Moine-prêtre

Alors que cela fait plus de dix ans que j’ai commencé dans la vie monastique, le Père Abbé m’a appelé, il y a quelques semaines, à devenir prêtre. Qu’est-ce que cela peut-il bien signifier pour un moine, “être prêtre” ?

Lorsque je suis entré au monastère, le 26 novembre 2005, c’était pour devenir moine, c’est-à-dire pour me consacrer totalement à Dieu dans une vie de retraite et de solitude, de prière et de louange, une vie cachée et sans autre témoignage public que celui de cette vie monastique, menée avec fidélité et persévérance. Lorsque j’ai fait profession monastique, le 21 mai 2009, que j’ai scellé pour la vie mon engagement, c’était avec le désir de devenir un vrai contemplatif, un ami de Dieu, un disciple qui se laisse instruire par le Maître doux et humble de cœur.

Que porterai-je, en mon cœur, lorsque le 1er novembre prochain, notre évêque m’imposera les mains et prononcera sur moi la prière consécratoire qui fera de moi, qui n’ai vraiment pas l’impression d’en être digne, un prêtre du Seigneur Jésus-Christ ? Un prêtre un peu spécial, qui n’aura ni ministère ni apostolat ni paroisse ni aucune charge pastorale, alors qu’aujourd’hui tant de nos frères et sœurs en manquent. S’agirait-il d’une promotion, d’une dignité ? Sûrement pas, même s’il s’agit d’une marque de confiance qu’il faut recevoir avec humilité. Est-ce une trahison de mon idéal monastique et de cette tension contemplative qui est à la racine de mon appel ? Pas davantage, car cette ordination n’est pas appelée à relativiser ou à amoindrir ma vie monastique mais plutôt à la renforcer en s’harmonisant avec elle en vue d’une plus grande croissance spirituelle, en harmonie avec le don reçu, qui est aussi une charge et une responsabilité plus grande.

Être moine prêtre, c’est témoigner – en particulier en ces temps où les tâches du ministères dévorent nos frères prêtres diocésains parfois jusqu’à l’épuisement – que la participation au sacerdoce du Christ, reçue par l’ordination, n’est pas d’abord quelque chose à faire mais une manière d’être pour le Christ, seul prêtre, seul médiateur entre Dieu et les hommes. Car le service, le ministère auquel le prêtre se consacre n’est pas un métier, un job (même à temps archi-plein) mais une offrande de lui-même, en union avec le Christ crucifié et ressuscité. Le sacerdoce monastique n’est donc pas un gâchis ni un larcin au détriment de l’urgence de la mission et de l’évangélisation. Dans la prière, dans l’offrande quotidienne du sacrifice eucharistique, dans sa vie de charité, le moine prêtre prend sa part du ministère de l’Église et participe à l’édification du corps du Christ. Et le Père, qui voit ce qu’il est et ce qu’il fait dans le secret, en détermine la fécondité selon son bon vouloir et le bien de toute l’humanité.

Merci de votre prière pour moi ce 1er novembre 2016. Merci aussi de votre prière pour tous les moines, moniales, religieux et religieuses de notre diocèse qui ne cessent de vous confier à la miséricorde du Seigneur, ainsi tous les habitants de la Sarthe. Faites de même pour nous, car nous en avons tout autant besoin.
fr. Emmanuel Vaillant,
moine de Solesmes

sur le site du diocèse du Mans