« Nous appelons Noël, ce jour où la Sagesse de Dieu s’est manifestée sous les traits d’un enfant et où le Verbe de Dieu vagit sans savoir parler. Nous célébrons l’anniversaire solennel de ce jour où fut accomplie la prophétie qui disait : « La Vérité a germé de la terre et des cieux s’est penchée la Justice. » La Vérité qui est dans le sein du Père a germé de la terre pour être aussi dans le sein d’une mère. La Vérité, que le ciel ne peut contenir, s’est levée de la terre pour être déposée dans une crèche. Pourquoi donc une telle hauteur en est venue à une telle petitesse ? Éveille-toi, homme qui m’écoutes. Pour toi Dieu s’est fait homme. (…) Tu serais mort à jamais si, un jour, pour toi, il n’était né. Tu n’aurais jamais été libéré du péché, s’il n’était venu dans une chair semblable à celle du péché. (…) Tu aurais péri, s’il n’était venu ». (Saint Augustin)
Pour célébrer dignement la merveille de l’Incarnation du Fils de Dieu, le Lectionnaire offre une variété de textes bibliques : messe de la veille au soir, messe de la nuit, messe de l’aurore, et de la messe du jour.
Messe de la Nuit
Isaïe 9, 1-6. En cette nuit de début d’hiver longue et pénible, un trait de lumière prophétique trace un contraste violent entre la barbarie humaine et la bienveillance divine.
Écouter l’homélie de la nuit
La joie prend le dessus après que la lumière ait éclipsé ténèbres et ombre. D’autres images prennent le relais en branchant l’expérience du peuple sur des événements forts, familiers aux gens des régions bibliques : le moment de la récolte, le partage du butin de guerre, la destruction des équipements des soldats… Cette vision de paix élimine le joug, la barre qui retient les esclaves, le bâton du chef de corvée, les bottes des soldats et leurs manteaux dégoulinants du sang des vaincus…
L’avenir s’organise autour d’un enfant qui bénéficie d’une liste de désignations toutes plus prometteuses les unes que les autres. On le surnommera Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-paix… Une merveilleuse prophétie pour relire le rôle incontournable de Jésus dans l’histoire de notre salut.
Psaume 95 (96). Toute la terre, toute la vie s’associent pour célébrer la venue et le jugement du Seigneur Dieu. On admire le caractère adulte de cette présentation joyeuse, qui nous permet de dépasser les regards souvent enfantins auxquels nous confinons la Nativité de notre Seigneur.
Tite 2, 11-14. La grâce de Dieu s’est manifestée. Ces quelques mots sont essentiels pour prendre conscience de la portée de la fête. Elle nous concentre sur ce qui compte vraiment dans notre vie de foi : « La grâce de Dieu ». Oui, le don gratuit de Dieu s’est rendu visible en Jésus.
La grâce de Dieu s’est manifestée. Ces largesses de Dieu sont pour tous. Pour changer la vie. Dans le présent. Cela implique de renoncer à certaines choses superflues pour vivre à fond la présence de Dieu. Tout en sachant attendre la manifestation du Seigneur, en vivant dans l’attente comme « un peuple ardent à faire le bien », expression vigoureuse !
La manifestation concrète de la grâce de Dieu génère une façon de vivre dans le temps présent selon une nouvelle attitude de justice et de piété, en cohérence avec la manifestation de la grâce divine. Et tout cela concorde avec la bienheureuse espérance de la manifestation de Jésus Christ, notre Dieu et Sauveur, cette phrase enfin restituée pour ce qu’elle est dans la nouvelle traduction de l’embolisme.
Luc 2, 1-14. Quelle parole aura le plus d’effet sur la vie du monde ordinaire, la sollicitation administrative de l’empereur de Rome, ou la belle louange des messagers de Dieu ? L’empereur Auguste mène le monde depuis Rome, mais ce qui nous intéresse concerne un événement teinté du respect divin pour une modeste dynastie judéenne de jadis. Ce message est destiné en priorité à des exclus méprisés, des bergers inhibés dans leurs appartenances par les contraintes de leur métier peu respectueux du calendrier juif…
Ainsi, le message de joie proclamée par la multitude des messagers divins, même s’il n’a que peu de récipiendaires dans ces quelques bergers, concerne cependant tout le monde, tout le peuple, toute l’humanité que Dieu aime, à qui Dieu propose une alliance. On ne peut qu’être frappé de la longue présence des anges et des bergers dans ce récit qui nous mène à contempler l’enfant-Dieu. Il se donne à manger aux pauvres, et c’est une manifestation de la Sagesse divine qui nous fait entrer dans la louange.
Messe du Jour
Nous avons lu et médité hier soir le récit de la nativité de Luc, où Jésus est déposé dans une mangeoire. Saint Aelred, moine cistercien et Abbé du monastère de Rievaulx en Angleterre au XII° s. médite ainsi ce mystère :
« Qu’y a-t-il de remarquable à être emmailloté et couché dans une mangeoire ? Est-ce que les autres enfants ne sont pas emmaillotés aussi ? En quoi consiste donc ce signe ? […] On pourrait dire bien des choses sur ce signe, mais […] brièvement, Bethléem, qui veut dire « la maison du pain », c’est la sainte Église, où l’on distribue le corps du Christ, le vrai pain. La mangeoire de Bethléem, dans l’Église, c’est l’autel. C’est là que se nourrissent les familiers du Christ. Cet enveloppement de langes, c’est l’aspect extérieur des sacrements. Dans cette mangeoire, sous l’apparence du pain et du vin, il y a le vrai corps et le sang du Christ. Là, nous voyons qu’il y a le Christ en personne, mais enveloppé de langes, c’est-à-dire présent de façon invisible sous les sacrements. Nous n’avons pas de signe aussi grand et aussi évident de la naissance du Christ que le fait de consommer quotidiennement son corps et son sang au saint autel, et le fait que lui, qui est né pour nous d’une vierge une seule fois, nous le voyons chaque jour s’immoler pour nous ».
Écouter l’homélie du jour
Mais le jour de Noël, les passages bibliques qui nous sont proposés sont plus théologiques, notamment les deux prologues, de la lettre aux Hébreux et de l’Évangile de Jean.
Isaïe 52, 7-10. Voici un troisième extrait du prophète Isaïe, qu’on a lu quasiment quotidiennement pendant le temps de l’Avent. L’image des veilleurs qui voient arriver sur les montagnes les gens du grand retour est fortement enracinée dans l’A.T. Des montagnes autour de Jérusalem, on voit venir le début d’un temps nouveau. Des ruines de Jérusalem surgit une espérance inédite : Dieu console, Dieu rachète. Ce qui se passe en Sion n’a pas seulement un écho local ou régional. Cela a une portée universelle, pour « les lointains » de la terre.
Psaume 97 (98) Un autre débordement de frontières ! La terre tout entière a vu le salut donné au Peuple de Dieu. C’est une nouvelle à proclamer avec musique à l’appui !
Hébreux 1, 1-6. Nous proclamons le prologue solennel d’une grande réflexion sur le rôle de Jésus. Ce prologue d’une haute densité théologique et scripturaire nous présente Jésus comme Messie-prophète, Messie-prêtre, Messie-Roi.
Pour commencer, Il est le Messie — prophète : l’auteur nous dit : « Dieu nous a parlé par son Fils » : Jésus est bien le prophète par excellence ; il est la Parole même de Dieu, la Parole créatrice « par qui Dieu a créé les mondes » (v. 2). Mieux encore, il est le « rayonnement de la gloire de Dieu » (v. 3) 1 ; il dira lui-même « qui m’a vu a vu le Père » (il est l’expression parfaite de l’être de Dieu, v. 3). Ensuite, Il est le Messie — prêtre : c’était le rôle du grand-prêtre d’être l’intermédiaire entre Dieu et le peuple pécheur ; or, en vivant une relation d’amour parfaite avec son Père, une véritable relation filiale, Jésus-Christ restaure l’Alliance entre Dieu et l’humanité. Il est donc le grand-prêtre par excellence, qui accomplit la « purification des péchés ». Enfin, Enfin, il est le Messie — roi : l’auteur lui applique des titres et des prophéties qui concernaient le Messie : on a là l’image du trône royal, « il est assis à la droite de la Majesté divine », et surtout il est appelé « Fils de Dieu ».
Si ce passage nous est proposé dès le jour de Noël, c’est pour que nous sachions déjà déchiffrer le mystère de la crèche à cette profondeur-là. L’enfant qui nous est donné à contempler est porteur de tout ce mystère-là et nous en lui, par lui et avec lui.
Jean 1, 1-18 Aussi dense est le prologue de Jean.« Au commencement était le VERBE » : tout est mis sous le signe de la Parole, Parole d’Amour, Dialogue… Voilà l’Origine, le commencement de toutes choses… « Et le Verbe était au commencement auprès de Dieu » (v. 2-3) : en grec littéralement « tourné vers Dieu » ; le Verbe était tourné vers Dieu… C’est l’attitude du dialogue. Quand on dit « Je t’aime », ou quand on dialogue vraiment avec quelqu’un, on lui fait face ; on est « tourné vers lui » ; quand on lui tourne le dos, qu’on se détourne, le dialogue est rompu ; et il faudra faire demi-tour pour renouer le dialogue.
Ce que saint Jean nous dit ici est capital : la Création tout entière, puisque rien n’a été fait sans le Verbe, (la Création tout entière) est le fruit du dialogue d’amour du Père et du Fils ; et nous, à notre tour, nous sommes créés dans ce dialogue et pour ce dialogue. Nous sommes le fruit d’un dialogue d’amour.
« … le Verbe s’est fait chair et il a campé parmi nous… » Comme le Dieu du Premier Testament installé à demeure au milieu de son peuple, ainsi en est-il du Verbe : il déploie sa tente (1,14) au cœur du peuple de la création nouvelle. Car il est devenu le seul Révélateur du Père (1,18), en tant qu’il est son Verbe, son Fils, dont l’incarnation est célébrée et contemplée lors de ces fêtes de Noël.