Les passages de l’Écriture que nous lisons ce dimanche nous donnent quelques clés pour nous accorder à Jésus…
Être exigeant pour soi-même (durcir sa face)
Jésus, en Luc, au cours de son ministère public, ne monte qu’une fois à Jérusalem : y mourir pour que s’accomplisse le mystère pascal. Il teinte cette montée d’une particulière solennité, notamment par ce verset inaugural : Comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel, Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem. (Lc 9, 51). C’est la seconde fois que l’Évangile fait mention d’un « exode » – ici un « enlèvement » – devant avoir lieu à Jérusalem (cf. la transfiguration, Lc 9, 31). Cet enlèvement ou cet exode vise certainement autant les évènements de sa mort que de son ascension (résurrection)… Très conscient de ce qu’il l’attend à Jérusalem, comme le serviteur souffrant d’Isaïe, dans lequel la tradition chrétienne a toujours reconnu le Christ, Jésus durcit sa face pour s’y rendre (Is 50, 7), si nous devions traduire mot à mot le texte grec de l’Évangile. Jésus fait résolument face à son destin où il doit passer par la souffrance (Lc 24, 26.46), prélude à sa gloire.
Mais doux pour les autres (refuser le feu du ciel)
La réaction de Jacques et de Jean, devant le non-accueil de Jésus par les Samaritains : proposer de liquider un village de Samarie comme Dieu le fit pour Sodome et Gomorrhe (Gn 19, 24), ou comme le prophète Élie le fit à l’encontre des envoyés du roi Ochozias… (2 R 1, 9-12)… Cette réaction est à ce point disproportionnée et catastrophique que Jésus doit les « réprimander ». Cette réprimande de Jésus envers eux, même si son contenu ne nous est pas communiqué, reste éloquente. Finies les punitions divines ou les attitudes d’inquisiteurs… La foi au Fils de Dieu se propose, elle ne s’impose pas de force ! La conversion à « l’abaissement », clé de l’attitude de Jésus, mène à la sagesse d’aller tout simplement voir ailleurs…
Suivre les appels de Jésus (suis-moi)
Viennent ensuite trois candidatures à la suite de Jésus. Le disciple n’étant pas plus grand que le Maître, s’engager à sa suite comporte son lot de sacrifice, d’inconfort et de détachement, l’aspirant doit en être « averti ». Jésus n’hésite pas à le choquer, c’est-à-dire à le secouer…
Prenons le premier exemple. Non seulement Jésus n’a pas de résidence principale, ni de résidence secondaire, mais il affirme qu’il n’a pas de résidence du tout… « Fils de l’homme » (Dn 7, 13), il vient du ciel, il est « sorti » de Dieu. Mais sur la terre, Jésus vit cette très grande pauvreté de se mettre au rang des « sans domicile fixe » ; il souhaite vivre son ministère itinérant dans une grande liberté de déplacements, choisissant un mode de vie proportionnel à la mission à accomplir. On comprend qu’il puisse affirmer : « Celui qui me renonce pas tous ses biens ne peut être mon disciple » (Lc 14, 33).
Vivre libres pour une mission urgente (toi, pars)
« Toi, pars, et annonce le règne de Dieu ». Et l’on retrouve, sous-jacente, la triade traditionnelle, peut-être symbolisée ici par Élisée : pauvreté (il sacrifie ses bœufs et fait cuire le bois de l’attelage), chasteté (il quitte ses parents), obéissance (il se leva, partit à la suite d’Élie et se mit à son service).
Luc ne cesse de nous la présenter, sous une forme ou sous une autre : le combat contre les trois tentations au désert (Lc 4 : la satisfaction de soi-même, la domination sur les autres, la main mise sur Dieu), ou les trois exigences décisives pour le suivre (Lc 14, 25-33 : le préférer à sa famille, prendre sa croix, renoncer à tous ses biens… « il ne peut pas être mon disciple »)
« C’est pour que nous soyons libres que le Christ nous a libérés. Alors tenez bon, ne vous mettez pas de nouveau sous le joug de l’esclavage. Vous avez été appelés à la liberté » (Ga 5, 1).
Aussi pouvons-nous pister les liens qui nous emprisonnent : pas très exigeant vis-à-vis de soi-même, plutôt dur vis-à-vis des autres, pas vraiment à l’écoute des appels de Dieu, pas très pressé d’y répondre… Et demander les dons de l’Esprit Saint, que nous pouvons mettre « à notre sauce », pour grandir en liberté : la force, la douceur, la disponibilité, la promptitude…