(18° D. TO. B — Jn 6, 24-35) À la suite des deux signes donnés par Jean comme prologue à son chapitre eucharistique, nous assistons à un dialogue entre Jésus et ceux qui rôdent autour de lui. Comme dans le dialogue avec la Samaritaine (ch 4), où il s’agit de passer de l’eau du puits de Jacob au don de l’Esprit Saint, Jésus cherche à faire passer ses interlocuteurs de la manne mosaïque au pain eucharistique.
Les équivoques dans la recherche de Jésus
La foule voulait faire de Jésus un roi terrestre, ou un prophète annoncé. Mais Jésus leur a échappé, et elle est déçue d’avoir été déjouée : « quand es-tu arrivé ici ? ». La question a une saveur d’emprise. La recherche de la foule n’est pas pure. Rechercher Jésus pour les bienfaits qu’on peut en retirer, c’est une démarche païenne d’appropriation du divin, et donc passer à côté d’une vraie rencontre de Dieu lui-même.
Jésus n’a rien d’un démagogue : En vérité, en vérité, je vous le dis… il dit solennellement aux foules que leur recherche est impure, propulsée par la faim du ventre et la satiété expérimentée, pas par un désir de mieux le rencontrer dans son mystère (rappelons-nous la parole de Jésus marchant sur l’eau : « Je suis », « C’est moi »). Les foules n’ont pas « vu » (compris) le signe…
Une leçon sur la foi
Jésus interpelle les foules à l’impératif : Travaillez, donnez-vous de la peine… Il oppose deux nourritures : la périssable et l’éternelle qu’il vient apporter. Il se présente alors dans son identité divino-humaine, celle de Fils de l’homme, « certifié » par le Père, comme on met un sceau, en guise de signature, pour confirmer l’authenticité…
La suite du dialogue est remarquable. 1. Elle oppose le fait de travailler aux oeuvres de Dieu (au pluriel) avec l’oeuvre que Dieu fait lui-même, l’oeuvre de Dieu. L’oeuvre de Dieu, c’est à la fois le travail que nous faisons pour chercher Dieu, et le travail que Dieu fait en nous pour que nous le trouvions. Il nous est demandé non pas d’abord des actions, mais de mettre en oeuvre le don de la foi que Dieu nous fait pour nous attirer à lui. C’est un vrai travail. C’est le sens de la vie contemplative au coeur de l’Église.
2. Elle oppose aussi le faire et le croire. Que faut-il faire ? Il faut croire (en l’Envoyé du Père).
Plus grand que Moïse : Jésus
L’identité divine proclamée par Jésus, sa prétention à donner la nourriture qui demeure en vie éternelle, tout cela interroge. Et on en vient ainsi à parler de Moïse, la référence incontournable en matière de relation à Dieu. Lui, au moins, il faisait des signes (les cailles, la manne, l’eau…). « Yahvé dit à Moïse : ‘Je vais faire pleuvoir pour vous du pain du haut du ciel ‘ » (Ex 16,4). Alors, quel signe fais-tu ? Sous-entendu, es-tu plus grand que Moïse ?
C’est ainsi que les interlocuteurs de Jésus en viennent à citer le v. 24 du psaume 78 : « Du pain venu du ciel, Il leur a donné à manger », verset que Jésus va reprendre pour donner son enseignement. Ainsi la foule réclame-t-elle à Jésus d’être encore plus grand que Moïse, et donc d’accomplir le prodige céleste qu’on attendrait du Messie…
D’où la seconde affirmation solennelle de Jésus : Moïse n’a pas donné le pain du ciel… Il n’a donné que la manne, pain terrestre et périssable… C’est mon Père qui donne le vrai pain du ciel… Lui seul donne le pain de Dieu, celui qui descend du ciel et donne la vie au monde… Affirmation claire, une fois de plus, de son identité divine de Fils; et façon de remettre les choses en perspective. Jésus a attisé la curiosité, la faim : donne-nous toujours ce pain-là… 7 jours/7, pas comme la manne…
Jésus n’a rien à donner, si ce n’est de se donner
On ne peut donc plus en rester au niveau des dons reçus, le pain qui se perd, mais travailler à rencontrer le donateur. La parole magnifique qui clôture notre évangile est en fait le début de l’enseignement que Jésus donne maintenant. La première partie, vv. 35-48, est délimitée par l’inclusion C’est moi (ou je suis) le Pain de Vie. Jésus y appelle à VENIR et à CROIRE qu’il est seul à pouvoir rassasier le coeur humain.
« Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »