Cécile Mérieux, site de La Croix, 10 oct. 2023
Fondé en 1987, le Hamas est une organisation islamiste palestinienne au pouvoir depuis 2006 dans la bande de Gaza. Son idéologie et son positionnement politique sont appuyés sur une rhétorique et une matrice religieuse.
► Qu’est-ce que le Hamas ?
Le Hamas est un mouvement islamiste palestinien, fondé le 14 décembre 1987, après le début de la première Intifada contre Israël. « Les fondements religieux du Hamas sont ceux des Frères musulmans, présents en Palestine dès les années 1950, indique Jean-Paul Chagnollaud, professeur des universités, directeur de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée/Moyen-Orient (iReMMO). Jusque dans les années 1980, ils développent leur politique : imposer à la société une lecture rigoriste de l’islam. »
Progressivement, le mouvement des Frères musulmans se développe en système politico-militaire, se radicalise et épouse le combat des Palestiniens. En 1987, les militants des Frères musulmans en Palestine choisissent de se rassembler sous le nom « Hamas », ce qui signifie « Mouvement de résistance islamique » en arabe.
Le 18 août 1988, huit mois après la fondation du mouvement, le Hamas publie une charte qui présente son idéologie et ses aspirations politiques. Il y réclame la création d’un État islamique dans les frontières de l’ancienne Palestine mandataire, l’annihilation d’Israël et le refus de toute négociation. Il préconise la mise en place d’activités sociales visant à prêcher la foi musulmane, alimente un antisionisme et appelle à lutter contre les « impérialismes sioniste et occidental ».
► Quel est le lien entre le religieux et le politique pour le Hamas ?
« Le Hamas est un mouvement islamo-nationaliste entièrement centré sur la cause palestinienne, indique Laetitia Bucaille, professeure de sociologie politique à l’Inalco. Il s’écarte du nationalisme arabe qui a échoué à établir une souveraineté palestinienne et considère que l’islam permettra aux musulmans de reconquérir la terre sacrée des Palestiniens. »
Dans les années 1950-1960, les tentatives de créer une unité arabe n’ont pas réussi. Le Hamas décide de proposer l’inverse : sauver la Palestine pour retrouver l’unité. « Pour le Hamas, ce n’est pas le nationalisme arabe mais la ré-islamination des Arabes qui permettra de reconquérir la Palestine, explique la chercheuse. On peut parler de fusion d’islamo-nationalisme. La foi des militants et la structuration de l’organisation expliquent la discipline des combattants, qui sont éduqués et structurés dans la foi et dans l’action. »
► Comment le mouvement a-t-il évolué depuis sa fondation ?
Dans les années 1990, le Hamas se distingue par ses nombreux attentats-suicides, le lancement de roquettes depuis Gaza à partir de 2007 et des prises d’otages. Le mouvement est considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis depuis 1997. Ce qui ne l’empêche pas de remporter les élections législatives palestiniennes en 2006 et de prendre le contrôle de la bande de Gaza en 2007. Il s’impose comme l’acteur dominant à l’intérieur des Territoires palestiniens.
Au pouvoir depuis lors, le Hamas a modifié certains des objectifs de sa charte de 1988. « En 2017, le Hamas a rédigé un nouveau document politique qui vient masquer sa charte, explique Laetitia Bucaille. Le Hamas a abandonné son objectif d’une Palestine “du Fleuve à la mer” et envisage la solution à deux États, dans les frontières de 1967. » Le Hamas ne renonce pas pour autant à son mode opératoire, avec le recours à la violence et aux actes terroristes. « Ce qui est nouveau, c’est l’ampleur des prises en otages de civils », indique Laetitia Bucaille, en référence à l’attaque de samedi 7 octobre.
« Le Hamas est revenu à ses fondamentaux, dans la façon dont il est entré dans le territoire israélien, dont il a massacré des civils, et commis des actes de terrorisme, appuie Jean-Paul Chagnollaud. Il joue la politique du pire. »
D’après le chercheur, les dernières actions du Hamas ont renforcé le soutien des Palestiniens, car elle a fait revenir la question palestinienne au cœur des préoccupations géopolitiques. « La population palestinienne est solidaire du Hamas parce qu’ils ont beaucoup souffert en Cisjordanie et à Gaza, et qu’ils approuvent que l’adversaire doive souffrir aussi », assure Jean-Paul Chagnollaud. Un sondage réalisé en 2021 par le Centre palestinien de recherche sur les politiques et les sondages (PSR) indiquait un soutien majoritaire au Hamas.
► Quelles sont les différences entre le Hamas et les autres mouvements islamistes ?
D’autres organisations terroristes, comme Daesh, partagent avec le Hamas la doctrine idéologique d’un islam radical et considèrent le combat armé contre les non-musulmans comme un devoir. Pourtant, les différences entre le Hamas et les autres organisations islamistes sont « fondamentales, selon Jean-Paul Chagnollaud. Le Hamas est une organisation islamiste qui a également recours à des méthodes terroristes, mais elle est avant tout nationaliste. C’est une organisation politique et militaire fondamentalement ancrée dans sa population. »
Hamas, Hezbollah, Djihad islamique : qui sont ces mouvements ennemis d’Israël ?
Premier critère de distinction pour le chercheur : le Hamas se veut un mouvement de libération nationale, contrairement à Daesh ou aux autres mouvements terroristes islamistes qui sont déterritorialisés. Deuxième critère de distinction : le Hamas est une organisation politique qui a été élue et continue de représenter le peuple palestinien de manière concrète, à la différence de Daesh ou Al-Qaida « dont le fonctionnement est comparable à celui d’une secte ».