Une figure imposée

Un geste emblématique

Le geste le plus emblématique de l’humilité est évidemment le lavement des pieds, accompli en ouverture de la Passion, et expression du service de la rédemption qui va s’accomplir sur la croix. La liturgie a voulu faire une place particulière à ce geste dans la célébration de la Cène, le Jeudi saint au soir. Au-delà de la matérialité du geste, Jésus donne un enseignement de portée universelle sur la spécificité de la charité chrétienne, qui doit toujours être empreinte de l’humilité du service. « Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites ».

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Un ordre

Pierre ne comprend pas l’esprit de son Maître. Il pourra plus tard comprendre et partager la condition de son Maître et passer avec lui de la souffrance à la gloire. Mais Jésus lui dit clairement : si tu n’acceptes pas, « tu n’auras pas de part avec moi », tu ne me seras plus associé, tu rompras avec moi.

« Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » (v. 14). C’est la seule fois où Jésus parle de cette façon, dans les Évangiles : « vous devez » ; on peut y percevoir le style johannique, qu’on retrouve dans la 1° lettre

– 1 Jn 4, 11 : « Bien-aimés, puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres ».

– 1 Jn 3, 16 : « Lui, Jésus, a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères ».

Un commandement nouveau

« Je vous donne un commandement nouveau : vous aimer les uns les autres ; comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » (Jn 13, 34). Ce commandement donné par Jésus est qualifié de « nouveau » ; la nouveauté réside dans la visibilité qu’il donne à l’amour divin dans sa croix. En contemplant sa croix, nous voyons combien et comment Dieu aime. Et c’est cet amour-là qui est le cœur du commandement ; cela se repère aussi à la façon dont le « comme » se trouve enchâssé dans la répétition de l’ordre de nous aimer.

Un signe indubitable

« À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (n 13, 35). Jésus fait de l’amour mutuel (ici, on pourrait traduire : si vous avez de l’amour les uns dans les autres) le signe indubitable et repérable par tous de notre engagement à sa suite comme disciples. Ce signe est un témoignage susceptible de toucher les cœurs et d’engendrer des conversions.

On comprend pourquoi Jésus a supplié le Père pour notre unité. « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé » (Jn 17, 21-23).

Une œuvre de l’Esprit Saint

Pierre, qui a pourtant proclamé sa foi dans le Saint de Dieu (Jn 6, 69), ne pouvait tolérer que Jésus le serve et veuille apparemment renverser les rôles. Il lui avait opposé un refus net. La réponse bienveillante de Jésus lui avait appris que le geste a pourtant un sens qu’il ne pourra saisir que par la suite. Ce « tu comprendras plus tard » ne renvoie pas à l’explication que Jésus fournit ensuite au groupe (13, 12-17), mais vise le temps post-pascal, lorsque l’Esprit aura été donné. Alors Pierre pourra lui aussi entrer dans le don de sa vie. C’est pourquoi il nous faut quémander pauvrement et constamment la charité divine comme un don de l’Esprit pour la vivre concrètement les uns envers les autres.