par moi-même. J’ai besoin de Dieu afin qu’Il m’aide à donner, parce que je ne me sens plus capable de donner; qu’Il m’aide à être aimable, car je ne me sens plus capable d’offrir de l’amitié; et qu’Il m’aide à aimer, car je me sens bien éloigné de pouvoir aimer.»
Tout n’est pas perdu pour cette génération: à force de scier les branches sur lesquelles elle est assise, elle finira par tomber de haut et par avoir besoin de Dieu pour la relever.
Notes :
1 Jérôme Cottin, Construire, 51-52, 17 décembre 1997, p 16.
2 Paris, éditions de Minuit. D’autres noms d’auteurs qui vont dans le même sens ou sont revendiqués: Friedrich Nietzsche, Martin Heidegger, C.S. Peirce, Jacques Derrida, Hans-Georg Gadamer, Michel Foucault, Richard Rorty.
Le présent article sera centré sur l’aspect populaire du postmodernisme, pas sur ses représentants académiques.
3 Henri-Irénée Marrou, grand historien catholique, attaque dans un article de 1975 le relativisme de M. de Certeau et des lecteurs de Lévi-Strauss, Roland Barthes, Michel Foucault, mettant en doute la notion de vérité. Selon lui, la recherche de la vérité est la finalité de la recherche scientifique. En sciences humaines, cette affirmation est sérieusement remise en doute.
4 Dans son livre Les Enfants du Verseau, Marylin Ferguson l’affirme dans une belle formule: «Il nous faut pénétrer dans l’inconnu; le connu n’a déjà que trop failli aux espoirs que nous y avions fondés.
1 Jacques Neirynck, interview à la RSR, 23.06.97.
2 Courrier des lecteurs de Femina, 17.8.97.
3 «Je puise dans la Bible des choses qui m’aident à vivre, mais je ne base pas ma vie sur la Bible» me disait une mère de famille