Tout l’Ancien Testament n’est qu’une petite route

Dès l’origine du monde, Jésus-Christ vit en nous, il opère en nous tout le temps de notre vie. Celui qui s’écoulera jusqu’à la fin du monde est un jour. Jésus a vécu et il vit encore, il a commencé en soi-même et il continue dans ses saints une vie qui ne finira jamais.


Si le monde entier n’est pas capable de contenir tout ce que l’on pourrait écrire de Jésus, de ce qu’il a fait ou dit, si l’Évangile ne nous en esquisse que quelques petits traits, si la première heure est si inconnue et féconde, combien faudrait-il écrire d’évangiles pour faire l’histoire de tous les moments de cette vie mystique de Jésus-Christ qui multiplie les merveilles à l’infini et les multipliera éternellement, puisque tous les temps, à proprement parler, ne sont que l’histoire de l’action divine !


Le Saint-Esprit a fait marquer en caractères infaillibles et incontestables quelques moments de cette vaste durée, il a ramassé dans les Écritures quelques gouttes de cette mer, il a fait voir par quelles secrètes et inconnues manières il a fait paraître Jésus-Christ au monde. On voit les canaux et les veines qui, dans la confusion des enfants des hommes, distinguent l’origine, la race, la généalogie de ce premier-né. Tout l’Ancien Testament n’est qu’une petite route des innombrables et inscrutables voies de ce divin ouvrage ; il n’y a que ce qui est nécessaire pour arriver à Jésus.


L’Esprit divin a tenu tout le reste caché dans les trésors de sa sagesse. Et de toute cette mer de l’action divine, il ne fait paraître qu’un filet d’eau qui, étant parvenu à Jésus, s’est perdu dans les apôtres et abîmé dans l’Apocalypse ; de sorte que le reste de l’histoire de cette divine action qui consiste dans toute la vie mystique que Jésus mène dans les âmes saintes jusqu’à la fin des siècles, n’est que l’objet de notre foi. Tout ce qui en est écrit n’en est que plus évident : nous sommes dans les siècles de la foi, le Saint-Esprit n’écrit plus d’évangiles que dans les cœurs ; toutes les actions, tous les moments des saints, sont l’évangile du Saint-Esprit ; les âmes saintes sont le papier, leurs souffrances et leurs actions sont l’encre.


Le Saint-Esprit, par la plume de son action, écrit un évangile vivant ; et on ne pourra le lire qu’au jour de la gloire où, après être sorti de la presse de cette vie, on le publiera.

Caussade (Jean-Pierre de, 1675-1751)

Issu d’une famille noble, entré chez les jésuites à Toulouse, Jean-Pierre de Caussade enseigne dans de nombreux collèges du midi de la France, avant d’en parcourir aussi le nord et l’est comme missionnaire. Auteur de l’Abandon à la divine providence.