(11° D. TO. B — Mc 4,26-34) Le chapitre 4 de l’évangile de Marc est en grande partie consacré à l’enseignement parabolique de Jésus. « Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole » (v.33), « Il ne leur disait rien sans parabole » (v.34). On peut distinguer trois moments : 1. La parabole du semeur, racontée, justifiée et expliquée (v.3-20); 2. la parabole de la lampe et celle de la mesure (v.21-25) ; 3. la parabole de la semence et du grain de sénevé (v.26-32), qui nous occupe aujourd’hui.
La parabole de l’impuissance du semeur
Le semeur est qualifié par son ignorance : il ne sait comment. Mais cette méconnaissance souligne sa confiance, sa foi en cette terre qui travaille même lorsqu’il dort. Un enseignement que nous avons besoin de réentendre à l’heure où nous cherchons des méthodes de conversion pastorale pour rendre l’évangélisation efficace. La marche par la foi est une déprise, l’acceptation de la non-compréhension. Nous faisons confiance à la sagesse du Dieu de la vie.
Croissance et développement sont observables, mais non pas maîtrisables. Deux étapes requièrent l’action de cet homme : l’acte initial de semer, l’acte final de moissonner. Entre les deux, l’« automatisme » de la vie (« d’elle-même » traduit le grec automatê) reste un sujet d’étonnement. Quand la Parole tombe dans la bonne terre, il y a alors comme une sorte d’énergie inexpliquée de la semence ; la bonne terre devient productrice de fruit. Cette parabole est un complément de la parabole du semeur. Et une exhortation à nous convertir pour éliminer les obstacles.
Le semeur dort et s’éveille, allusion voilée à la Passion où ce divin semeur sera plongé dans le sommeil de la mort avant d’être réveillé dans la puissance de la résurrection, signe de l’inéluctabilité du règne de Dieu.
La parabole de l’insignifiance de la semence
Cette nouvelle comparaison explore une nouvelle mesure, ou démesure, du Règne de Dieu : la disproportion entre le caractère minuscule de la semence, la plus petite de toutes, et le dépassement qui s’opère au cours de la croissance. Ainsi des effets de la Parole de Dieu. Presque rien au départ. Mais des effets incalculables.
La parabole du sénevé veut faire partager une certitude déjà exprimée dans les paraboles précédentes : en dépit des difficultés, de l’inactivité apparente, et de la petitesse de la semence, le Règne de Dieu vient. À condition de rencontrer une bonne terre, la fécondité du mystère du Règne est très grande. Le Règne de Dieu n’advient pas par la force, l’éminence d’un germe fort, mais par la petitesse, la faiblesse du Galiléen Fils de Dieu et Christ. Ne négligeons jamais les petites choses…
> Jésus Parole de Dieu peut apparaître comme une donnée minuscule, au moment de sa manifestation sur notre terre : trente ans de vie seulement, et dans ce laps de temps, trois années passées à enseigner, sans guère dépasser les limites d’un pays lui-même minuscule. C’est un phénomène dérisoire au regard de la grande Histoire, des Royaumes et des Empires. Pourtant, le Royaume de Dieu en lui a été semé, un Royaume capable de dépasser tous les autres, Royaume hospitalier pour les oiseaux du ciel.
> L’arbre qui donne abri aux oiseaux est une figure traditionnelle pour représenter un roi dont le pouvoir assure la protection de ses sujets. On en a entendu une version dans Ezéchiel (17,22-24) lu en première lecture. L’arbre est symbole du roi, et aussi de son règne, ici du règne final de Dieu, couvrant de sa protection tous les hommes qui feront partie du Royaume de Dieu.
Le Règne de Dieu est un processus bien plus qu’un état, une dynamique qui se développe de façon insensible et incessante
Le Règne de Dieu, c’est l’emprise de Dieu sur nos cœurs d’hommes et de femmes, c’est notre entrée dans la vie de Dieu, c’est notre dialogue d’amitié avec Dieu. Et il n’est pas question pour nous de mesurer, de quantifier, d’évaluer, d’optimiser la croissance de cette vie. C’est Dieu qui la met en œuvre, c’est Dieu qui la rythme par son Esprit Saint. Souvent le Royaume grandit d’une manière cachée, dans l’effacement et la modestie; mais on peut faire confiance à sa fécondité qui ne se voit pas, et qui est celle de l’Esprit Saint.
Ce qui nous appartient, et que Dieu attend de nous, c’est que nous soyons (au niveau de l’être et non pas du faire) une bonne terre. Alors la semence, qui est la parole de Jésus, dans la terre de notre cœur, devient, au rythme de Dieu, blé en herbe, épi, puis grain dans l’épi; et Dieu la fait s’épanouir en nous, au long de notre vie de croyants. Notre vie, alors, est prête pour la moisson, à l’heure que Dieu choisira.
Seul importe celui qui donne la croissance : Dieu (1 Co 3,7)