31° D. TO A — Mt 23, 1-12. Nous sommes maintenant au paroxysme de la crise entre Jésus et les dirigeants d’Israël. Pharisiens, Hérodiens, Sadducéens et scribes ont été successivement confondus et se sont retirés. Reste la foule (qui écoute avec plaisir) et les disciples : c’est à eux que Jésus s’adresse maintenant (v. 1-12) avant d’invectiver durement les scribes et pharisiens (v. 13-32).
Jésus n’attaque ni l’institution du rabbinat en elle-même, ni des hommes qu’il accuserait d’être de faux scribes. Il dénonce les postures. C’est l’occasion pour nous de faire une révision de vie… de nous regarder aussi nous-mêmes, pour tirer parti de ces 5 reproches fondamentaux.
Ils disent et ne font pas (v. 1-3).
La première chose que Jésus pointe, c’est la contradiction entre les paroles et les actes, la distorsion entre le dire et le faire, entre les enseignements sur la Loi et les contre-exemples offerts par la vie concrète de ceux qui enseignent « dans la chaire de Moïse ».
Ils mettent des charges lourdes sur les autres (v. 4).
Jésus met en lumière la position « en surplomb » qui est caractéristique des personnes au pouvoir. Les personnes en situation de pouvoir édictent « d’en-haut », avec condescendance, et ne sont pas du même monde que ceux à qui elles s’adressent. Elles ne se sentent pas concernées par ce qu’elles exigent des autres, exigences ressenties comme de « lourdes charges ».
Au contraire, Jésus parle de son « joug », il porte la charge avec nous, et nous marchons ensemble du même pas : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug… vous trouverez soulagement pour vos âmes. Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger. » (Mt 11, 28-30).
Ils font toutes leurs actions pour être remarqués (v. 5).
La recherche du prestige est une tentation omniprésente et redoutable. C’est l’une des trois tentations de Jésus au désert, la tentation du pinacle (Mt 4, 5-7). Se placer dans une posture particulière pour se faire remarquer de tous, c’est rechercher « l’odeur de l’encens »…
Après une longue période de vie cachée, Jésus a mené une vie très publique, marquée cependant par une grande simplicité de vie, et par le souci d’être présent aux plus petits. Souvent, il demandait le silence aux personnes qu’il avait guéries. Il a obstinément refusé toute publicité au long de sa vie ; il ne tenait pas à ce qu’on dise partout qu’il était le Messie. Ce n’est qu’au moment même de la Passion qu’il s’est laissé reconnaître (Mc 14, 61-62).
Ils aiment les premières places et les salutations (v. 6-7).
Jésus souligne cette démangeaison, ce prurit de toujours vouloir paraître, qui nous guette tous. Même quand on fait profession de pauvreté, il est bien difficile de résister à l’attrait des privilèges liés à la charge. L’adulation des individus et des groupes envers notre humble personne est un parfum entêtant qui nous fait souvent tourner la tête… Et les privilèges deviennent rapidement des acquis…
Écoutons ici la parole radicale de Jésus : « C’est ainsi que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. » (Mt 20, 28). Il ne s’est jamais départi de cette ligne de conduite : faire de sa mission un service des hommes. Le Fils de l’homme (Dn 7, 13) est le Serviteur (Is 52, 13 — 53, 12).
Ils aiment à être appelés Rabbi (v. 7-10).
Ils aiment… s’entendre appeler « Rabbi » par les gens… Si vous regardez le texte de votre Bible, vous remarquez que Jésus reste quelques instants sur cet aspect, et développe plusieurs titres : rabbi, directeur, maître, père…
C’est l’occasion pour lui de souligner l’égalité entre le disciple et le maître, et entre les disciples entre eux : « vous n’avez qu’un seul maître et vous êtes tous frères ». Mais aussi de préciser que ces titres conviennent pour lui seul : « vous n’avez qu’un maître… vous n’avez qu’un directeur, le Christ »… Car les titres favorisent une posture de pouvoir !
Mais surtout, il faut souligner que Jésus réserve le titre de Père à Dieu seul : « vous n’en avez qu’un, le Père céleste ». C’est en effet le mot-clé de la prière qu’il a enseignée : Père ; et c’est le titre qu’il emploie pour parler avec autorité en disant : « Mon Père ». C’est le cœur de sa mission : « J’ai manifesté ton nom aux hommes » (Jn 17, 6).
ET VOICI LE REMÈDE :
« QUICONQUE S’ABAISSERA SERA ÉLEVÉ » (v. 11-12).
- Le remède à la culture du piédestal religieux, c’est l’abaissement, attitude humble du responsable religieux. « Quiconque s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera élevé ».
- Jésus nous le redit dans ces versets 11 et 12 qui forment une première conclusion : la vraie grandeur suppose le service en esprit et en actes. Cela passe par le dépouillement de tout attirail verbal, vestimentaire, postural qui encourage l’obséquiosité, l’esprit de cour, la servilité.
- Le pape François le rappelle sans cesse : nous devons vivre une conversion permanente sur ce point, et changer nos logiciels périmés et non conformes à l’Évangile. La souffrance de trop nombreuses victimes d’abus spirituels, laissées-pour-compte, crie vers le ciel.