Entretien avec Corentin Pezet, ordonné prêtre en la cathédrale de Cahors, le 26 juin 2022.
Par Rédaction Cahors Publié le 3 Juil 22 à 7:16
Malgré la baisse des vocations et les crises au sein de l’Église catholique, des jeunes choisissent toujours le sacerdoce. Corentin Pezet, 27 ans, est de ceux-là. Il a été ordonné dimanche 26 juin dernier à la cathédrale par l’Évêque de Cahors, Mgr Laurent Camiade.
Par le sacrement de l’ordination, des hommes sont configurés au Christ. À travers eux, le Christ est présent pour nous.
Cette journée si particulière, où l’ordinand reçoit, entouré de son évêque et de tous ses frères prêtres, les grâces nécessaires à sa vocation, est rythmée depuis toujours par les mêmes gestes et les mêmes prières.
La place du prêtre se trouve toujours « au milieu des gens »
Car « le prêtre n’est pas là parce qu’il est un héros mais parce que Dieu l’a appelé » selon les mots de Mgr Camiade qui poursuit : « la fonction du prêtre est d’abord d’annoncer la Parole de Dieu et de régir une communauté chrétienne d’une façon fraternelle et humble » (homélie de la messe chrismale d’avril 2022).
C’est ce que rappelait aussi, le pape François le 25 avril 2021 en ordonnant neuf nouveaux prêtres dans la basilique Saint-Pierre à Rome : « Devenir prêtre, ce n’est pas une carrière mais un service qui nécessite compassion et tendresse ». Enfin le pape a interpellé ses prêtres « sur la proximité avec le peuple de Dieu... Ne fermez pas votre cœur aux problèmes des autres ».
Car le prêtre est, selon le pape François « celui qui vit en rapport étroit avec la vie réelle des gens » s’immergeant dans sa communauté. « La place de tout prêtre se trouve au milieu des gens » insiste-t-il.
Dans l’homélie prononcée le 26 juin, l’évêque de Cahors a utilisé les mêmes termes : « Le prêtre a pour mission d’aimer les gens, de se mettre par amour au service des autres. Il aura la tâche d’établir une relation d’amitié avec chaque personne ».Vidéos : en ce moment sur Actu
Rencontre avec le Père Corentin Pezet
Échange avec l’enfant du pays, qui après avoir grandi à Gramat, a choisi d’entrer au séminaire Saint-Cyprien de Toulouse, conjuguant un cycle de formation en philosophie.
Après cinq années d’études juridiques, il a obtenu le diplôme Master II de Droit Public de l’Université Paris II-Assas, en poursuivant sa formation théologique.
À la fin de la cérémonie, Mgr Camiade l’a nommé vicaire de la paroisse de Biars-Bretenoux.
Actu : Quels sentiments dominent en vous en ce moment ?
Corentin Pezet : Avant mon ordination, j’avais une certaine crainte, qui n’était pas de la peur. Le sacerdoce est un mystère devant lequel il n’est pas possible de rester indifférent. Depuis peu, je célèbre la messe « source et sommet de la vie chrétienne » et peux donner le Pardon de Dieu. Bien que réel, tout cela est invisible et la foi des fidèles ne s’y trompent pas. Le prêtre quant à lui, doit croire dans son propre mystère car ce qu’il fait, c’est l’œuvre de Dieu.
Donc c’est dans une grande confiance que j’ai attendu ces moments importants. Je sais que c’est Dieu qui mène la barque.
N’y a-t-il pas « un brin de folie » quand vous avez dû répondre à l’appel de l’évêque : « me voici ! » ?
C. P. : Oui, bien sûr ! Selon les critères du monde, donner sa vie à Dieu révèle d’une certaine folie. Mais, « ce qu’il y a de fou dans le monde, c’est ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion les sages » (Co I 27). Les « sages » d’aujourd’hui font la promotion de la liberté absolue, du bonheur dans la consommation, mais je crois que le cœur de l’homme n’est pas capable de trouver le repos tant qu’il ne demeure en Dieu.
Et cette « folie » qui est d’abord celle d’un Dieu crucifié, interroge. Pourquoi gâcher sa vie (selon certains critères) pour un Dieu qui a été chassé de notre horizon collectif ?
L’engagement à vie est-il possible ?
C. P. : Cette question n’est pas spécifique aux vocations sacerdotales. La crise des vocations touche à la fois la vie religieuse et le mariage chrétien. S’engager à un moment donné pour sa vie entière peut donner le vertige ! Il y a là un acte de liberté qui impliquera une fidélité quotidienne.
Je crois quand même que l’une des richesses de la foi chrétienne, c’est son optimisme anthropologique (qui n’est pas non plus de la naïveté) et son assurance que la grâce divine agit.
Alors, évidemment je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait, mais je sais qu’au-delà de mon propre engagement, c’est celui de Dieu qui compte.
Quels renoncements sont justifiés quand on choisit une telle voie ?
C. P. : Tout choix conscient entraîne des renoncements. C’est particulièrement vrai pour le sacerdoce. À la suite du Christ, s’engager dans le célibat, l’obéissance, la simplicité de vie peut apparaître bien osé dans une société qui exalte des valeurs opposées.
Cela dit, lorsqu’on songe au mariage, il faut reconnaître que l’homme ne saurait être totalement engagé dans une vie de famille et simultanément dans la prêtrise. On ne peut pas diviser le don de soi-même. On ne saurait être totalement époux et prêtre : une vocation engage tout l’être.
À l’inverse, pris comme deux authentiques vocations, il est facile de comprendre que le renoncement fait partie du don total.
Quels renoncements sont justifiés quand on choisit une telle voie ?
C. P. : Tout choix conscient entraîne des renoncements. C’est particulièrement vrai pour le sacerdoce. À la suite du Christ, s’engager dans le célibat, l’obéissance, la simplicité de vie peut apparaître bien osé dans une société qui exalte des valeurs opposées.
Cela dit, lorsqu’on songe au mariage, il faut reconnaître que l’homme ne saurait être totalement engagé dans une vie de famille et simultanément dans la prêtrise. On ne peut pas diviser le don de soi-même. On ne saurait être totalement époux et prêtre : une vocation engage tout l’être.
À l’inverse, pris comme deux authentiques vocations, il est facile de comprendre que le renoncement fait partie du don total.
Comment vivre un certain équilibre affectif en ayant choisi le célibat ?
C. P. : Si le célibat pour le Royaume est un don de Dieu, il n’est pas synonyme de solitude ou d’enfermement.
Mais si l’apostolat lui-même est une ouverture aux autres, il ne saurait remplacer une vie fraternelle unissant les prêtres et d’autres amitiés profanes. Les amitiés que j’ai pu nouer au séminaire ou à l’université sont, pour moi, particulièrement précieuses.
Quelles attentes de la société identifiez-vous à votre égard ?
C. P. : Il y a naturellement une attente d’exemplarité. Les abus d’autorité (qu’ils soient sexuels mais aussi doctrinaux ou liturgiques) ont fragilisé l’image de l’Église chez beaucoup de gens. Une plus grande cohérence est exigée de nous, prêtres.
En même temps, si la société n’attend pas grand-chose de l’Église, nos contemporains sont réellement dans l’attente d’une parole de Salut. La crise ambiante est avant tout spirituelle. Le matérialisme triomphant a rendu l’homme hémiplégique et beaucoup s’en rendent compte.
Un saint qui compte pour vous ?
C. P. : Saint Dominique. Parce qu’il a su conjuguer deux éléments qui me semblent cruciaux. D’abord l’union à Dieu, la contemplation du mystère et ensuite, l’évangélisation. La rencontre avec Dieu et la découverte de son dessein d’amour pour l’humanité doit ainsi pousser à l’apostolat.
Notre rencontre avec le Dieu vivant doit nous inciter à le faire connaître. Naturellement, le XIIIe siècle est bien différent du nôtre mais on peut relever certains points communs : en négatif, la propagation de beaucoup d’erreurs qui éloignent les hommes de Dieu. En positif, la transformation de l’Église et ses grandes richesses humaines.
ANDRÉ DÉCUP